Si quelqu’un, quelque part dans le monde, avait utilisé le terme “abcès” pour décrire Israël, nous aurions provoqué une vague de protestation. Et des spécialistes de l’antisémitisme auraient tenu de longs discours sur le vocable que les Nazis empruntèrent à la pathologie et à la microbiologie (la chose vaut aussi pour Mahmoud Ahmadinejad).
Mais lorsque cette semaine un vice-premier ministre d’Israël, et membre du Parti Travailliste, utilise une métaphore médicale pour parler de la bande de Gaza (« Gaza est un abcès, une pénible poche de pus »), personne ne s’est offusqué. Nous sommes toujours autorisé à faire ce que d’autres ne sont pas.
En février 2008, le même politicien, alors vice-ministre de la Défense, mettait en garde les Palestiniens. Ils (les Palestiniens) allaient s’infliger une plus grande « shoah » – utilisant le mot hébreu qui signifie aussi bien catastrophe générique que Holocauste – s’ils continuaient à tirer des roquettes vers Israël. C’était peu avant qu’une offensive militaire israélienne ne tue 107 Palestiniens, plus de la moitié étant des civils. Deux militaires israéliens étaient également tués.
Ces paroles de Vilnaï avaient alors été mal comprises, ou délibérément tordues, les faisant résonner comme s’il promettait qu’Israël allait infliger une « plus grande shoah » à Gaza. (« Plus grande » que quoi ? Que la Nakba de 1948 ?)
Il annonçait en fait qu’Israël se vengerait prochainement, tout en rejetant la responsabilité sur les Palestiniens. Et inconsciemment, il révélait l’imperméabilité d’un trait à la connotation de ses mots et affichait un mépris par rapport à l’histoire de notre peuple.
Exactement deux ans après le début de l’opération « Plomb durci », une offensive dont la puissance et la force de feu israélienne piégea un million et demi de personnes, Vilnaï décidait de décrire Gaza comme un abcès. Qu’essayait-il de transmettre comme message lorsque qu’il fit ses commentaires durant une apparence au Conseil régional d’Eshkol ? Qu’Israël a maintenant besoin de recourir à la chirurgie radicale afin de complètement supprimer et enlever l’infection localisée ?
Une nouvelle fois, Vilnaï préservait Israël de ses responsabilités par rapport à l’instabilité actuelle, et portait l’entièreté du blâme sur le Hamas. « Au lieu de se soucier de ces propres gens, le Hamas essaye de conquérir Jérusalem », affirma-t-il.
Vilnaï ne s’appuyait pas sur la mémoire à court terme des Israéliens, puisque vous ne pouvez pas oublier ce que vous ne voulez pas savoir en premier lieu. Il s’appuyait et s’appuie sur l’indifférence totale des Israéliens par rapport à leurs propres Qassam : des tirs quasi quotidiens de soldats israéliens sur des civils gazaouis, qui blessent régulièrement et tuent parfois. Ces civils sont pour la plupart des agriculteurs qui essayent de travailler leurs terres, des pêcheurs qui vivent de la mer, et des parents au chômage accompagnés de leurs enfants qui fouillent les ruines des anciennes colonies à Gaza.
Tout comme les hommes masqués des Bridages Izz al-Din al-Qassam, Vilnaï utilise la logique du « Ils ont commencé, donc nous avons le droit de répondre ».
Le Hamas ne peut même pas garantir que les étudiants seront capables d’atteindre leur université ou que les maisons palestiniennes détruites seront réparées, donc il s’enorgueillit d’un futur imaginaire. Pour la consommation intérieure, et afin de justifier le soutien financier islamique, les commandants du Hamas prétendent avoir les capacités d’égaler la force de dissuasion de l’armée israélienne. Simultanément, Vilnaï – qui utilise cela pour dépeindre une réalité virtuelle dans laquelle Israël n’est plus la puissance occupante mais la victime – prétend que la raison pour laquelle les Israéliens dans le sud ne se sentent pas en sécurité n’a rien à voir avec la politique du gouvernement mais que cela est lié à une sorte de contamination, une infection, extérieure.
En janvier 1991, lorsque Vilnaï était commandant en chef de la zone Sud, il signa un ordre militaire sur lequel est basée l’entièreté de la désastreuse politique israélienne regardant Gaza. C’était l’ordre révoquant le permis de sortie général accordé aux Palestiniens au début des années ’70. En d’autres mots, c’est l’ordre qui refusait aux Palestiniens leur droit à la liberté de mouvement et qui leur imposa le régime de fermeture qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Au-delà de la détérioration de la situation économique et des sérieux dommages environnementaux et sanitaires qui continuent d’être causés par la fermeture, l’isolation par rapport au reste du monde – spécialement par rapport à la société palestinienne de Cisjordanie et d’Israël – a condamné le développement culturel, éducationnel, et social de Gaza.
C’était la signature de Vilnaï, et non pas une infection permanente, qui transforma la bande de Gaza en camp de détention – le plus grand et le plus peuplé au monde. Et nous, Israéliens, en sommes ses gardiens.
Amira Hass, Haaretz, 29 décembre 2010
Traduction : NVC