Bulletin 64, Juin 2015
Depuis soixante-sept ans, les cinq millions de réfugiés palestiniens sont toujours victimes de l’inertie de la communauté internationale et de l’impuissance de ses institutions. La naissance par la force et par la violence de l’État d’Israël en 1948 a entraîné plusieurs conséquences catastrophiques pour le peuple palestinien, dont les trois suivantes:
- La disparition de la Palestine comme pays de la carte, son territoire étant partagé entre Israël, la Jordanie et l’Égypte au lendemain du 15 mai 1948 ;
- La création du drame des réfugiés, près de 800 000 Palestiniens ayant été contraints de prendre le chemin de l’exil vers d’autres pays voisins, ou à l’intérieur de la Palestine historique, dans les territoires non contrôles par Israël comme la Cisjordanie ou la bande de Gaza ;
- La disparition totale d’un interlocuteur politique palestinien sur la scène internationale pour défendre les intérêts du peuple palestinien. Il a fallu attendre 1974 avec la décision du sommet arabe de Rabat au Maroc, qui a intronisé l’OLP (Organisation pour la libération de la Palestine) comme l’unique représentant du peuple palestinien, ce qui a permis un début de reconnaissance de l’OLP sur la scène politique et institutionnelle internationale.
Les réfugiés palestiniens et l’ONU
Après la guerre de 1948, les Nations unies, lors de l’assemblée générale du 8 décembre 1949, ont décidé de mettre en place un organisme international temporaire pour s’occuper des réfugiés palestiniens, c’est l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (en anglais UNRWA). Cet organisme dont le mandat est régulièrement renouvelé devait offrir des services gratuits aux réfugiés palestiniens dans les domaines de la santé, de l’éducation (les 9 premières années d’études obligatoires et les formations professionnelles) et de l’aide humanitaire.
Les réfugiés palestiniens ont un statut particulier reconnu par l’ONU dans le cadre de l’UNRWA. Ce statut englobe les Palestiniens qui ont dû quitter leur région en Palestine entre juin 1946 et mai 1948, ce statut tient évidemment compte de leurs descendants.
L’UNRWA offre ses services dans 59 camps de réfugiés palestiniens répartis entre:
Palestine: 19 camps en Cisjordanie et 8 camps à Gaza ;
Jordanie: 10 camps ;
Liban: 13 camps ;
Syrie: 9 camps.
Le nombre de réfugiés est en augmentation, les derniers chiffres font état en 2012 de l’existence de 5 271 893 réfugiés palestiniens identifiés par l’UNRWA. A l’évidence, sans la prise en charge et le règlement de cette problématique centrale qu’est la question des réfugiés, une solution pacifique au conflit israélo-palestinien paraît d’autant plus illusoire.
La question des réfugiés palestiniens est une question politique
Depuis sa création en 1964, l’OLP a considéré le droit au retour des réfugiés palestiniens sur la base de la résolution de l’ONU 194 comme une constante dans le combat national du peuple palestinien. Ce droit est d’abord individuel et personnel ; il est lié à chacun des réfugiés, c’est pourquoi aucune autorité politique ne peut le concéder ou y renoncer, il fonde également une revendication politique nationale sur laquelle les composantes du mouvement national palestinien sont unanimes ; enfin il est juridiquement fondé car relevant du droit international, la résolution des Nations unies 194 de 1949 accordant aux réfugiés palestiniens et à leurs descendants le droit de retour et d’indemnisation pour ceux qui ne désireraient pas en user.
Le droit de retour des réfugiés palestiniens en danger
Depuis plusieurs années, la question des réfugiés fait l’objet de nombreuses attaques en règle, l’objectif principal en étant de l’affaiblir jusqu’à son effacement de l’agenda politique international.
D’abord l’organisme des Nations unies concerné ( l’UNRWA) a vu diminuer ses moyens financiers, cela a réduit en quantité et en qualité les services rendus au bénéfice des réfugiés palestiniens. Cette réalité conduit beaucoup de jeunes Palestiniens à tenter l’exil vers des pays lointains. Ainsi, le nombre de Palestiniens arrivés dans les pays européens depuis une dizaine d’années représente une réalité nouvelle à étudier. Sans aucun doute, la situation socio-économique bloquée dans le pays est la raison principale de leur départ.
Ensuite, des initiatives politiques ont été prises en vue de trouver une alternative à la résolution des Nations 194, c’est le cas à mon sens de l’initiative de paix arabe unie lancée lors du sommet arabe de Beyrouth en 2002. Cette initiative avance d’autres solutions que celle du droit de retour, prônant par exemple la proposition d’installer des réfugiés palestiniens dans des pays tiers comme les pays européens, le Canada, les États unis ou des pays arabes qui les accepteraient
Sur le plan intra-palestinien même, la question des réfugiés est de plus en plus marginalisée dans le chef des institutions représentatives palestiniennes comme l’Autorité palestinienne ou l’OLP. Trouver une solution au conflit israélo-palestinien à tout prix conduit certains dirigeants palestiniens à perdre de leur fermeté dans la défense de ce droit ; certains d’eux ont proposé qu’une partie des réfugiés se trouvant dans des pays arabes depuis 1948 puissent intégrer le territoire du futur État palestinien au lieu de retourner dans leurs régions natales
Enfin, l’état de guerre dans certains pays arabes, comme la Syrie, la Libye ou l’Irak, pousse des réfugiés palestiniens à les quitter en demandant l’asile dans d’autres pays. En Syrie par exemple, des camps sont même détruits et des centaines de milliers de réfugiés sont déplacés par la force. Or la présence physique des camps des réfugiés est importante, elle constitue une preuve matérielle de l’existence de la question des réfugiés et rappelle de manière lancinante la nécessité d’y trouver une solution.
Au lendemain de la création de l’État d’Israël en 1948, David Ben Gourion, Premier ministre israélien de 1948 à 1953, avait fait une déclaration devenue célèbre et dévoilant sa vision de la question des réfugiés palestiniens: « les vieux mourront et les jeunes oublieront ».
La majorité des réfugiés palestiniens aujourd’hui n’ont pas oublié, ils continuent à réclamer fermement et avec force leur droit au retour.
Par Hamdan Al Damiri
Coordinateur de l’ABP- régionale de Liège