Pourquoi faut-il s’intéresser aux élections palestiniennes ?

Par Nathalie Janne D’Othée

Le 15 janvier 2021, le Président Mahmoud Abbas a annoncé la tenue prochaine d’élections  pour le Conseil législatif palestinien (22 mai) et la présidence de l’AP (31 juillet) ainsi que la formation d’un nouveau Conseil national palestinien (31 août). L’annonce n’est pas passée inaperçue car il n’y a plus eu d’élections depuis 2006 au niveau de l’Autorité palestinienne ; mais rares sont celles et ceux qui s’enthousiasment à cette perspective ou même s’y intéressent réellement. Pourtant, si elles ont lieu, les élections peuvent constituer un événement qui change la donne.

Le premier argument invoqué pour décrédibiliser les élections palestiniennes, c’est le fait qu’elles se déroulent sous occupation israélienne. Il est évident que dans de telles conditions, il est illusoire de penser que l’exercice puisse être réellement démocratique. En effet, les occupants israéliens arrêtent régulièrement les leaders palestiniens, rendent impossible la représentation des Palestiniens de Jérusalem-Est, violent les droits et libertés fondamentales des Palestiniens et sapent donc tous les fondements d’une démocratie réelle. Issue des accords d’Oslo et ne disposant d’aucune souveraineté réelle, l’Autorité palestinienne est d’ailleurs souvent considérée comme la supplétive de l’occupant israélien. L’absence d’élections au sein de l’AP ces dernières quinze années et la mainmise d’une petite caste de dirigeants sur le pouvoir expliquent par ailleurs le peu d’espoirs mis par la population palestinienne dans l’exercice annoncé.

Si son espoir est de voir advenir une démocratie réelle en Palestine, elle a en effet raison de douter. Ce qui a contraint le Fatah et le Hamas à s’entendre sur la tenue d’élections, ce n’est pas la pression populaire, mais leurs propres difficultés internes et les changements survenus récemment au niveau international (présidence de Biden, accords de normalisation entre Israël et de nombreux Etats arabes, réconciliation entre le Qatar et l’Arabie Saoudite). Il y a d’ailleurs de fortes chances que les deux principales factions s’entendent pour former une liste commune en amont des élections, ou un gouvernement d’union nationale à l’issue des élections, permettant ainsi de garder le duopole actuel au pouvoir.

Mais alors, à quoi bon ?

Il est nécessaire de s’intéresser aux prochaines élections palestiniennes parce que, qu’on le veuille ou non, elles peuvent changer la donne pour les Palestinien·nes.

Premièrement, ces élections portent en elles un espoir de réconciliation inter-palestinienne. Depuis la victoire du Hamas aux élections de 2006, et l’éviction forcée du Fatah de la bande de Gaza en 2007, les tentatives de réconciliation entre les deux formations ont été nombreuses mais rarement couronnées de succès. Même si les risques existent encore d’assister à une crispation des positions du Fatah et du Hamas, leur intérêt semble aujourd’hui les mener vers une réconciliation à plus long terme. Le Fatah veut montrer sa bonne volonté démocratique à la communauté internationale, tandis que le Hamas espère obtenir un allègement du blocus imposé par Israël et, à terme, un re-développement de la bande de Gaza.

Deuxièmement, le renouvellement du Conseil national palestinien pourrait répondre aux appels, nombreux, à une redynamisation de l’OLP. L’OLP est en effet l’organe qui bénéficie de la plus grande légitimité au sein du mouvement national palestinien, parce qu’il inclut les réfugiés palestiniens. Mais depuis les accords d’Oslo, l’organe a été délaissé au profit de l’AP, notamment du fait de la politique des bailleurs de fonds internationaux. Aujourd’hui, les voix palestiniennes sont nombreuses à demander des élections du Conseil national palestinien. Le décret présidentiel du 15 janvier ne fait état néanmoins jusqu’à présent que de renouvellement et non d’élections pour le CNP.

Troisièmement, les élections du CLP relanceront le processus démocratique dans le système politique palestinien. En réhabilitant le Conseil législatif palestinien, elles amélioreront la redevabilité des dirigeants palestiniens et la transparence des processus décisionnels. Les élections peuvent enfin donner plus de poids aux Palestiniens pour faire face à l’occupation israélienne et obtenir leurs droits.

Rôle primordial de l’UE

Mais le plus important peut-être dans ces élections, ce sera la réaction de la communauté internationale, en particulier de l’UE. En 2006, l’UE avait en effet envoyé une mission d’observation qui avait constaté la tenue d’élections libres et démocratiques. Néanmoins, une fois mise devant la victoire du Hamas, elle s’était alignée sur les États-Unis et avait boycotté la formation gouvernementale à laquelle participait le parti islamiste. L’attitude de la communauté internationale avait mené à la scission entre Fatah et Hamas et à la prise de pouvoir subséquente du Hamas à Gaza, suivie de près par le blocus total illégalement imposé par Israël à la bande de Gaza.

Voilà pourquoi, aujourd’hui, l’UE doit mieux se préparer aux élections palestiniennes et doit clarifier en amont les lignes de force de son engagement avec le prochain gouvernement palestinien afin de ne pas reproduire le fiasco de 2006.

 

 

 

 

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