
Monsieur le Ministre,
Partout dans le monde, les gouvernements mènent la lutte contre la pandémie du Covid-19. Dans les Territoires Palestiniens Occupés (TPO), ce combat est toutefois largement entravé par l’occupation exercée par Israël, qui, pour rappel, est, selon le droit international, responsable du bien-être de la population occupée.
A cet égard, des faits, particulièrement inquiétants sont à signaler.
– Dans la bande de Gaza, qui pâtit depuis 14 ans déjà d’une situation humanitaire désastreuse en raison du blocus imposé par Israël et l’Égypte et des différentes incursions meurtrières de l’armée israélienne, l’occupant interdit toujours l’entrée d’hydrogène et du chlore, deux produits servant à la désinfection indispensable pour lutter contre le Coronavirus.
– Gaza compte l’une des densités de population les plus élevées au monde : 2 millions d’habitants y sont confinés (365 km2 de territoire, soit près de 5500 habitants au km2. 90% de son eau est impropre à la consommation. Son système de santé est particulièrement défaillant, lourdement fragilisé par les dernières opérations militaires d’Israël et le blocus imposé. Les équipements manquent cruellement : la semaine passée, l’on y dénombrait 60 lits de soins intensifs prêts à accueillir les malades, 50 tests de détection dans toute la bande de Gaza et une centaine de masques de protection pour les professionnels.[1] Tous les ingrédients sont dès lors réunis pour une aggravation dramatique d’une situation sanitaire déjà déplorable.
– Israël place ses nationaux en confinement, mais a demandé aux travailleurs palestiniens de Cisjordanie, autorisés à entrer en territoire israélien, de rester sur place pour y travailler dans la construction, l’agriculture et les services de soin sous peine de voir leurs permis de travail purement et simplement annulés. Des logements décents et des protections contre la maladie leur ont été promis, mais Israël n’y a pas donné suite à ce jour. Par ailleurs, les travailleurs palestiniens suspectés d’avoir contracté le Covid-19 sont refoulés aux checkpoints, sans soins[2].
– Les travailleurs palestiniens travaillant en Israël versent à l’État des cotisations sociales servant entre autres à la prise en charge de congés maladie éventuels. Or, Israël jusqu’aujourd’hui n’a pas reversé aux travailleurs temporairement au chômage ou arrêtés pour cause de maladie les indemnités auxquelles ils ont contribué. Cela représente actuellement un montant de 515 millions de shekels soit plus de 130 millions d’euros[3].
– Israël maintient en prison près de 5.000 prisonniers dont des enfants et des femmes dans les conditions sanitaires déplorables et une promiscuité propice à la propagation du Covid-19. De plus, des produits de désinfection sont retirés des cantines accessibles aux prisonniers.
– Israël a confisqué dans la vallée du Jourdain (Khirbet Ibziq) du matériel destiné à une clinique de campagne.
Au regard de ces différents éléments, l’ABP tient à rappeler les obligations d’Israël au regard de la IVe Convention de Genève, dont celui de garantir que tous les moyens préventifs nécessaires disponibles soient utilisés pour combattre l’expansion des maladies contagieuses et des épidémies (art. 56 de la Section III du Titre III). La Belgique, signataire de ces accords, est tenue de contribuer à ce qu’ils soient respectés par Israël, puissance occupante d’un autre Etat.
Monsieur le Ministre,
Nous demandons votre intervention et celle du Conseil européen pour que :
– Israël reverse sans retard à l’Autorité palestinienne les millions de shekels qu’il retient sur les taxes afin de permettre une gestion efficace de la crise sanitaire.
– le matériel médical (médicaments, respirateurs masques etc.) puisse entrer sans entraves en territoires palestiniens, en Cisjordanie comme dans la bande de Gaza. Les équipes médicales (locales ou étrangères) doivent pouvoir circuler librement, y compris entrer dans la bande de Gaza.
– les prisonniers palestiniens soient libérés. Et, sans délais, les enfants, les femmes ainsi que les personnes placées en détention administrative.
– il soit mis fin aux arrestations arbitraires, aux incursions et destructions des maisons palestiniennes.
Restant particulièrement préoccupé du sort réservé au peuple palestinien face à cette pandémie, nous espérons, Monsieur le Ministre, que vous accueillerez avec attention nos requêtes et vous prions d’agréer l’expression de notre haute considération.
Pierre Galand
Président