TRIBUNAL RUSSELL SUR LA PALESTINE
Première session de Barcelone, 1-3 mars 2010
Résumé des conclusions
Le Tribunal Russell sur la Palestine (ci-après TRP) est un Tribunal de conscience international, purement citoyen, qui répond à des demandes de la société civile et qui vise à soutenir une initiative citoyenne en faveur des droits du peuple palestinien bafoués par Israël. Le comité international de parrainage qui soutient les activités du TRP rassemble des personnalités représentant près de quarante pays différents.
Les travaux du TRP s’appuient sur l’organisation de plusieurs sessions qui visent à mettre en lumière les diverses responsabilités des Etats tiers et organisations internationales, qui mènent à la persistance de l’occupation des territoires palestiniens par Israël et la perpétuation des violations du droit international commises par Israël.
Pour cette 1ère session du TRP, les travaux ont porté sur les complicités et manquements de l’UE et des Etats membres. A cet effet, le jury du TRP composé de personnalités internationales reconnues pour leurs compétences et leurs qualités morales a auditionné pendant deux jours une vingtaine d’experts et de témoins. Après avoir passé en revue l’ensemble des violations du droit international commises par l’Etat d’Israël dans les territoires palestiniens – violations largement admises et connues par la communauté internationale -, le TRP s’est attelé à rappeler les principales obligations internationales d’Israël au regard du droit international général, du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’Homme. Au-delà de ce rappel nécessaire, le TRP a mis en évidence les obligations internationales de l’Union européenne et des ses Etats-membres, à la lumière des principes du droit international et du droit communautaire, dans la gestion du conflit israélo-palestinien.
La session de Barcelone du TRP s’est articulée autour de six axes :
-le droit à l’autodétermination du peuple palestinien ;
-les colonies de peuplement et le pillage des ressources naturelles ;
-l’annexion de Jérusalem-Est ;
-le blocus de Gaza et l’opération « Plomb durci »
-la Construction du Mur ;
-l’accords d’association UE/Israël ;
Les auditions d’experts et de témoins, reconnus pour leurs connaissances factuelles de la question israélo-palestinienne, ont permis au Jury de tirer des conclusions mettant en exergue les complicités de l’Union européenne et de ses Etats-membres dans la persistance de la situation d’impunité d’Israël pour les faits commis dans les territoires palestiniens. Il est à noter par ailleurs que dans le but de respecter les principes du débat contradictoire, l’Union européenne et ses Etats membres ont été invités par le TRP à produire leur point de vue sur les six points précités devant les membres du Jury. L’UE, par la voie du Président de la Commission, José Manuel BARROSO et se basant sur les conclusions du Conseil des Ministres « affaires étrangères » de décembre 2009, a rappelé les principes qui animent l’UE dans la recherche d’une solution négociée du conflit israélo-palestinien à savoir : le respect du droit international et la création d’un Etat palestinien.
Au terme de cette première session le TRP conclut que :
– L’UE est tenue de favoriser l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple palestinien en vertu des principes du droit international général (Charte des Nations-Unies, résolutions de l’Assemblée générale des Nations-Unies, …) et des conventions internationales (Pacte de 1966 relatif aux droits civils et politiques,..) qui lient les pays membres de l’Union européenne. Par ailleurs, dans son prononcé, le TRP soutient qu’aux termes de l’accord d’association euro-méditerranéen du 20 novembre 1995 les relations entre les parties « sont fondées sur le respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques qui guident leur politique intérieure et internationale et constituent un élément essentiel du présent accord » (art. 2). En s’abstenant de prendre les mesures qui s’imposent au regard de son propre droit et des dispositions contenues dans l’article 2, l’UE et ses Etats membres violent l’accord d’association qui les lie à Israël ;
– les agissements de l’Etat d’Israël enfreignent de manière flagrante la 4ème Convention de Genève, et rappelle par la même occasion les obligations incombant aux Etats parties à cette Convention. En effet, celle-ci stipule dans son article 1er que « les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et faire respecter » cet instrument juridique international. Le fait que l’UE ne soit pas liée par la 4ième Convention de Genève n’enlève rien au caractère contraignant de l’article 1er, eu égard au fait que cette disposition a acquis une valeur coutumière. En outre, le TRP souligne la nécessité pour les Etats membres de l’UE de se conformer aux articles 146-147 de la 4ème Convention de Genève, relatifs à la poursuite des personnes présumées coupables de crime de guerre, en adaptant leur législation nationale en vue de permettre l’exercice du principe de compétence universelle.
