Sanctions US : des ONG palestiniennes en danger de mort

En juin dernier, les États-Unis ont adopté des sanctions contre l’organisation palestinienne Addameer. Déjà désignée à tort comme «terroriste» par Israël, l’organisation ne survivra pas à ces nouvelles
sanctions qui rendent ses activités quasiment impossibles.
Ces sanctions ont également servi de test à l’administration Trump qui s’est attaquée début septembre à trois autres organisations palestiniennes de défense des droits humains.

Par Nathalie Janne d’Othée, article paru dans le bulletin n°105, automne 2025

Addameer est une organisation palestinienne de défense des droits humains, spécialisée dans la défense des prisonniers palestiniens. À ce titre, elle offre une assistance juridique essentielle aux prisonniers palestiniens détenus par les autorités d’occupation israéliennes et l’Autorité palestinienne. En 2021, Israël a désigné six organisations palestiniennes de défense des droits humains comme «terroristes». Cette désignation a été rejetée par de nombreux pays, dont la Belgique, du fait de l’incapacité d’Israël de fournir la moindre preuve de ses allégations. Mais cette désignation n’a jamais pour autant été retirée par Israël. Les sanctions américaines contre Addameer démontrent aujourd’hui un alignement de l’administration Trump sur les positions israéliennes, ce qui, malheureusement alourdit considérablement les conséquences pour l’organisation.

PORTÉE INTERNATIONALE

Le 10 juin 2025, les États-Unis ont décidé de sanctionner une série d’organisations et de personnes pour leurs liens supposés avec des groupes qu’ils considèrent comme terroristes. Ils affirment ainsi qu’Addameer a des liens avec le FPLP, mais n’apportent aucune preuve de telles allégations.

L’ajout d’Addameer à la «Liste des ressortissants spécialement désignés et des personnes bloquées» de l’Office de contrôle des avoirs étrangers (OFAC) des États-Unis implique un gel immédiat de leurs avoirs localisés aux États-Unis mais pas uniquement. Il implique également l’interdiction pour les citoyens étatsuniens d’entretenir des relations avec l’organisation listée, en ce compris d’effectuer des transactions commerciales ou financières avec elle et incluant la fourniture ou la réception de fonds, de biens ou de services. Les violations des sanctions étatsuniennes peuvent entraîner des sanctions civiles ou pénales contre les personnes étatsuniennes ou étrangères qui les enfreignent.

Or le système bancaire international accuse une forte dépendance vis-à-vis des banques américaines et du dollar américain, en raison du rôle central des États-Unis dans les marchés financiers mondiaux et de leur position dominante en tant qu’intermédiaire financier. Les sanctions prises par les États-Unis ont donc d’inévitables répercussions internationales.

CONCRÈTEMENT

Les conséquences des sanctions étatsuniennes ont été immédiates et sans appel pour Addameer, comme nous l’a révélé une source proche de l’organisation. Celle-ci s’est vu directement interdire l’accès à ses comptes, pourtant placés dans des banques palestiniennes. Elle s’est donc retrouvée dans l’impossibilité de payer les salaires de ses employés. Ceux-ci ont donc été obligés de signer leur lettre de démission, sans pouvoir recevoir d’indemnités. Les bureaux de l’organisation à Ramallah ont fermé, pour éviter une incursion et des arrestations par les forces d’occupation israéliennes. Personne ne s’exprime plus non plus au nom de l’organisation, par sécurité. L’organisation n’est donc plus en mesure de fournir une aide juridique aux prisonniers palestiniens, qui en ont pourtant plus que jamais cruellement besoin. L’accès d’Addameer aux réseaux sociaux du groupe Meta a par ailleurs été rapidement bloqué. Leur site Internet a été temporairement désactivé, mais est désormais rétabli. Ces conséquences empêchent en définitive l’organisation de poursuivre l’essentiel du travail pourtant indispensable qu’elle menait.

CONDAMNATIONS

La condamnation de la mesure étatsunienne a été unanime dans la communauté internationale de défense des droits humains. «Les États-Unis utilisent leur régime de sanctions pour servir les intérêts du gouvernement israélien, qui cherche depuis longtemps à museler systématiquement les rapports sur les droits humains et les activités de défense de ces droits » ont conjointement déclaré Amnesty International et Human Rights Watch. Malheureusement, à notre connaissance, aucun État ne s’est prononcé contre les sanctions US ou n’a apporté un soutien à Addameer.

Les sanctions des États-Unis contre Addameer n’ont pas tardé à être suivies par d’autres contre la société civile palestinienne. Le 4 septembre, l’administration Trump a décidé de prendre des sanctions contre Al Haq, Al Mezan et PCHR, trois des principales organisations palestiniennes de défense des droits humains, pour le rôle qu’elles jouent dans l’enquête de la CPI sur les crimes israéliens en Palestine. Sans réaction de nos États, ces attaques mortelles contre la société civile palestinienne se multiplieront jusqu’à ce que plus aucune voix ne puisse rendre compte des violations des droits des Palestiniens.

Top