Royaume-Uni : la solidarité à l’épreuve de la répression

L’année dernière, la cause de la justice en Palestine a rencontré Outre-Manche des progrès et des soutiens incroyables, mais aussi une répression redoublée.

Par Palestine Solidarity Campaign

En mai dernier, en réponse à la violence à Cheikh Jarrah, au déclenchement de l’Intifada de l’Unité et au nouvel assaut contre Gaza, quelque 200 000 personnes ont défilé dans les rues de Londres. C’était la plus grande manifestation jamais organisée en faveur de la Palestine, et ce fut un indicateur clair de l’intensification du soutien populaire à la justice. Cela a provoqué un afflux d’adhésions et de dons au Comité de Solidarité avec la Palestine (CSP) et une hausse du nombre de ses bureaux locaux qui s’élève maintenant à 74 dans tout le pays.

Cette conscience et cette solidarité populaires ont été renforcées et amplifiées par le consensus que l’on perçoit maintenant dans la communauté internationale des droits humains autour d’un fait : Israël est un État pratiquant l’apartheid. Les rapports publiés par B’Tselem, Human Rights Watch et Amnesty ont tous confirmé au regard du monde entier ce que les Palestiniens disent depuis des décennies, à savoir que la réalité d’Israël est l’apartheid, du Jourdain jusqu’à la Mer Méditerranée.

Les Syndicats pour la Palestine continuent d’être un pilier majeur du soutien à la Palestine, avec des motions adoptées lors de deux conférences consécutives du TUC (Trades Union Congress) en 2020 et 2021, et lors de celle du Parti travailliste en 2021, citant toutes clairement la réalité de l’apartheid. Cette intégration de la réalité de l’apartheid est importante parce qu’elle démolit le discours défensif qu’Israël s’évertue à préserver : l’idée fausse selon laquelle il est une démocratie libérale engagée dans un conflit enraciné dans des aspirations nationalistes distinctes qui doivent être résolues par des compromis et des processus de résolution de conflits.

Au lieu de cela, le monde entier s’éveille à la réalité de l’apartheid, une réalité coloniale qui doit être comprise dans un cadre plus large, mondial des efforts de décolonisation.Hélas, l’opposition vient à la fois du gouvernement conservateur et du Parti travailliste.

Au lendemain de la publication du rapport d’Amnesty analysant l’apartheid israélien, le gouvernement a lancé une consultation sur la manière d’améliorer le commerce avec Israël. Liz Truss, la ministre des Affaires étrangères, a récemment inclus Israël dans ce qu’on a appelé son discours sur le « réseau de la liberté » – répétant qu’Israël est un allié démocratique précieux. Le chef de l’opposition ne vaut guère mieux, comme nous l’avons vu lors d’un récent discours aux Amis travaillistes d’Israël, où il a défini la question non pas comme une question de justice et d’injustice, mais comme « une tragédie au sens ancien et le plus précis du terme: un affrontement entre droit et droit ».

LES PENSIONS DE RETRAITES : UN DOMAINE CLÉ

On a vu récemment la première salve du prochain assaut officiel contre la Campagne pour la justice en Palestine, sous la forme d’un amendement à un projet de loi sur les pensions de retraite présenté par Robert Jenrick, l’ancien ministre discrédité.

Depuis 2015, le gouvernement tente d’interdire aux organismes publics de prendre des décisions d’investissement éthiques, ainsi lorsque le Parti conservateur a tenté d’empêcher les conseils municipaux de décider de l’investissement de leurs fonds de pension. Lorsque la proposition a été annoncée pour la première fois, elle a semblé absurde et complètement contradictoire : la doctrine politique britannique considère que les colonies israéliennes sont illégales, alors comment le gouvernement britannique peut-il justifier l’interdiction aux conseils municipaux de décider de cesser d’investir dans… des activités illégales ?

Le CSP a contesté cette proposition de 2015 et l’affaire a été portée jusque devant la Cour suprême du Royaume-Uni. Et le CSP a gagné cette affaire historique.

