Bulletin 65, Septembre 2015
Par Marianne Blume
Joli mois de mai 2015
En Israël. La Cour suprême rejette l’appel des habitants de Umm Al-Hiran (environ 750 personnes) dans le Néguev, demandant l’annulation de l’ordre de démolition de leur village, ce qui signifie qu’ils seront expulsés et leurs maisons rasées pour faire place à une ville juive orthodoxe, appelée Hiran, à construire sur le site.
En Cisjordanie, en zone C, les habitants de Susiya (350 personnes environ) voient leur pétition contre la destruction partielle de leur village rejetée.
Dans les deux cas, les habitants sont arabes.
Deux villages, une même histoire, une même politique
Les deux villages ont une histoire similaire : déplacement forcé et destruction de leur lieu de vie d’origine.
A la suite d’un accord passé avec les autorités israéliennes en 1956, les villageois de Umm Al-Hiran avaient reçu la permission de vivre là où ils résident aujourd’hui contre la renonciation à leurs droits sur les terres dont ils avaient été chassés en 1948. Néanmoins, et malgré cet accord officiel, Israël refuse de reconnaître le village et traite ses habitants de squatters. Depuis 2002, le village a reçu plusieurs ordres de démolition, mis à exécution en 2007, notamment. En 2015, c’est tout le village qui est menacé de destruction.
Concernant Susiya (dont l’existence remonte au 19e s. !), en 1986, sous prétexte de l’existence d’un site archéologique (cédé aux colons), les habitants sont chassés des grottes qu’ils habitaient ; par la suite, en 2001, leurs nouvelles habitations sont détruites et les villageois s’installent sur ce qui reste de leurs terres. En 2011, des colons déposent, via l’ONG ultranationaliste Regavim, une requête officielle pour l’élimination du village, traitant ses habitants d’intrus et arguant du fait que le village aurait été bâti illégalement en zone C (sic !). En 2015, après de nombreux ordres de démolition appliqués, c’est tout le village qui doit disparaître d’après la décision de la Haute Cour de justice israélienne. Et ce, malgré l’existence d’un document ottoman de 1881 qui établit le droit de propriété des habitants sur la terre qu’ils occupent.
Le but dans les deux cas est de nettoyer ethniquement la région et la judaïser.
Aux habitants de Umm Al-Hiran, les autorités israéliennes proposent d’aller habiter à Houra, un des townships où le gouvernement veut regrouper les Bédouins.
Aux habitants de Susiya, l’autorité militaire suggère de s’installer près de Yatta en zone A.
Sur le site d’Umm Al-Hiran une ville juive orthodoxe, Hiran, (dont les Bédouins seront naturellement exclus) doit être construite et une forêt plantée sous les auspices du Fonds national juif. A l’emplacement de Susiya, les colonies juives adjacentes pourront s’étendre sans limite.
Dans ces deux localités, les permis de construire ne sont pas ou sont rarement accordés aux Palestiniens en Israël (village non reconnu) tout comme en Cisjordanie (zone C sous contrôle d’Israël).
Que ce soit pour Umm Al-Hiran ou Susiya il n’y a pas de plan directeur de développement et les décisions sont prises sans consultation des populations. Quand des solutions sont proposées par les intéressés, elles sont refusées.
Le maire de Umm Al–Hiran a proposé une cohabitation entre les nouveaux venus et le village. Refusée. Les habitants de Susiya en 2013 ont soumis un plan directeur aux autorités. Refusé lui aussi.
Pour ces deux villages, les autorités avancent le même argument colonial : vivre de manière pauvre, sans eau courante, sans électricité, sans confort n’est pas humain ; la volonté des décideurs est de leur permettre d’échapper à la pauvreté et à des conditions d’existence précaires. Or, si ces deux villages ne disposent pas des services publics minimaux, c’est évidemment dû au refus des autorités de les dispenser : en Israël, en effet, de petits villages non bédouins sont raccordés aux services publics et en Cisjordanie, les colonies disposent de tous les services possibles.
Pressions internationales
L’annonce de la décision de la Haute Cour de justice relative à la démolition totale de Susiya a suscité des protestations internationales : les USA, suivis par l’Union européenne, ont vivement condamné un transfert forcé et demandé à Israël de stopper la démolition programmée. Comme par hasard, Israël prendrait soudain en compte les documents de propriété ottomans et ne détruirait pas Susiya…
Par contre, pour Umm Al-Hiran, rien de tel. Il est vrai que le village est situé en Israël, une démocratie, comme on le sait. Circulez, il n’y a rien à voir…