Pogroms et expulsions à Jérusalem : deux faces d’une même politique

Des foules chauffées à blanc défilant aux cris de « mort aux Arabes! », prenant pour cible maisons, voitures et passants, sous le regard attentiste de forces d’occupation davantage préoccupées d’empêcher les victimes de réagir : les images des violences qui ont secoué Jérusalem-Est depuis le 13 avril font froid dans le dos. Celles-ci ont été initiées par le mouvement suprémaciste juif Lehava, affilié à la mouvance extrémiste kahaniste, ouvertement raciste, dont plusieurs émanations sont considérées comme terroristes notamment par les États-Unis et même par Israël. Les mobilisations de Palestiniens contre ces ratonnades et contre les restrictions de leur mobilité en plein Ramadan, leur répression par la police (ayant fait plus de 450 blessés en deux jours) ainsi que les quelques actes isolés d’agressions contre des Juifs ont pu faire croire à des affrontements interethniques. Le déséquilibre entre les forces en présence et l’identité des initiateurs de ce qu’il convient de qualifier de pogrom interdisent pourtant de recourir à ce cliché usé et de renvoyer dos à dos victimes et bourreaux.

Si les violences des colons sont le lot quotidien des Palestiniens vivant sous occupation (plus de 700 attaques en 2020, déjà plus de 200 depuis le début de l’année), celles qui se sont manifestées ces derniers jours surprennent par leur ampleur. Elles prennent place dans un contexte de fuite en avant de la société israélienne et de son régime politique vers un racisme toujours plus décomplexé et ouvertement ethnocratique. Avec l’irruption fracassante du parti sioniste religieux d’extrême droite (également d’inspiration kahaniste) à la Knesset lors des élections du 23 mars et la respectabilité que lui a conférée le Premier ministre Benjamin Netanyahou en l’associant d’emblée à son projet de coalition gouvernementale, les mouvements les plus ouvertement fascistes se sentent pousser des ailes comme jamais. Itamar Ben-Gvir, figure de proue du parti et admirateur assumé de Baruch Goldstein, l’auteur du massacre de 29 fidèles musulmans au Caveau des Patriarches de Hébron en 1994, administre notamment l’un des groupes qui a appelé aux violences, en ce compris le meurtre.

Qu’on ne s’y trompe donc pas : ces militants ne sont pas des brebis égarées, mais jouent au contraire le rôle de supplétifs des politiques de nettoyage ethnique (« équilibre démographique », selon la terminologie officielle) qui visent à chasser les habitants palestiniens de la ville. Aux harangues criminelles des nervis de l’ultra-droite répond en effet en écho le langage formellement plus policé, mais tout aussi redoutable, de la justice israélienne. Celle-ci multiplie actuellement les ordres d’éviction dans les communautés palestiniennes de Jérusalem-Est, en particulier à Silwan et à Sheikh Jarrah. Trente familles de ce dernier quartier sont notamment menacées d’expulsion dès le 2 mai prochain, comme le dénoncent une campagne internationale de sensibilisation (lire sur le sujet cette analyse du CNCD-11.11.11) et une lettre des habitants menacés d’expulsion à la Cour Pénale Internationale, soutenue par plus de 190 organisations de défense des droits humains, dont l’Association belgo-palestinienne.

L’Association belgo-palestinienne condamne avec la plus grande fermeté les violences tant des extrémistes que des autorités contre les Palestiniens de Jérusalem-Est. Elle rappelle que toute perspective d’amélioration sur le terrain sera illusoire tant que ne sera pas mis fin à la violence première que constitue l’occupation de la ville et son annexion illégale.

Nous enjoignons la ministre belge des Affaires étrangères Sophie Wilmès et le chef de la diplomatie européenne Josep Borell à intervenir d’urgence pour prendre les mesures indispensables de protection des populations palestiniennes. La Belgique et l’UE doivent se décider enfin à exercer les pressions diplomatiques, économiques et commerciales requises pour contraindre enfin Israël à se plier à ses obligations au regard du droit international.

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