Je suis mariée et j’ai trois enfants : un fils, Riad, qui a trois ans et deux filles, Raja, qui a six ans et Riwa, qui a deux ans. En 2001, j’ai épousé Muhammad Abu Sultan Riad Shhadeh. Mon mari est du quartier de Rimal, dans la bande de Gaza. Il est venu en Cisjordanie en 1996 et a vécu dans la région de Tulkarem jusqu’en 2008. Je l’ai rencontré alors qu’il travaillait au magasin de vêtements de mes parents. En août 2001, nous avons préparé un contrat de mariage et nous nous sommes mariés en mars 2002. Nous avons vécu dans notre maison dans le camp de réfugiés de Tulkarem, il a travaillé au magasin de mes parents et aussi dans la construction.
Mon mari avait une carte d’identité de résident de Gaza. Il ya quelques années, l’Autorité palestinienne a annoncé que les résidents de Gaza qui vivent en Cisjordanie pourraient échanger leurs cartes d’identité pour les cartes d’identité de Cisjordanie. Muhammad se rendit au bureau administratif palestinien de la population à Ramallah et le 1 er octobre 2007, il lui a été délivré une carte d’identité de Cisjordanie. Il l’a fait pour se sentir plus en sécurité, même s’il avait l’habitude de se déplacer à Naplouse, Ramallah, Jénine et Jéricho sans jamais avoir de problèmes ou de difficultés aux points de contrôle.
Le 12 Janvier 2008, nous sommes allés à Naplouse lors d’une visite. Nous sommes entrés dans la ville par l’ouest, en passant par le barrage de Beit Iba, et nous l’avons traversé sans aucun problème. A midi, sur le chemin du retour, les soldats ont arrêté Muhammad au poste de contrôle. Je l’ai attendu jusqu’à minuit. J’ai supplié les soldats de le libérer. Mes sœurs, qui vivent aussi dans le camp de réfugiés de Tulkarem, sont venues s’informer auprès des soldats de ce qui s’était passé, mais cela n’a servi à rien. Vers minuit, les soldats nous ont dit que mon mari serait envoyé à la bande de Gaza. Je les ai supplié et ai expliqué que nous étions mariés depuis six ans et qu’il avait de jeunes enfants qui avaient besoin de leur père, mais rien n’y fit.
Un peu plus tard, tandis que mon frère et moi étions en attente près du poste de contrôle, deux soldats sont venus avec Muhammad, pour le laisser nous dire au revoir. Ils ont dit qu’ils l’envoyaient à Gaza parce qu’il était un résident de Gaza. J’ai ressenti une douleur terrible et j’ai beaucoup pleuré. Muhammad a pleuré aussi, parce que tous ceux que nous avions fait était d’aller ensemble à Naplouse, le matin, et que maintenant j’allais devoir retourner au camp de réfugiés de Tulkarem seule avec mon frère.
Ma petite fille est née le 12 Novembre 2007, et n’avait que deux mois à l’époque. En raison de ma souffrance après la séparation de Muhammad, le lait a manqué dans ma poitrine, je ne pouvais plus allaiter. Ma douleur au cours de la déportation de Mohammed, qui vit maintenant dans le quartier de Rimal à Gaza, a augmenté pendant la guerre dans la bande de Gaza. J’étais constamment angoissée pour lui. Il m’appelait tous les jours pour demander comment les enfants et moi allions. Mais Riwa a déjà deux ans et mon mari n’a pas passé de temps avec elle. Mes enfants ne font pas de câlin à leur père, ils appellent leur grand-père « papa ». En plus de l’absence de Muhammad, je souffre aussi de la société qui impose des restrictions aux femmes qui vivent sans leur mari, surtout puisque je suis jeune.
J’espère que ma famille sera réunie et que mon mari reviendra vivre avec moi et nos enfants dans le camp de réfugiés de Tulkarem.
Alaa Hassan Muhammad Abu Sultan, 23 ans, mariée et mère de trois enfants, est propriétaire d’un magasin de vêtements et vit dans le camp de réfugiés de Tulkarem. Elle a donné son témoignage à ‘Abd al-Karim Sa’adi dans sa boutique le 11 Octobre 2009.
source : B’Tselem