Bulletin 52, juin 2012
Localisation : 3 km au N-E de Jérusalem-Est, près de l’Université hébraïque, à cheval sur la frontière municipale de Jérusalem, entre le Mont Scopus, des colonies juives, le ring et deux camps militaires.
Population : 12.000 habitants en 2006
Annexion et confiscation de terres après 1967 :
Le village est divisé en deux :
– 3000 dunums des terres du village sont englobés à la municipalité de Jérusalem ;
– 7000 dunums sont en dehors de la municipalité, en Cisjordanie occupée : si le plan E1 est réalisé, les terres seront presque toutes confisquées.
Sur les 3000 dunums, 400 dunums sont confisqués pour construire la colonie de « French Hill » (Giv’at Shapira) et relier l’Université hébraïque et l’hôpital Hadassa à Jérusalem-Ouest, et 2000 dunums sont déclarés « zone verte », interdite de construction. Seuls 600 dunums restent pour les constructions des habitants.
Destructions : des exploitations agricoles, des arbres et des bâtiments ont été détruits.
Enfermement : Il ne reste plus que deux routes d’accès dont la principale est barrée par un checkpoint tenu par des soldats israéliens.
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Issawiya et le plan de judaïsation de Jérusalem
De par sa localisation, le village d’Issawiya, et surtout ses habitants palestiniens, constitue une épine dans le pied de la judaïsation de Jérusalem-Est. Il ne s’agit pas seulement pour les autorités israéliennes, d’empêcher le développement du village (aucun plan de développement depuis 1967) et donc l’accroissement de sa population ; il s’agit aussi de rendre impossible toute division de Jérusalem lors d’un futur accord en créant un continuum entre les colonies et Jérusalem-Est. Depuis longtemps, le gouvernement israélien a dans ses cartons l’extension de la ville dans la zone dénommée E1, en pleine Cisjordanie occupée.
Les USA, sur ce point, s’étaient montrés, avec le président Bush, très fermes dans leur refus. En conséquence, les projets ont été officiellement gelés mais ils n’ont pas été pour autant abandonnés. C’est là que l’INPA (Israel Nature and Parks Authority) entre en action : en déclarant des zones vertes, cette institution gouvernementale se donne la possibilité d’exproprier (sans aucun dédommagement) des terres palestiniennes tout en évitant les critiques internationales. L’INPA a donc décidé de la construction d’un parc national sur les versants du Mont Scopus et du Mont des Oliviers, c’est-à-dire sur les terres d’Issawiya et d’A-Tur. En réalité, rien ne justifie la création d’un parc à cet endroit, ni l’archéologie (voir http://www.alt-arch.org/nationalparks.php ), ni l’écologie. Comme l’a déclaré Meir Margalit, membre du Meretz au Conseil municipal : « Ce parc national est une farce. Il n’y a là que pierres et épines, certainement rien qui justifie un parc national. La seule raison d’un tel plan, c’est de prendre des terres et de les garder en réserve pour une future colonie, tout en étranglant le voisinage palestinien. ». Ce qui est vrai. Mais il y a aussi une autre raison : relier la colonie de Maale Adumim à Jérusalem-Est et ainsi achever l’encerclement de Jérusalem-Est qui- faut-il le rappeler- est, en droit international, toujours territoire occupé et illégalement annexé.
Le projet de parc n’a pas encore été définitivement approuvé ; néanmoins, les bulldozers, les tracteurs et les camions sont déjà à l’œuvre et une route menant au village a été détruite (voir vidéo sur youtube : issawiyya 100112).
Issawiya en lutte
Les habitants d’Issawiya ont créé un comité de défense et sont décidés à défendre leurs droits. Déjà en 1989, ils avaient, avec la médiation d’une organisation israélienne (Bikom), proposé à la municipalité un plan de développement mais celui-ci n’a été ni refusé ni approuvé. En attendant, les routes ne sont pas entretenues par la municipalité (dont fait partie l’Issawiya annexée) ; la majorité des habitants n’ont pas de raccordement à l’égout et faute d’un permis que les autorités israéliennes n’accordent pour ainsi dire jamais, on ne peut que bâtir « illégalement » sur ses propres terres. Dès lors, au moins 16 maisons ont été démolies, 12 exploitations agricoles et des centaines d’arbres ont été déracinés. En 2010, un habitant témoignait : « Nous avions creusé un puits, ils l’ont détruit. Nous avions planté des arbres, ils les ont arrachés. Nous avions posé des barbelés autour de la zone afin que les animaux errants ne puissent entrer, ils les ont ôtés aussi. (…) Avec tout cela, nous ne pouvons même plus nous trouver un endroit juste pour nous asseoir et respirer. Cette terre appartient aux familles d’ici à Issawiya : Darwish, Mustafa, Alayyan, Abu Hommos et à bien d’autres. » (J. Kestler-D’Amours, Les Palestiniens de Jérusalem, défiant Israël, clament : « Nous resterons ici. »)
Par ailleurs, le village souffre d’un haut taux de chômage et la présence constante de soldats et de policiers y entretient la violence : arrestations de jeunes, affrontements lors des manifestations, mort d’un bébé à cause des gaz lacrymogènes, etc. Régulièrement et depuis 2010, des manifestations ont lieu auxquelles participent des Israéliens et des internationaux, souvent déjà mobilisés pour Silwan et Sheikh Jarrah (http://www.en.justjlm.org/).
Silwan, Sheikh Jarrah, Issawiya, A-Tur, Ras al Amoud, Jabel Moukabber, même combat
Il suffit de regarder la carte pour comprendre le plan israélien pour Jérusalem. Il est impératif, pour les autorités israéliennes, de réduire au maximum la zone habitée par des Palestiniens à l’intérieur des frontières municipales de Jérusalem, faute de quoi, la démographie de la ville risque de tourner à l’avantage des Palestiniens. Or, le but officiel est bien d’avoir au moins 60% (si pas 70%) de population juive dans la « capitale unifiée », selon le vocabulaire officiel.
Pour arriver à ce ratio, plusieurs mesures sont prises dont la poursuite de la colonisation et l’implantation de colons dans les quartiers de la vieille ville en en expulsant les Palestiniens. C’est ce qui est déjà à l’œuvre à Silwan, Sheikh Jarrah et bientôt à Issawiya.
Le mouvement des colons est le fer de lance de cette politique municipale. A Silwan, c’est le mouvement Elad. A Sheikh Jarrah, c’est l’organisation de colons Nahalat Shimon International. Et pour Issawiya, qui est derrière l’INPA ? L’INPA est dirigé par nombre de colons connus : Saul Goldstein, ex-dirigeant du conseil régional du Gush Etzion et Evyatar Cohen, en charge de la région de Jérusalem pour INPA et ex-employé d’Elad, la même organisation qui gère la « cité de David » à Silwan.
La boucle est bouclée.
Marianne Blume
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