Les chrétiens eux aussi menacés en « terre sainte »

En dépit des déclarations des autorités israéliennes selon lesquelles elles respecteraient prétendument la liberté de culte, les attaques contre les musulmans et les chrétiens ont toujours existé. Mais, depuis le nouveau gouvernement d’extrême droite religieuse, elles se sont intensifiées.

Par Marianne Blume

Crachats contre les religieux-ses, vandalisme contre et dans les lieux de culte, agressions de prêtres et graffitis insultants… une série d’actes qui sont monnaie courante. Tant à Jérusalem, qu’en Cisjordanie ou en Israël. 


ATTAQUES CONTRE LES CHRÉTIENS EN CISJORDANIE…
En Cisjordanie, ces attaques sont le plus souvent liées au « price tag¹ » : les colons se déchaînent contre les villageois palestiniens et en profitent pour taguer des mosquées et des églises ou même les endommager. On pourrait croire qu’il ne s’agit là que de la violence habituelle des colons mais certaines associations et certains rabbins encouragent les attaques contre les chrétiens. Ainsi, le rabbin Benzion Gopstein, membre du parti de Ben-Gvir, kahaniste de la colonie extrémiste de Kyriat Arba, traite les chrétiens de « vampires suceurs de sang », déclare que Noël n’a pas sa place en Terre sainte, prône l’expulsion des chrétiens d’Israël et l’incendie des églises. Dans leur livre, la Thora des rois, les rabbins Elitzur et Yitzhak Shapira affirment notamment que «partout où l’influence de goys (les non-juifs) constitue une menace pour la vie d’Israël, il est permis de les tuer, même s’il s’agit de Justes parmi les nations ». Ces rabbins appartiennent à la colonie de Yitzhar, près de Naplouse. Chrétiens et musulmans sont visés. Des propos d’autres rabbins sont de la même veine. Or ils enseignent dans des yeshiva (écoles religieuses) et donc influencent profondément les jeunes des colonies, notamment. 

EN ISRAËL…
En Israël aussi, des attaques contre les lieux de culte chrétiens sont perpétrées. En 2023, par exemple, le centre communautaire maronite de la ville de Ma’a lot-Tarshiha² a été vandalisé. En 2017, l’église russe du Mont Carmel à Haïfa est taguée. Jaffa ou Nazareth ont aussi connu de telles attaques. En 2011, le maire de Nazareth-Illit a déclaré qu’il ne permettrait jamais aux résidents chrétiens d’illuminer des arbres de Noël dans les lieux publics. En 2015, c’est l’église des multiplications à Tabgha qui est incendiée.

Les chrétiens en Israël sont majoritairement palestiniens. Deux bonnes raisons de s’en prendre à eux. Depuis la loi « Israël, État-nation du peuple juif », adoptée le 19 juillet 2018, quiconque n’est pas juif est de seconde zone. Or, aujourd’hui, les juifs religieux extrémistes étant au pouvoir, ils luttent pour leur suprématie. Cette année, deux membres du parti Judaïsme unifié de la Torah ont proposé une loi contre le prosélytisme qui punirait d’emprisonnement toute personne qui tenterait de convertir à sa religion par la parole, les écrits, les vidéos : elle cible nommément les chrétiens. Netanyahou a assuré qu’aucune loi anti-chrétienne ne serait adoptée. Il n’empêche que cela donne l’ambiance. 

… ET À JÉRUSALEM OCCUPÉE
Depuis 2005, les célébrations chrétiennes de la Semaine sainte ont donné lieu à des barrages militaires et à une violence exercée conjointement par les policiers et les colons. Le nombre de fidèles autorisés à pénétrer dans l’église du Saint-Sépulcre a été drastiquement limité, passant de 11000 historiquement pendant la cérémonie du Feu sacré à 1800 depuis 2016, les autorités invoquant des « raisons de sécurité ». Cette année, outre cette limitation, outre les violences policières vis-à-vis des fidèles et même des prêtres (des vidéos probantes circulent sur le Net), des dizaines d’extrémistes juifs s’en sont pris aux croyants étrangers, hurlant: « Jérusalem est à nous. Partez d’ici! ». Le maire de Jérusalem, Arié King, a été très clair : il déclare avoir recruté des dizaines de juifs pour lutter contre les missionnaires chrétiens. 

Par ailleurs, les dégradations de symboles ou de lieux religieux ont été nombreuses, depuis une statue du Christ vandalisée, en passant par des agressions physiques contre des prêtres ou les graffitis sur les murs du quartier arménien ou la profanation de tombes. 

Pour les autorités religieuses, il est clair que la recrudescence des attaques résulte de la composante d’extrême-droite religieuse du nouveau gouvernement: les assaillants qui viennent des colonies se sentent protégés. Par ailleurs, ils dénoncent l’incurie de la police qui trouve rarement les assaillants ou qui les qualifie de malades mentaux quand elle les arrête. 

UNE VOLONTÉ UNIQUE
Ce qui est chrétien rappelle la présence palestinienne. Ce qui est musulman rappelle la présence palestinienne. Or la politique israélienne vise à effacer les Palestiniens, quelle que soit leur religion. Attaquer l’esplanade des Mosquées ou vandaliser les sites chrétiens relève de la même volonté. Si à Jérusalem, la bataille fait rage plus qu’ailleurs, c’est que la judaïsation forcenée de la capitale autoproclamée d’Israël se poursuit. Avec particulièrement la confiscation ou les achats opaques de bâtiments ou de terres appartenant aux églises. 

1/ «Price tag» ou le prix à payer, expression utilisée par les colons pour qualifier leurs violences contre les Palestiniens en Cisjordanie.
2/ Une ville dite « mixte » du nord d’Israël.

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