L’Ambassade israélienne de Paris, dans son appareil le plus simpliste

israeli-flag(Réponse à la note « la Guerre du Hamas contre Israël »)

Sur le site internet de l’Ambassade d’Israël en France, située à Paris, se trouve une note de 12 pages expliquant les méthodes utilisées par le Hamas pour nuire à Israël ainsi que les tactiques décelées pour mener à bien le « terrorisme » dont il est accusé. Il a été rédigé par le Service Information de l’Ambassade en France. Retrouvez le rapport en cliquant ici.

Sans nul doute, un pareil article sur le site de l’ambassade pose une longue liste de questions notamment en ce qui concerne son objectivité, son utilité, et le bienfondé des postulats exposés comme preuves établies. Certaines des assertions s’y trouvant sont d’une pertinence très douteuse, de même que les « preuves » qui manquent de façon évidente de sources et de précision.

L’ensemble du contenu de l’article constitue un réquisitoire de suppositions et d’informations décontextualisées, visant clairement à diaboliser le Hamas et la population palestinienne de Gaza, amalgamée au mouvement de résistance. La présentation de la résistance de Gaza y est schématisée, simplifiée, et n’est en aucun cas nuancée. Rien que le titre « La guerre du Hamas contre Israël » présente une situation dans laquelle le Hamas serait un horrible mouvement ayant pour seul objectif de détruire l’état hébreu. L’article va même jusqu’à négliger la puissance de l’armée israélienne par rapport aux « armes artisanales des Palestiniens. »

Les images ne respirent absolument pas la fiabilité, notamment lorsque l’une d’entre elles présente les habitants de Sdérot se protégeant « durant une attaque de roquettes » en étant couchés contre le sol, mains sur la tête. Il est en effet très peu probable que le photographe ait pris le temps de cadrer son appareil sur les habitants dans la pièce en se dressant debout (surtout si, comme rapporté, il n’y a que 15 secondes pour se mettre à l’abri,) sauf s’il eût été nourri par une motivation risquée de rapporter les faits, quel qu’en soit le prix, alors que tous sont plaqués au sol (Page1).

Manipulations intellectuelles

Dans la section « A contrario, les boucliers humains, » Les civils sont, selon le service Information de l’Ambassade d’Israël en France, « des boucliers à Gaza…et des cibles à Sdérot. » Cette thèse est soutenue par des photos de localisations imprécises, et de regroupement de civils sur un toit, accompagnées de légendes suspectées d’interprétations personnelles. Il est juste que des civils soient allés sur des toits pour éviter des bombardements de la part d’Israël, mais il est faux de dire que c’est le Hamas qui a commandé ces ordres aux civils, en les forçant à se regrouper sur les toits.

Le service Information de l’Ambassade israélienne de France n’est-il pas au courant que Gaza est constitué essentiellement de civils et qu’il n’y a pas d’armée, ou de soldats « terroristes » ayant érigé des zones précises pour le lancement des roquettes ? Il est donc certain que si des roquettes sont envoyées, cela se fait à partir de zones civiles. A en croire le rapport, les militants devraient faire évacuer les zones de tirs de Gaza pour tirer des roquettes, afin qu’il ne reste plus qu’eux à viser pour les attaques israéliennes suivantes. Les militants, communément appelés « terroristes, » doivent mourir, et les civils doivent vivre selon Israël. Un jeune activiste qui rejoint la résistance est un terroriste et doit mourir. Il devrait de facto cesser de militer au sein des civils. Postuler que des civils sont « utilisés » pour éviter que les forces israéliennes ne bombardent un bâtiment, cela revient à dire que ces civils se savent être utilisés et être mis en danger par les « terroristes du Hamas. » Si le Hamas disposait vraiment les enfants sur le front pour se battre, la population palestinienne ne s’indignerait-elle pas contre le mouvement de résistance ?