Depuis, le CSP gère une base de données des régimes de retraite des gouvernements municipaux (LGPS) qui ont investi dans des entreprises qui aident Israël à enfreindre le droit international, révélant ainsi que les fonds britanniques du LGPS détiennent au moins 4,4 milliards de livres sterling dans une gamme d’entreprises complices, allant de banques jusqu’à des marchands d’armes en passant par des marques grand public.

En décembre, Michael Lynk, Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains dans les Territoires palestiniens, a écrit à tous les présidents des comités de pensions de retraite du LGPS pour leur conseiller de se départir de ces participations. C’est l’un des nombreux experts des droits humains de renommée internationale qui ont explicitement recommandé le désinvestissement comme un moyen important pour les institutions de défendre les droits humains et d’éviter d’être impliquées dans des activités illégales.

LÉGISLATION ANTI-BDS

Néanmoins, l’amendement Jenrick – qui est une réponse directe à la victoire juridique du CSP et vise donc à annuler la décision de la Cour suprême – a été approuvé. Et il est considéré comme précurseur de l’introduction d’une base législative pour empêcher les organismes publics « d’imposer leurs propres campagnes directes ou indirectes de boycott, de désinvestissement ou de sanctions contre des pays étrangers ».

Le projet de loi anti-BDS fait partie d’un déluge de lois restrictives qui, ensemble, constituent une attaque sur plusieurs fronts et totale menée par le gouvernement britannique contre les libertés individuelles et collectives. Le projet de loi sur la police cherche à étendre massivement les pouvoirs de la police et à restreindre le droit de manifester ; le projet de loi sur la nationalité et les frontières supprime la protection de la citoyenneté alors que la Grande-Bretagne s’érige de plus en plus en forteresse ; et la loi sur les opérations outremer exonère les soldats britanniques des crimes commis à l’étranger au service de l’Empire. Dans ce contexte législatif, la législation anti-BDS fait partie de la croisade globale du gouvernement contre la dissidence et de ses efforts pour créer un environnement hostile à la protestation en la mettant sous pression. Simultanément, ces lois cherchent à protéger les entreprises, les alliés, les soldats et les intérêts commerciaux britanniques en métropole et à l’étranger. Les intérêts britanniques étant étroitement liés à ceux d’Israël, toute protection juridique est à leur bénéfice mutuel.

Les gouvernements et les entreprises géantes du monde entier ne sont peut-être pas disposées à demander des comptes à Israël, mais BDS fournit un ensemble d’outils aux gens pour forcer le changement, pour de bon. Mais c’est exactement ce type de pouvoir populaire qui menace le gouvernement britannique, les entreprises pétrolières, les géants miniers, les marchands d’armes et d’équipements de surveillance, et c’est pourquoi le gouvernement britannique est prêt à l’étouffer.

L’ANNÉE PROCHAINE

Le CSP construit une grande coalition de partenaires de la société civile, y compris ses alliés syndicaux, pour s’opposer à la nouvelle législation. Il s’agit d’un des nombreux fronts de campagne qui sera poursuivi, parallèlement aux contacts parlementaires constants, aux actions en ligne, et à l’engagement dans les médias sociaux et les médias traditionnels. La campagne exigeant que Puma abandonne son parrainage de la FA israélienne s’accélère avec des piquets de grève réguliers devant son magasin phare de Londres ; le CSP s’associe à des organisations culturelles locales pour organiser des projections de films, des spectacles de poésie et des webinaires d’information ; la préparation de la Semaine de l’apartheid israélien 2022 est en cours ; la société britannique JCB pour son rôle dans la démolition de maisons par les Israéliens ; nous nous préparons à lancer la marche de la Journée de la Nakba de cette année jusqu’à Trafalgar Square, au centre de Londres.

L’intensité de la répression est, sans aucun doute, à la mesure de la force du mouvement. La base des membres du CSP s’élargit, ses arguments se répandent, ses protestations sont de plus en plus larges et le discours dans le monde progresse.

En avant vers 2022.

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