Une nation de réfugiés

S’il faut parler d’une diaspora, c’est bien de celle du peuple palestinien, « les Peaux-rouges » du Moyen-Orient, comme le dit le poète Mahmoud Darwich.

Ils rêvent du retour, certains en ont perdu l’espoir … on les compte par millions, ces Palestiniens de la diaspora. Conséquences de plusieurs guerres, de 1948 à 1967, puis suite à d’autres mesures répressives d’Israël … Ils seraient aujourd’hui environ 4,5 millions dispersés de par le monde. A présent, nous en sommes à la troisième génération de ces réfugiés. Des accords ont été signés, il y a eu des conventions, des engagements mais leur question, qui fait partie dudit « statut final », semble sans issue.

Un retour en Palestine n’est pas du tout acquis et une vie dans les pays qui les accueillent est loin d’être confortable. En fait, le statut de ces réfugiés diffère selon les pays d’accueil. Mais un caractère commun les regroupe tous et on peut le traduire en deux mots : l’exil et la souffrance.

C’est en Jordanie que se trouve le plus grand nombre des réfugiés palestiniens composant ainsi près de la moitié de la population. Ils sont estimés aujourd’hui à 2,3 millions d’âmes. La Jordanie constitue cependant une exception, c’est en effet le seul pays qui ait accordé le statut de résidents et de citoyens jordaniens à tous les ressortissants palestiniens vivant sur son territoire. Mais, si ce pays est le seul dans lequel les réfugiés palestiniens disposent d’un passeport national, ils y ont des relations parfois tendues avec la population locale qui les accuse souvent d’être plus loyaux à l’égard de l’OLP que de leur pays d’accueil, ou encore de contrôler le secteur privé de l’économie du Royaume. Les Palestiniens se plaignent, quant à eux, de rester exclus de la fonction publique, notamment des fonctions stratégiques de sécurité. Leurs représentants au Parlement sont proportionnellement en moins grand nombre que ceux des Jordaniens. 18,3 % d’entre eux vivent dans 13 camps construits en marge des principales villes du Royaume où les conditions socio-économiques sont déplorables : la densité de la population est très élevée et les infrastructures insuffisantes. Cela reste pourtant un privilège ; les Palestiniens de Jordanie connaissent une bien meilleure situation en comparaison de leurs semblables au Liban.

Le Liban ou l’incarnation du drame

C’est notamment dans ce pays que le plus grand nombre de réfugiés palestiniens vivent dans un état d’extrême souffrance. Les 430.000 Palestiniens du Liban  constituent près d’un dixième de la population de ce pays. Cependant, ils sont considérés comme citoyens de seconde zone. Le Liban ne veut pas voir se reproduire les événements de 1975, lorsque des affrontements ont éclaté entre Palestiniens et Libanais, menant plus tard à la guerre civile. Aujourd’hui, les Palestiniens du Liban ne possèdent aucun droit civique et politique.

Selon Amnesty International, « les 12 camps de réfugiés officiels du Liban connaissent des problèmes graves : infrastructures insuffisantes, surpopulation, pauvreté et chômage ». Il suffit aussi de savoir que la superficie allouée aux camps officiels n’a pratiquement pas changé depuis 1948, bien que le nombre de réfugiés enregistrés ait été multiplié par quatre. La loi interdit l’entrée de tout matériau de construction dans certains camps, ce qui empêche la rénovation, l’extension ou l’amélioration des habitations. Les difficultés des Palestiniens sont aussi aggravées par une présence militaire permanente autour des camps situés dans le sud du Liban. Chaque fois qu’ils veulent sortir de l’enceinte du camp ou y rentrer, les réfugiés doivent franchir un poste de contrôle de l’armée libanaise et présenter leurs documents d’identité, ce qui renforce la tendance à voir en eux des étrangers dangereux et non des réfugiés ayant besoin de protection.

Ces réfugiés n’ont pas accès à la naturalisation et ne peuvent bénéficier du réseau de santé publique, ni du système public d’éducation. D’autres restrictions relatives au marché du travail leur ont été imposées. Jusqu’en 2005, plus de 70 professions leur étaient interdites. Une vingtaine le sont toujours. Les événements de Nahr Al-Bared ont encore aggravé la situation.

