La Stratégie européenne de lutte contre l’antisémitisme porte mal son nom!

La commission de l’égalité des chances et des droits des femmes du Parlement régional bruxellois examinera prochainement une résolution préconisant l’adoption de cette stratégie de lutte contre l’antisémitisme, publiée en 2021 par la Commission européenne.
Il est légitime de s’attaquer au fléau de l’antisémitisme, en hausse ces dernières années, notamment en raison de l’amalgame, que nous combattons sans relâche, entre la population juive et la politique du gouvernement israélien. Le problème est que cette stratégie européenne reproduit cet amalgame, à au moins deux égards.
D’abord, parce que cette stratégie européenne s’appuie sur la définition de l’antisémitisme de l’IHRA, qualifiée d’“outil d’orientation pratique et base de son travail pour lutter contre l’antisémitisme (page 5). Or, celle-ci est extrêmement controversée en raison de son instrumentalisation pour empêcher la contestation de la politique israélienne, comme l’ont déploré notamment son auteur Keneth Stern et de nombreuses organisations de défense des droits humains israéliennes.
Par exemple, qualifier Israël d’entreprise raciste peut être considéré comme antisémite au regard de cette définition. Ainsi, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a-t-il formulé cette accusation contre Amnesty International pour avoir accusé Israël de pratiquer l’apartheid. De même, de nombreux groupes de défense des droits des Palestiniens ont été criminalisés et réduits au silence sur base de cette définition, comme le relève un rapport édifiant de l’ONG ELSC paru en juin 2023 portant sur l’UE et le Royaume-Uni. A Berlin, cette définition a même été utilisée pour interdire aux Palestiniens de commémorer publiquement la Nakba, leur expulsion collective lors de la création d’Israël en 1948. Du racisme anti-palestinien pur et simple!
Second aspect éminemment problématique de cette stratégie : le gouvernement israélien est étroitement associé à sa mise en œuvre. “Israël est un partenaire essentiel de l’Union européenne, notamment dans le cadre de la lutte mondiale contre l’antisémitisme. L’UE s’efforcera de renforcer encore le séminaire de haut niveau entre l’UE et Israël sur la lutte contre le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme, co-organisé chaque année par les deux parties, en mettant l’accent sur le suivi opérationnel.” peut-on ainsi lire en page 26 du texte.
Le gouvernement israélien a pourtant largement démontré que son principal souci était la défense de son régime d’apartheid et non celle des Juifs à travers le monde. On ne compte plus les liens entre le gouvernement israélien et les partis d’extrême droite européens, à la fois antisémites par leur histoire et leur idéologie et outrageusement favorables à Israël, dont ils admirent le projet ethno-nationaliste et illibéral. En Hongrie, Netanyahou a pris le parti de Victor Orban contre la communauté juive locale, laquelle s’était indignée d’une campagne publique aux forts relents antisémites contre le milliardaire Georges Soros. Comble de l’ignominie, Netanyahou avait affirmé qu’Hitler ne voulait pas exterminer les Juifs mais avait été influencé par… la direction palestinienne! On imagine mal comment l’UE entend défendre la mémoire de la Shoah avec le concours d’un tel gouvernement révisionniste. La commission européenne préconise pourtant l’organisation de visites d’études et de formations sur l’antisémitisme en Israël (page 14).
En réalité, Israël ne se préoccupe guère de la protection des Juifs en Europe, son intérêt étant au contraire de les pousser à migrer en Israël pour gagner la “bataille démographique”. Ofir Sofer, ministre israélien de l’Alyah et de l’Intégration a affirmé le 20 septembre dernier sur I24 que les Juifs n’avaient rien à faire en Europe.
La confusion malsaine que charrie cette stratégie sert de point d’appui à l’agenda israélien. Dès sa publication, le commissaire européen hongrois à la concurrence Oliver Varhelyi a appelé à renforcer les accords d’Abraham entre Israël et les autocraties arabes, dont les Palestiniens sont les grands sacrifiés.
Cette stratégie doit donc être rejetée. L’UE doit combattre avec force l’antisémitisme, mais pas avec un gouvernement israélien qui prend cette cause en otage pour faire taire toute critique de sa politique coloniale d’apartheid.
On ne combat pas le feu avec le pyromane !
Pour mieux comprendre les enjeux de l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme par Israël, rendez-vous le samedi 14 octobre à l’ULB : https://www.facebook.com/events/601832275217750
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