
Cette paire de dessins interroge l’accessibilité et l’usage de l’espace dans des circonstances et à des époques différentes : les raisons et les conditions du voyage changent la perception et la pratique des territoires que des personnes traversent, par plaisir ou par nécessité.
Dessin de gauche (tracé vert) : En 2017, Laurence Mekhitarian m’avait confié les souvenirs de ses séjours en Palestine lorsqu’elle s’était rendue à Ramallah pour donner des concerts et des cours de piano au Conservatoire de musique. Elle était aussi allée à Jérusalem et à Naplouse.
Dessin de droite (tracé rouge) : J’avais par ailleurs visionné un documentaire – Passeurs – réalisé par Mohammed Abugeth et Daniel Carsenty (2016). Ils avaient accompagné des travailleurs palestiniens sans permis sur leur trajet périlleux et semé d’embûches, depuis la ville de Yatta jusqu’ à Tel-Aviv. Je m’étais donnée comme consigne de ‘suivre’ l’un d’eux (il ne donnera pas son nom), qui se rendait sur un chantier de construction où il resterait 3 semaines dans des conditions éprouvantes. Il commentait les difficultés de trouver du travail en Palestine et d’obtenir un permis de travail israélien, la destruction des surfaces cultivables et des villages bédouins par l’armée israélienne, et les risques encourus s’il se faisait prendre.
Dans les deux cas, j’ai restitué une infime partie des informations récoltées, mais suffisamment pour pouvoir reconstituer les déplacements et rendre les impressions de l’une et de l’autre. Les paysages sont identiques, mais le tracé vert qui représente les déplacements de la pianiste belge est fluide, tandis que le tracé rouge du travailleur palestinien est heurté et malmené, comme blessé.
Lucile Bertrand