La vallée du Jourdain est classée en zone C et est donc sous contrôle israélien complet. Israël a imposé des restrictions sévères sur la construction et les déplacements qui ne s’appliquent qu’aux seuls Palestiniens, les poussant de manière efficace à quitter la zone.
L’administration civile ne permet pas aux Palestiniens de construire sur les terres des bédouins dans la vallée et démolit systématiquement les structures temporaires dans lequel ils vivent et élèvent leurs troupeaux. L’armée limite la circulation des Palestiniens entre la vallée et le reste de la Cisjordanie et n’autorise que les Palestiniens enregistrés comme résidents de la vallée à enregistrer des véhicules privés. Les Palestiniens d’autres régions de Cisjordanie sont autorisés à venir uniquement à pied ou en transports publics. La séparation de la vallée du Jourdain du reste de la Cisjordanie viole gravement les droits de l’homme de nombreux Palestiniens.
La communauté de Bédouins d’al-Hadidiyeh est située dans le nord de la vallée du Jourdain. Les colonies de peuplement Ro’i et Beka’ot ont été construite à l’est de celle-ci, partiellement sur ses terres agricoles. ‘Abd a-Rahim Bsharat, 60 ans, qui a vécu dans cette communauté toute sa vie, estime qu’il y a une dizaine de familles, au total 91 personnes, qui y vivent maintenant, en trois petits groupes. Les résidents, comme celles de beaucoup d’autres petites communautés bédouines dans la vallée du Jourdain, gagnent leur vie en élevant des moutons et des chèvres et en travaillant leurs terres.
Dans le recensement effectué par Israël en 1967, les autorités ont enregistré toutes les personnes vivant dans la région comme des résidents des villes voisines de Tammun et Tubas. Par conséquent, il n’y a pas d’information officielle sur le nombre de résidents qui vivait à Al-Hadidiyeh à l’époque. Bsharat estime qu’avant 1967, on y comptait environ 2.500 habitants, dont certains ont fui vers la Jordanie après la guerre.
la politique des colons et de l’armée : harceler les bédouins
Depuis le milieu des années 1970, Israël a fait pression sur les habitants afin qu’ils abandonnent leurs terres, fondant de plus des colonies dans la région. Bsharat décrit comment l’armée condamnait à une amende les bergers qui faisaient paître leurs troupeaux sur les terres à proximité des colonies et comment, dans certains cas, les soldats ont tiré sur les troupeaux, tuant plusieurs moutons ou bien confisquaient les animaux. Ces derniers mois, B’Tselem a documenté plusieurs cas dans lesquels les habitants d’al-Hadidiyeh ont affirmé que les coordinateurs de sécurité de Ro’i et Beka’ot les ont agressés ou harcelés pendant qu’ils faisaient paître leurs troupeaux, pour tenter de les éloigner des colonies de peuplement. Les témoignages brossent un tableau inquiétant du soutien de l’armée et de la police au harcèlement des bergers par les coordinateurs de sécurité.
Il y a trois ans, la Haute Cour israélienne de Justice a ordonné que les habitants d’al-Hadidiyeh soient expulsés de leur foyer, en acceptant la position de l’Administration civile selon laquelle les habitants vivaient sur des terres classées comme « terres agricoles » dans les plans élaborés par le mandat britannique dans les années 1940. La Haute Cour a également accepté la position de l’Etat selon laquelle leur vie sur le site présentait une menace pour la sécurité en raison de leur proximité de la colonie Ro’i.
entraves à la liberté de mouvement
Ces dernières années, l’Administration civile a détruit les baraques de la famille Bsharat et d’autres dans la communauté, à quatre reprises. Actuellement, l’Administration civile menace à nouveau de démolir toutes les baraques de la communauté. Les restrictions sévères imposées par Israël à la circulation des Palestiniens dans la vallée du Jourdain rend la vie très difficile aux les habitants d’al-Hadidiyeh. En plus des restrictions générales, l’armée a bloqué l’accès de la communauté vers la route 578 (Route d’Alon), en plaçant un monticule de terre sur une route de terre qui traverse des champs cultivés par des colons de Ro’i. Pour rejoindre la route d’Alon, les habitants d’al-Hadidiyeh doivent traverser une partie de la colonie de Ro’i elle-même, et quand la porte de la colonie est fermée, ils doivent faire un chemin beaucoup plus long, qui passe entre Ro’i et Beka ‘ot.
Les résidents d’Al-Hadidiyeh ont accès à tous les services dans les villes de Tammun et de Tubas, qui sont situés dans la zone A. Le chemin le plus court vers les deux villes suit une route de terre menant à Tammun, un parcours qui dure 15 minutes. L’armée a placé une barrière sur la route qu’elle n’ouvre que deux fois par semaine, à heures fixes, le matin et l’après-midi. Seules les personnes enregistrées par l’armée en tant que résidents de la région, ce qui comprend les habitants d’al-Hadidiyeh, sont autorisés à passer. Parfois, les résidents doivent conduire jusqu’au poste de contrôle de Hamra, un trajet d’environ 30 minutes, au sud d’al-Hadidiyeh, et de là vers le nord à Tammun ou Tubas, un trajet qui prend encore 30 minutes.
Les personnes nécessitant un traitement médical doivent également utiliser cet itinéraire. L’armée ne permet pas aux ambulances palestiniennes de franchir le poste de contrôle de Hamra et d’aller vers les autres agglomérations palestiniennes de la vallée du Jourdain, même dans les cas d’urgence. Les ambulances doivent attendre au check-point pour que le patient soit mis à leur disposition.
La communauté n’a pas d’école, et pour se rendre aux écoles de Tammun, les enfants d’al-Hadidiyeh doivent effectuer le long trajet passant par le barrage de Hamra. Afin de leur permettre de se rendre à l’école régulièrement, de nombreux enfants doivent passer les nuits de la semaine avec des proches à Tammun.
Les habitants d’al-Hadidiyeh ont aussi du mal à commercialiser leurs produits dans le reste de la Cisjordanie car il est difficile pour les commerçants de Cisjordanie de parvenir à Al-Hadidiyeh et aux collectivités avoisinantes.
Une forme d’apartheid
Al-Hadidiyeh n’est pas raccordé au réseau électrique et n’a pas l’eau courante. Les colonies voisines, en revanche, sont raccordées au réseau d’électricité israélien et sont approvisionnées en eau par la station de pompage Beka’ot 1, qui a été construite par la compagnie des eaux israélienne, Mekorot. Bien que la station de pompage soit à côté de leurs terres, les habitants d’al-Hadidiyeh n’ont d’autre choix que d’acheter l’eau auprès d’entrepreneurs privés, qui ne sont présents dans la région que quelques jours et qui facturent jusqu’à 200 shekels pour 10 mètres cubes d’eau, soit quatre fois le prix fixé par Mekorot en Israël et dans les colonies.
février 2010, source B’Tselem