– l’Etat d’Israël viole de manière persistante toutes les normes impératives du droit international (droit à la vie, droit du peuple palestinien à l’autodétermination, interdiction du recours à la torture, …) et que « le caractère impératif de ces normes découle de leur caractère indérogeable ». Il pointe les éléments juridiques obligeant les Etats membres de l’UE à faire respecter ces normes impératives du droit international. Pour ce faire, le TRP s’appuie sur la position de la Commission du droit international des Nations-Unies qui, dans son projet d’article sur « la responsabilité des Etats », soutient sans équivoque que : « Les Etats doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave au sens de l’art. 40 [violation d’une norme impérative du droit international]. ». A cet effet, le TRP rappelle dans son prononcé les obligations internationales de l’UE : « l’UE et ses Etats membres sont donc obligés de réagir, dans le respect du droit international, pour empêcher les violations des normes impératives du droit international et enrayer leurs conséquences. En ne prenant pas de mesures appropriées à cet effet, l’UE et ses Etats membres manquent à une obligation élémentaire de vigilance du respect des normes les plus fondamentales du droit international. »
-Les différents rapports d’experts et les propos des témoins ont mis en évidence des formes de « complicité passive et active » de l’UE dans les violations du droit international commises par Israël. A partir de ces rapports, et se référant au projet d’article précité de la CDI sur la « responsabilité des Etats », le Jury conclue que : « l’UE et ses Etats membres ne pouvaient ignorer que certaines formes d’assistance apportées à Israël contribuaient ou contribueraient nécessairement à certains faits illicites commis par Israël. »
– la volonté de rehausser les relations UE/Israël dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, la participation des colonies à des programmes de recherche européens et l’absence de protestation de l’UE devant les destructions d’infrastructures qu’elle a financées, sont autant d’éléments perçus par les experts présents à cette première session du TRP comme incitant Israël à poursuivre ses violations du droit international dans les territoires palestiniens.
Au regard de toutes les preuves présentées, le TRP appelle :
(i) l’UE et ses Etats membres à remplir immédiatement leurs obligations en mettant fin aux faits illicites énumérés ci-dessus ;
(ii) l’UE, en particulier, à mettre en œuvre la résolution du parlement européen demandant la suspension de l’accord d’association UE-Israël et, par là même, mettre fin à la situation d’irresponsabilité dont Israël continue à bénéficier ;
(iii) les Etats membres de l’UE à mettre en œuvre les recommandations définies au paragraphe 1975 (a) du rapport de la mission de l’ONU sur le conflit de Gaza (rapport Goldstone), eu égard aux preuves récoltées, et à exercer la compétence universelle pour les crimes imputés à des suspects israéliens et palestiniens ;
(iv) les Etats membres de l’UE à abroger toute restriction de droit interne qui ferait obstacle à l’exécution de l’obligation de poursuivre ou d’extrader (judicare vel dedere) tout auteur présumé de crime de guerre ou de crime contre l’humanité ;
(v) les Etats membres de l’UE à renforcer l’entraide judiciaire et la coopération en matière pénale via les points de contacts de l’UE, EUROPOL, INTERPOL, etc ;
(vi) les Etats membres de l’UE à ne pas limiter la portée de la compétence universelle afin qu’aucun Etat membre ne puisse devenir un refuge pour les personnes suspectées de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité ;
(vii) les parlements d’Autriche, de France, de Grèce et d’Italie à promulguer des lois qui, conformément à l’article 146 de la 4e CG, faciliteraient l’exercice de la compétence universelle dans ces Etats ;
(viii) les individus, groupes et organisations à prendre toutes les mesures nécessaires pour amener l’UE et ses Etats membres à respecter leurs obligations mentionnées ci-dessus, notamment l’exercice de la compétence universelle aux plans civil et pénal contre tout auteur présumé – particulier ou agent de l’Etat – d’un crime de guerre ou d’un crime contre l’humanité ;
(ix) à ce que les actions légales actuellement en cours dans le cadre de la campagne du Boycott, Désinvestissement et Sanction (BDS) soient renforcées et élargies au sein de l’UE.
Les présentes conclusions seront transmises aux plus hautes instances européennes et internationales ainsi qu’aux responsables des différents gouvernements des Etats membres de l’UE afin d’apporter quelques éléments pouvant influer concrètement sur le cours des événements au Moyen-Orient.
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