Qu’est-ce-que le BDS ? Boycott, Sanction et Désinvestissement
Historique
La campagne BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions) est une campagne internationale enjoignant les citoyens du monde à exercer diverses pressions économiques, académiques, culturelles et politiques sur l’État d’Israël. Cette campagne part du constat que la colonisation des territoires palestiniens n’a cessé de croître pendant ces derniers 50 ans d’occupation. Par ailleurs, 20 ans de pourparlers et de négociations n’ont mené à rien, si ce n’est le renforcement de l’impunité d’Israël. Constatant également l’impuissance des États à convaincre ou forcer Israël à se conformer au droit international et à mettre fin à son occupation, l’appel au boycott est un mode de protestation citoyen et non-violent, directement inspiré des campagnes de boycott des années 80 contre le régime d’apartheid en Afrique du Sud.
Ce mouvement a été lancé par la société civile palestinienne en le 9 juillet 2005 soit un an jour pour jour après l’avis de la cour internationale de justice déclarant illégale la construction du mur. Une coalition de 171 associations palestiniennes – des syndicats, partis politiques, organisations de femmes, réseaux de réfugiés, associations professionnelles, des comités de résistance populaire… – élabora ainsi une déclaration commune autour du comité national BDS.
En quinze ans, ce mouvement s’est développé au point de devenir un réseau mondial de milliers de bénévoles et militants pour une justice en Palestine, parmi lesquels de nombreux étudiants, des syndicats, des comités, des groupes religieux, etc.
En Belgique ce mouvement se développe depuis 2005. La plateforme “BDS Belgium”, regroupe plusieurs associations issues de la société civile, dont des associations militantes, partis politiques, syndicats, associations d’étudiants, et artistes.
Objectifs du BDS
BDS invite les citoyens de conscience à prendre des mesures de sanction envers l’État d’Israël, jusqu’à ce que ces trois objectifs soient atteints :
- la fin de l’occupation et de la colonisation des terres arabes, y compris le démantèlement du Mur et la levée du blocus sur Gaza
- la reconnaissance des droits fondamentaux des citoyens arabo-palestiniens d’Israël à l’égalité totale
- Le respect, la protection et la promotion du droit au retour des réfugiés palestiniens tel que stipulé par la résolution 194 des Nations Unies.
Le BDS, c’est quoi concrètement ?
> Boycott: Les consommateurs sont appelés à ne pas acheter de produits manufacturés par des entreprises israéliennes et internationales qui violent les droits des Palestiniens. C’est le cas notamment des entreprises qui bénéficient du soutien de l’Etat d’Israël pour s’être implanté dans les colonies. Elle cible donc les produits issus d’entreprises qui profitent de la colonisation et qui collaborent avec l’occupation.
Mis à part le boycott économique des produits de consommation, la campagne encourage également le boycott sportif, académique, culturel et artistique. Comme l’indique clairement le mouvement BDS, il ne s’agit pas d’exclure des individus, mais bien de peser contre des évevenemnts soutenus par l’ État israélien ou participant à redorer son image.
Des musiciens comme Roger Waters (Pink Floyd), Lauryn Hill ou Vanessa Paradis ont refusé de monter sur scène à Tel Aviv. Le cinéaste Ken Loach a décliné l’invitation à participer à un festival de film en Israël dans lequel son film était projeté.
> Désinvestissement: la campagne mène des actions de lobbying auprès des gouvernements, des institutions et des entreprises pour qu’elles cessent d’investir ou de coopérer économiquement avec l’Etat israélien. Il s’agit également de faire pression sur les banques, les conseils locaux, les églises, les fonds de pension, et les universités pour qu’ils retirent leurs financements de toutes entreprises israéliennes et internationales qui violent les droits des Palestiniens. BDS a notamment joué un rôle dans la décision de Veolia de vendre presque toutes ses activités en Israël ou dans la décision d’Orange de rompre son partenariat avec Partner, l’entreprise israélienne de télécommunication présente dans les colonies.
> Sanction: le BDS appelle à faire appliquer par nos États des sanctions envers Israël au vu de ses violations du droit international, notamment par la suspension des accords économiques et militaires entre l’Union européenne et Israël. Il s’agit également d’exclure Israël de forums internationaux tels que les Nations-Unis ou de la FIFA (voir la campagne “Carton Rouge”). En 2014 par exemple, le gouvernement chilien décide de suspendre les négociations en vue d’un accord de libre-échange avec Israël, en protestation contre son attaque sur Gaza.
Répression du mouvement BDS
Face au succès du BDS, le gouvernement israélien a décidé de mobiliser des moyens économiques, juridiques et diplomatiques importants pour tenter de courber ce mouvement. En 2011, la Knesset a adopté une loi qualifiant l’appel au boycott envers Israël comme une infraction civile. En 2016, le ministre israélien du Renseignement, Ysrael Katz, a dit, lors d’une grande conférence Israélienne anti-BDS qui s’est tenue à Jérusalem, qu’Israël devrait se lancer dans des « éliminations civiles ciblées » des « leaders » de BDS avec l’aide des renseignements israéliens. En mars 2017, le gouvernement passa une autre loi interdisant l’entrée de toute personne qui fait publiquement appel au boycott. Israël s’est également récemment alloué près de 23 millions d’euros pour lutter contre le “cyber sabotage”.
