les soldats tirent sur des jeunes qui ramassent du bois près de la frontière

Le matin du 10 février 2010, Muhammad Subuh, 17 ans, Saleh Abu Leylah, 16 ans, et Maher Ghanem, 21 ans, sont allés dans la zone des anciennes colonies de peuplement israéliennes évacuées dans le nord de la bande de Gaza, près de la frontière avec Israël. Ils ramassaient du bois, dont ils avaient besoin pour la cuisine. Le gaz de cuisine manque dans la région en raison de la réduction des importations de gaz de cuisine dans le cadre du siège de la bande.

Après que les Palestiniens ont ramassé du bois pendant un certain temps, les soldats israéliens les ont approchés. Muhammad Subuh décrit ce qui s’est passé ensuite.

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Muhammad Subuh, 17 ans

Les soldats se sont arrêtés à environ 150 mètres de nous et se sont mis à genoux en position de tir. Je suis précipité pour ramasser le bois. Un des soldats a tiré, il m’a touché à la main droite. Puis il a tiré de nouveau et m’a touché à la poitrine, sur le côté droit, puis un autre coup a effleuré le haut de ma poitrine. Je suis tombé au sol. Mes deux amis qui étaient avec moi ont levé les mains et sont restés immobiles.

Selon les témoignages donnés par les trois jeunes gens, à la suite de la fusillade, les soldats ont donné à Subuh les premiers secours et ont ordonné à Ghanem et à Abu Leylah de le transporter vers la frontière, où les soldats l’ont mis dans un véhicule de l’armée qui est alors parti.

Abu Leylah et Ghanem ont ensuite été emmenés dans un lieu en Israël, où ils ont été détenus séparément pendant environ deux heures, les mains liées et les yeux bandés en permanence. Ils ont ensuite été interrogés sur leur activité près de la frontière. Après cela, ils ont été conduits dans des véhicules distincts vers le passage d’Erez. Abu Leylah a raconté ce qui s’était passé sur le chemin.

Saleh Abu Leylah, 16 ans
Saleh Abu Leylah, 16 ans

Ils m’ont conduit dans une jeep pendant environ une demi-heure. Sur le chemin, la jeep s’est arrêtée de temps à autre et les soldats m’ont fait sortir, m’ont frappé dans le cou et m’ont tiré les cheveux. Ils m’ont accusé d’être du Hamas. Je leur ai dit que je n’en étais pas. Un soldat a brûlé ma main gauche avec une cigarette. Nous sommes arrivés à passage d’Erez. Les soldats m’ont fait sortir de la jeep. Ils ont enlevé les menottes et le bandeau sur mes yeux. Je les ai vus retirer Maher d’une autre jeep. De là, nous sommes retournés à Gaza.

Ghanem, aussi, a raconté ce qui s’était passé sur la route du passage d’Erez.

Maher Ghanem, 21 ans
Maher Ghanem, 21 ans

Deux heures plus tard, ils nous ont mis dans une jeep de l’armée, chacun de nous séparément. Sur le chemin, la jeep s’est arrêtée à quelques reprises. Les soldats ont ouvert la porte arrière, ils m’ont insulté et m’ont frappé au visage et sur le cou, ils ont aussi mis des cigarettes sur mes mains. Ils l’ont fait à quelques reprises, jusqu’à ce que nous soyons arrivés au passage d’Erez. Au passage, j’ai rejoint à nouveau Saleh, et nous sommes restés là pendant une heure environ, jusqu’à ce qu’ils nous libèrent.

Les deux ont été libérés au passage d’Erez. Subuh a été soigné à l’hôpital Barzilai, à Ashkelon, où il a subi une intervention chirurgicale. Il a été libéré de l’hôpital quatre jours plus tard et a été transporté à passage d’Erez, où il a été relâché sans avoir été interrogé.

Les témoignages indiquant que les tirs n’ont pas été précédés d’un avertissement sont compatible avec des rapports antérieurs indiquant que l’armée israélienne a classé de vastes zones adjacentes à la clôture de périmètre comme des « zones de mort » et que les ordres permettent aux soldats d’ouvrir le feu automatiquement sur toute personne qui pénètre dans la zone, indépendamment des circonstances. Les dépliants distribués par l’armée dans la région explicitent que toute personne qui vient à moins de 300 mètres de la clôture de périmètre « met en danger sa vie » et que les soldats sont autorisés à ouvrir le feu.

Un principe fondamental du droit international humanitaire est la distinction entre combattants et civils qui ne prennent pas part aux hostilités. Les attaques visant à nuire à des civils sont absolument interdites. Quand il subsiste un doute pour savoir si les personnes sont des civils ou des combattants, ils doivent être traités comme des civils. Ouvrir le feu à l’arme automatique sur chaque personne qui entre dans une zone donnée, quel que soit l’identité de la personne ou les circonstances de sa présence, comme dans les cas décrits ci-dessus, constituent des « tirs aveugles », qui pourraient être considéré comme un crime de guerre.

L’affaire concernait trois personnes, dont deux mineurs, qui étaient en train de ramasser du bois à la lumière du jour et ne mettaient personne en danger. Le fait que l’armée les a relâchés quelques heures après l’incident renforce la thèse selon laquelle ils n’étaient pas impliqués dans des activités contre Israël. Sur la base de ce qui précède, les tirs ont violé de manière flagrante le droit international humanitaire. Si les règles d’engagement de l’armée permettent de tirer dans un tel cas, ces dispositions doivent être annulées immédiatement.

Dans une lettre au Bureau du Juge-avocat général, B’Tselem a demandé une enquête sur les tirs dont a été victime Muhammad Subuh et le traitement violent dont ont été victimes Maher Ghanem et Saleh Abu Leylah.

23 Mars 2010, source B’Tselem

traduction : Julien Masri

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