Cette théorie des boucliers humains a déjà servi lors de la première Intifada (1987-1993,) où des enfants auraient été envoyés sur le front en partie par le Hamas afin de lancer des pierres. L’intérêt de ce genre de postulat est de soutenir la thèse selon laquelle les Palestiniens seraient moins attachés à leurs enfants que les Israéliens. (Page 4 et 5 du rapport)

A la page 5, le service Information de l’Ambassade d’Israël en France utilise l’article 51 de la Charte de Nations Unies pour justifier leur « défense », si tant est qu’il s’agisse de se défendre. En matière de respect du droit international, les promoteurs d’Israël devraient pourtant se faire tout petits, notamment lorsqu’il s’agit du respect de la quatrième convention de Genève de 1949, stipulant notamment « la protection des civils, notamment en territoire occupé. » A la lecture des conventions de Genève, Israël viole quasiment tous les articles. La liste est longue.

L’argument repris dans la note selon lequel le ministère israélien des Affaires étrangères déclarait le 24 Octobre 2007 que, « Rien de ce que fait Israël n’empêchera l’approvisionnement régulier à la bande de Gaza de denrées humanitaires – nourriture, médicaments…Le peuple palestinien n’est pas notre ennemi.[…] » est complètement abjecte. Trois mois avant cela, Oxfam lançait une dépêche pour signaler l’ « effondrement économique » de Gaza, signalant que la fermeture totale et ensuite partielle du passage de Karni (passage commercial principal à Gaza) « viole directement un accord signé » et « étouffe 1,5 millions de femmes, hommes et enfants qui dépendent déjà lourdement de l’aide extérieure afin de survivre. » Depuis lors, le blocus s’est un peu assoupli mais n’est toujours pas levé et, contrairement aux assertions du service d’information, les civils souffrent des restrictions de la part d’Israël, tant au niveau commercial qu’au niveau de l’alimentation en eau, en nourriture, en médicaments, en électricité et en carburant.

Désimplication totale d’Israël dans la responsabilité de toutes les victimes

Le chapeau « Les terroristes de la bande de Gaza tirent sur les civils israéliens, et sur eux uniquement, avec le seul but de les tuer. Et quoi que fasse ou ne fasse pas Israël, le Hamas en sort gagnant » sous-titrant le titre « La tactique gagnant-gagnant du Hamas » expose une interprétation très sélective des informations. A lire ce genre de propos, le Hamas a pour unique objectif la mort de civils (même les civils palestiniens morts à cause des raids aériens d’Israël seraient dus au Hamas, qui met sa propre population en danger.) Est complètement mise de côté la perspective selon laquelle les tirs de roquettes sont inscrits dans un contexte de résistance à une asphyxie économique et sociale et, de manière plus générale, au blocus de Gaza par Israël. Du coup, les actions « défensives » d’Israël dans la Bande de Gaza et les « dommages collatéraux » sur les civils palestiniens seraient exclusivement de la faute du Hamas. Et le Hamas se réjouirait de la mort de ses civils puisqu’il en sort « gagnant ». Ce n’est, à ce stade-ci, même plus un manque de nuance, mais un inversement total des rôles présentant des faits qui excluent totalement l’implication israélienne dans les séries de victimes. « Mais cependant, seul Israël sera condamné » : On assiste ici à une victimisation sans fondement. Israël ne respecte pas le droit international, surtout en ce qui concerne les principes de distinction et de proportionnalité, et l’ambassade d’Israël en France s’estime condamnée à tort par la Communauté Internationale.

Il est assez invraisemblable de dire que les médias palestiniens se veulent « efficaces » en exposants leurs morts, alors que les médias israéliens privilégient la « dignité ». Il est sur que le nombre de tués palestiniens dans les conflits est bien plus élevé que celui des Israéliens, mais il serait scabreux de comparer ces chiffres. Les « dignes » médias israéliens ne seraient pas efficaces ? Chaque référence à l’Holocauste (de manière assez récurrente dans les médias israéliens) ou la victimisation de l’état d’Israël à chaque atteinte contre des juifs du monde ne seraient pas efficaces pour justifier les actes d’agressions ? La réalité est toute autre. Les grands médias israéliens éduquent l’opinion publique de manière très sélective et vise à diaboliser le Hamas. Dire que les médias israéliens privilégient la dignité sur l’efficacité voudrait dire que l’information selon laquelle Israël serait la victime ne serait pas assez efficiente. Pourtant des prétendus « experts » relayent ces informations sur le plan international. Des articles tels que « Le vrai visage du Hamas » écrit par Frédéric Encel publié dans L’essentiel des relations internationales en septembre-octobre 2009, représente bien la force des médias israéliens. D’autres intellectuels tels que Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut, Alexandre Adler, André Glucksmann, Marek Halter, Bernard Kouchner relayent également ces informations dans les médias français.