En France, le mouvement BDS fait l’objet de poursuites juridiques depuis 2010. La Cour de cassation passa plusieurs arrêts condamnant des militants BDS à payer des dommages et intérêts, l’appel au boycott étant jugé comme étant une “provocation à la discrimination, à la haine ou la violence”. La France est la seule démocratie européenne où l’appel au boycott par un mouvement associatif ou citoyen pour critiquer la politique d’un État tiers est interdit. En mars 2016, une jeune femme avait été arrêtée lors d’une manifestation pour avoir porté un T-shirt affichant “Boycott Apartheid Israël”. Cependant, en octobre 2016, Federica Mogherini, la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, a affirmé que l’Union continuait à défendre la liberté d’expression, dont le droit d’appeler au boycott pour des motivations politiques.
Exemples de campagnes en Belgique
“Stop Sodastream”
Sodastream est une multinationale israélienne fabriquant des appareils de gazéification de boissons. Initialement installée dans le parc industriel de Mishor Adumin (dans la colonie Ma’aleh Adumin implantée en Cisjordanie occupée), la principale usine Sodastream a dû être délocalisée dans le désert du Néguev, en Israël. Cette délocalisation, loin d’être un choix de la direction de l’entreprise, est le résultat de nombreuses campagnes de boycott en Europe ainsi qu’aux États-Unis.
Cependant, le problème loin d’être résolu, ne fut que déplacé. En effet, l’entreprise profite des nombreuses violations des Droits de l’homme commises par l’État israélien dans le Néguev, à savoir l’accaparement de terres, le transfert forcé d’une population hors de ses terres, la discrimination sur base ethnique et l’exploitation de travailleurs. Les premières victimes de ces violations dans le Néguev sont les Bédouins, des pasteurs arabo-palestiniens israéliens. Cette population dépossédée de ses terres et regroupée dans des villes-bantoustan forme une des populations les plus pauvres d’Israël et dès lors, représente une main-d’œuvre facilement exploitable pour Sodastream.
Au vu de la situation, la campagne appelle au boycott de la marque Sodastream et met en exergue les différentes formes de collaboration existant avec l’entreprise.
« Embargo militaire contre Israël «
Cette campagne, lancée par le Comité national palestinien Boycott Désinvestissement Sanctions (BNC), appelle à mettre fin à la coopération entre Israël et les gouvernements/ entreprises à travers le monde. En effet, l’utilisation de la force militaire est un des piliers de la politique israélienne d’oppression du peuple palestinien. Alors que de nombreuses organisations de défense des droits de l’Homme ont reporté les multiples atteintes au droit international perpétrées par Israël lors de ses fréquentes attaques sur les Palestiniens, Israël jouit toujours d’une totale impunité. Cette impunité est rendue possible par la collaboration de la communauté internationale et en particulier, des États-Unis qui pour la période 2009-2018, fourniront une aide militaire de 30 milliards de dollars au gouvernement israélien.
« Stop G4S »
G4S est une entreprise britannique de services de sécurité. Le groupe aide l’État israélien dans la gestion de ses prisons dans lesquelles les prisonniers politiques palestiniens sont détenus sans procès et dans des conditions intolérables. G4S fournit également matériel et services aux checkpoints israéliens, aux colonies, à la police ainsi qu’à l’armée israélienne. La campagne, se basant sur des arguments légaux tels que le non-respect des conventions de Genève par Israël, a coûté à la compagnie de nombreux contrats ainsi que la revente par la Fondation Bill Gates de ses parts dans la compagnie.
En 2016, G4S a annoncé son futur retrait du marché israélien pour des « raisons commerciales ». Malgré la raison avancée, l’impact du mouvement BDS sur ce retrait est indéniable. Cependant, la pression sur G4S se maintient jusqu’à ce que le retrait promis soit effectif.
« Boycott HP (Hewlett-Packard Company) »
HP est une multinationale américaine d’électronique qui joue un rôle majeur dans le système d’apartheid israélien. En effet, HP est le principal entrepreneur dans le système de contrôle par accès biométrique des checkpoints et du mur d’apartheid. Ces checkpoints et ce mur segmentent le territoire palestinien et empêchent la libre circulation des individus vers leur lieu d’étude, leur travail,…
De plus, HP fournit la technologie permettant à Israël de mettre en place son système de carte d’identité par lequel certains citoyens ont accès ou non à un emploi, à l’éducation … Ces cartes d’identité sont les garants de la survie de l’apartheid israélien.
En outre, HP fournit services et équipement au système pénitencier israélien en exemple, assurant le bon fonctionnement de son système de serveur central. À l’instar de G4S, la participation de HP dans le système pénitencier israélien en fait un acteur majeur des exactions commises à l’encontre des Palestiniens.
De surcroît, HP fournit structure informatique ainsi que services de soutien à la marine israélienne, la même marine assurant la pérennité du blocus que subit la Bande de Gaza depuis 2007. Ce blocus, ayant transformé cette étroite bande de terre en prison à ciel ouvert, a été fortement critiqué par de nombreuses organisations internationales. ; Amnesty International affirme dans son rapport de 2017 que le blocus en plus d’être une sanction collective, nuit fortement à l’économie gazaouie ainsi qu’à toute initiative de reconstruction post-conflit.