L’eldorado syrien

Quant à la Syrie, on entend de nombreux Palestiniens dire que les conditions de vie dans ce pays, où résident quelque 460.000 réfugiés, sont les meilleures. Bien qu’ils n’en possèdent pas la nationalité, ils disposent des mêmes droits sociaux que les Syriens. Ils sont néanmoins soumis à un contrôle politique strict. Les Palestiniens de Syrie n’ont pas de passeport, mais un laissez-passer qui complique l’obtention de visas. Les droits au travail ne sont pas limités sauf pour les postes dans l’administration, l’armée et les services de renseignements. Aujourd’hui, cependant, la Syrie impose de nombreuses restrictions à l’entrée des Palestiniens, notamment ceux qui ont fui la guerre d’Irak. Les autorités syriennes refusent de laisser entrer ces derniers de crainte de ne pouvoir surveiller leurs déplacements.

Et c’est en Irak que les réfugiés palestiniens constituent la minorité la plus persécutée. Ils étaient favorisés sous Saddam Hussein, qui les avait accueillis et leur avait offert d’excellentes conditions d’existence, éducation et soins médicaux gratuits, un large éventail d’emplois et, surtout, un logement quasi gratuit dans d’anciennes habitations du centre de Bagdad. Ces bienfaits de Saddam Hussein ont fait de la communauté palestinienne un objet de haine et elle subit aujourd’hui une répression féroce : expulsions des habitations, assassinats, enlèvements. Des 60.000 réfugiés qui vivaient en Irak avant l’invasion américaine, 15.000 d’entre eux ont fui. Depuis l’occupation, les quartiers palestiniens de Bagdad tels que Hourriyya et Al-Baladiyyat ont été bombardés et assaillis. La plupart des fugitifs sont aujourd’hui bloqués à la frontière irako-syrienne, vivant dans des camps dont les conditions humanitaires sont déplorables. Ces Palestiniens ne disposent en général d’aucun document qui prouve leur citoyenneté irakienne ni d’aucun autre qui leur permette d’entrer dans un pays arabe voisin.

Quant à l’Egypte, où il y a peu de Palestiniens par rapport aux autres pays arabes, elle ne fait pas exception. Les 48.784 Palestiniens qui y vivent disposent d’un laissez-passer mais toute sortie d’Egypte comporte le risque qu’ils ne puissent pas y retourner. Ils n’y ont pas droit à l’enseignement public ni au travail. Et la crise actuelle à la frontière traduit/manifeste cet état des lieux complexe.

Aliaa Al-Korachi

publié par al-Ahram hebdo en français le 6 février 2008

STATISTIQUES UNRWA

lieux

Camps

officiels

Nombre de
familles
dans les camps
Nombre de
refugiés enregistrés à l’UNRWA
dans les camps
Nombre total de réfugiés enregistrés à l’UNRWA dans et hors camps
Jordanie 10 63.591 328.076 1.858.362  (2007 : 1.880.740)
Liban 12 50.806 215.890 408.438     (2007 :    411.005)
Syrie 9 26.645 119.055 442.363     (2007 :    446.925)
Cisjordanie 19 39.895 186.479 722.302     (2007 :    734.861)
Bande de Gaza 8 93.074 478.272 1.016.964   (2007 :  1.030.638)
Nombre total 58 274.011 1.327.772 4.448.429 (2007 :  4.504.169)
Chiffres au 31 décembre 2006

Données chiffrées sur les réfugiés palestiniens*

Pourquoi sont-ils partis ?

D’après les historiens israéliens Nombre de localités
Expulsion par les forces armées juives 122
Assaut militaire par les troupes juives 270
Peur d’une attaque juive ou pris dans les combats 38
Influence de la chute d’une ville voisine 49
Effet psychologique 12
Fuite ordonnée par les pays arabes 6
Inconnu 34
Total 531

Quand sont-ils partis ?

Période Nombre de localités Nombre de réfugiés
Pendant le mandat britannique (avant la création d’Israël) 213 413.794 (52%)
Pendant la guerre de 1948 264 339.272 (42%)
Après la signature de l’Armistice (y compris les dates inconnues) 54 52.001 (5%)
Total 531 805.067 (100%)

* Source : Palestine Land Society (Salman Abu-Sitta)

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