Bulletin 63, mars 2015
Mohammed Musallam, Gaza, 30/01/2015
Notre vie à Gaza: “brève”
EAU: 2 heures par semaine, non potable.
GAZ: une demi-bonbonne tous les deux mois.
ELECTRICITE: 6 heures par jour.
FRONTIERE: tous les deux mois, ouverte “seulement pour les malades, les étudiants et les étrangers”.
ESPOIR: chaque seconde, chaque minute, chaque heure.
Gaza, Hossam Al-Madhoun, 09/01/2015, “RIEN NE SE PASSE A GAZA, RIEN.”
“Cher Jonathan, que dire? Les choses en sont arrivées à un tel point que nous sentons qu’en parler est inutile. Ils nous mènent au désespoir. Rien ne se passe, rien du tout. Rien de bon, rien de mauvais. Rien ne bouge, rien ne s’arrête, rien ne s’améliore, rien n’empire, rien. La seule chose qui arrive c’est…rien. Ce “rien” est tuant. Moins d’électricité, c’est un détail. Pas de reconstruction, c’est un détail. Les enfants qui meurent brûlés à cause d’une bougie, c’est un détail. Plus de 10 000 personnes qui vivent toujours dans des écoles qui leur servent d’abri, c’est un détail. Le Conseil de sécurité de l’ONU qui rejette la proposition palestinienne d’un Etat, c’est un détail. Des centaines de milliers de gens sans travail, c’est un détail. Peine de mort pour un vol, c’est un détail. Le Hamas qui refuse de rendre le pouvoir au gouvernement d’unité nationale, c’est un détail. Le Fatah qui refuse de payer les salaires des fonctionnaires des services publics, c’est un détail. Les malades qui meurent faute d’avoir pu voyager pour se faire soigner, c’est un détail. Les étudiants qui perdent leur chance de continuer leurs études vu la fermeture de Rafah, c’est un détail. Les gens qui meurent noyés dans la mer alors qu’ils cherchent à avoir une vie hors de Gaza, c’est un détail. Ma fille, Salma, qui passe deux semaines de vacances scolaires à la maison puisqu’il n’y a nulle part où aller et passer ses loisirs, c’est un détail. Les maisons qui sombrent dans la tempête, c’est un détail. Rien ne se passe, rien.
Et ce “rien” nous tue.
Gaza n’est pas une prison. Comme quelqu’un l’a dit, dans une prison, la nourriture est assurée. En prison, la sécurité est au moins garantie. En prison, l’éclairage est assuré. En prison, les visites de la famille qui vient de l’extérieur sont assurées.
A Gaza, nous vivons la guerre, et entre des guerres. Rien ne se passe, on attend la prochaine guerre.
Tu sais ce qui est pire dans ce “rien”??? Dans le rien tu ne peux t’attendre à rien et peut-on vivre sans perspectives?! Ils nous mettent dans la position d’attendre la venue de la mort, de vivre sans espoir, de perdre le sens d’être vivant, dans quel but??? Les gens ont même perdu la capacité de se révolter, même de se plaindre ou de s’exprimer. Si tu es à Gaza, aujourd’hui, 90% des gens parlent de: électricité ou pas d’électricité ; 6 heures, non 8 heures, non moins que 5 heures. Quel sujet de conversation!!! Rien, mon cher, rien ne se passe.”
Gaza, Ayman Abu El Tarabish
Lieu: rue Al Jalaa. Mercredi, 07/01/2014
Un homme jeune, dans les 40 ans. Il met ses chaussures et sa veste dans un sac. Il crie de toutes ses forces: “A vendre, à vendre!”. Il n’a pas assez d’argent pour lui et ses enfants. Les gens se sont rassemblés… je le jure… Il marchait pieds nus. (…)
Marwa Abou Labn, Gaza, 30 janvier 2015, L’AVENIR DE LA JEUNESSE A GAZA (écrit en français)
Nous sommes des jeunes, nous sommes palestiniens et nous bâtirons les rêves dont nous sommes remplis, des plus concrets aux plus incroyables ou aux plus simples: continuer ses études, avoir un emploi en Palestine ou ailleurs et vivre en sécurité sont nos priorités actuelles.
Si nous ne trouvons pas une façon de canaliser cette dynamique et cette énergie qui grandit en nous quotidiennement en quelque chose d’utile afin de nous donner l’espoir sur cette terre, il est sûr que l’impatience nous détruira.
Nous sommes très attachés à la vie et nous voulons vivre comme tout individu qui peut aspirer au minimum où qu’il soit dans le respect de sa dignité et de ses droits humains.