La IVe Convention de Genève est citée dans la section « Disproportion ? »

Cette même convention cite dans son 33e article « Aucune personne protégée ne peut être punie pour une infraction qu’elle n’a pas commise personnellement. Les peines collectives, de même que toute mesure d’intimidation ou de terrorisme, sont interdites, » pour ne citer que cet article. Les punitions collectives telles que le blocus de Gaza et les raids aériens meurtriers ayant tué un nombre alarmant de civils, sont inscrits dans les méthodes courantes et constantes de l’état hébreu. Il est osé et impudent de citer cette convention alors qu’Israël ne respecte en rien cette Quatrième Convention de Genève.

Une image sur le document, représentant un soldat palestinien se servant d’un landau d’enfant en guise de bouclier pour tirer, face à un soldat israélien tirant en se plaçant devant un landau d’enfant pour le protéger, représente un cynisme scandaleux de la part du service Information de l’Ambassade israélienne de Paris : il n’existe pas de soldat palestinien. J’ose espérer que les spécialistes de l’ambassade sont au courant de cette erreur monumentale. Quelle image veut-elle faire passer si ce n’est l’attribution d’un caractère inhumain aux Palestiniens ? Cette illustration ne sert qu’à des fins propagandistes contre les Palestiniens. Une ambassade responsable ne peut se permettre d’exposer de tels raccourcis nuisibles à une population.

Pour expliquer qu’Israël n’a pas coupé l’électricité aux Palestiniens, l’Ambassade use de photos de palestiniens dans une salle, rideaux fermés, éclairés à la bougie. Le service de l’ambassade souligne en entourant en rouge que l’on voit clairement  la clarté du jour à l’extérieur. Elle parle de « mise en scène » du Hamas pour dénoncer les coupures d’électricité de la part d’Israël. En effet, il est tape-à-l’œil de percevoir la lumière du jour à l’extérieur, mais le service d’information de l’ambassade espérait-elle se rendre experte à la découverte de ces dérangeants détails trop visibles pour être utilisés comme preuves ? Et pour prouver qu’il s’agit bien de la propagande du Hamas, le texte titrant la photo est « […] Plus c’est gros, plus ça passe. » Non, ce ne sont pas ces photos qui prouveront qu’il y ait effectivement eu des coupures de plusieurs heures, mais l’ambassade d’Israël prétend que ces photos où des lumières sont présentent prouvent que les coupures n’ont jamais eu lieu. Il met en évidence la présence d’un lampadaire sur une autre photo, qui devrait certifier qu’il n’y a pas eu de coupure. Or, elles ont bien eu lieu, et elles perdurent encore. Ce n’est pas parce qu’un lampadaire est représenté sur une photo que cela signifie qu’il n’y a jamais eu de coupures. L’ambassade joue donc le même jeu que celui auquel aurait joué le Hamas. La fiabilité des photos est très suspecte, et leur origine n’est évidemment pas citée.

Il s’agit de toute évidence d’une extrapolation et d’un détournement considérables des faits de la part de l’ambassade.

Encore des dizaines d’erreurs factuelles et intellectuelles se trouvent dans ce « rapport, » mais celles présentées dans cet article en représentent un échantillon. Lisez le rapport en cliquant ici.

Une Ambassade se doit de publier des documents précis et responsables, et nullement un répertoire d’arguments racistes, propagandistes et simpliste visant à diaboliser un mouvement et une population étrangère.

22 mars 2012 – par F.C.

Sources:


SIEFFERT Denis, la nouvelle guerre médiatique israélienne, ed.La découverte, 2009, pp. 109-113

Les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels

L’effondrement économique de Gaza causera une dépendance complète à l’aide humanitaire, OXFAM, 16 Juillet 2007, http://www.oxfam.org/fr/news/2007/pr070715_gaza_closure_will_cause_humanitarian_dependency

HALPER Jeff, Israël travaille au changement du droit international, Info-Palestine.net, 28 février 2010, http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=8254

SIEFFERT Denis, la nouvelle guerre médiatique israélienne, ed.La découverte, 2009, pp. 42-46

IVe Convention de Genève

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