La bande côtière devenue la plus grande prison à ciel ouvert au monde a subi du 9 au 13 mai un nouveau cycle de bombardements massifs.
Par Gregory Mauzé
Les raisons structurelles de ce nouvel épisode d’une longue série d’agressions destructrices contre Gaza sont connues. Cherchant depuis toujours à isoler l’enclave du reste de la Palestine, Israël la soumet depuis 2007 à un blocus aux conséquences humanitaires et économiques désastreuses (lire notre dossier « Gaza: 15 ans de blocus inhumain » dans notre trimestriel n°92, 2e trim. 2022). Tant que durera cette punition collective dénoncée par l’ONU, des ONG et de nombreux acteurs internationaux, les affrontements entre l’occupant et les groupes armés –ici, le Jihad islamique– seront inexorablement amenés à se reproduire.
Ses causes spécifiques sont moins évidentes. Sur le long terme, et après les nombreuses attaques qui ont laissé la bande exsangue, un calme relatif prévalait ces derniers temps à Gaza, le Hamas au pouvoir et les autorités israéliennes ne souhaitant pas s’engager dans une confrontation totale. Du strict point de vue sécuritaire israélien, l’intérêt de prendre l’initiative de l’épreuve de force n’avait rien d’évident. Si le Jihad islamique avait bien envoyé une première salve de roquettes les 2 et 3 mai en réaction au décès en détention de son membre Khader Adnan après 85 jours de grève de la faim, un cessez-le-feu avait été néanmoins rapidement conclu. Ce dernier fut violé une semaine plus tard lorsqu’Israël exécuta dans leur sommeil trois commandants du groupe armé, leurs femmes, leurs enfants et d’autres civils, faisant au total 13 victimes et déclenchant en retour de nouveaux tirs de roquettes, cette fois plus massifs.
MACABRES CALCULS POLITICIENS
Cette nouvelle escalade provoquée par Israël était en réalité motivée par des considérations de politique intérieure. Le ministre de la Sécurité nationale, le suprémaciste Itamar Ben-Gvir, menaçait en effet de boycotter les réunions du cabinet du Premier ministre Netanyahou, faute d’un retour en bonne et due forme aux pratiques d’assassinats ciblés de dirigeants palestiniens. « Moins de 24 heures après que les portes de l’enfer se sont à nouveau ouvertes sur Gaza, Netanyahou commence déjà à en récolter les fruits », remarquait ainsi au premier jour de l’offensive la présidente de B’tslem Orly Noy dans +972 Magazine¹ . « Le parti de Ben-Gvir a annoncé qu’il recommencerait à soutenir le gouvernement à la Knesset. Les manifestants antigouvernementaux ont également annoncé qu’ils annulaient une manifestation en raison de l’opération. »
De fait, utiliser la violence contre les Gazaouis pour créer une « union sacrée » à même de neutraliser l’opposition est un stratagème bien rodé en Israël. À cet égard, le modus operandi de cette dernière séquence –une attaque éclair « préventive » non provoquée dans un contexte de politique intérieure délicat contre un dirigeant du Jihad islamique sans égard pour la vie des civils –ressemble à s’y méprendre à l’opération lancée le 5 août dernier par le prétendu « gouvernement du changement » qui rassemblait les opposants à Netanyahou de 2021 à 2022, alors en pleine campagne électorale. « La droite et le centre gauche israéliens savent de longue date que le meilleur moyen de paralyser l’opposition est de lancer un assaut contre le territoire sous blocus. », résume Orly Noy. Un macabre calcul dont les civils font une fois de plus les frais et ce, alors que le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé lé suspension de 60% de son aide en territoire palestinien occupé pour des raisons budgétaires, menaçant Gaza d’une crise alimentaire imminente².