Les partis politiques palestiniens

1. Le Fatah : Fondé par Yasser Arafat au Koweït en 1957, le Fatah (acronyme inversé de Harakat al-Tahrir al-Watani al-Filastiniyya, “le mouvement de libération nationale palestinien”) attendra 1967 pour rejoindre l’OLP, que l’ancien président palestinien dirigera à partir de 1969. Omniprésent dans la vie politique palestinienne depuis les Accords d’Oslo en 1993, le Fatah est devenu la colonne vertébrale de l’Autorité nationale palestinienne (ANP). Il dominait le Conseil législatif palestinien jusqu’aux élections législatives de janvier 2006 et dominait la plupart des conseils municipaux des Territoires occupés, jusqu’aux dernières élections de 2004 et 2005.

Le Fatah est d’orientation centriste et se revendique comme un mouvement nationaliste. Son président actuel, Mahmoud Abbas, avait remporté les élections présidentielles du 9 janvier 2005 avec 62,3% des voix. La récente émergence du Hamas sur la scène politique palestinienne est un défi supplémentaire pour le Fatah.

2. Le Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) :  débute son action en 1967, à l’issue de la guerre dite des Six-Jours. Emanant du Mouvement nationaliste arabe, il adopte l’idéologie marxiste-léniniste dans les années 70. Hostile aux Accords d’Oslo en 1993, il se résout néanmoins à accepter le processus de paix. Georges Habbache, le fondateur du parti, en abandonne la direction en 1999. Son successeur, Abou Ali Moustapha sera assassiné un an plus tard par l’armée israélienne. Le FPLP s’installe peu après à Ramallah, après 29 ans d’exil en Syrie. Ancien second parti palestinien, influent dans les camps de réfugiés, le FPLP a dû laisser sa place au Hamas après les élections municipales de mai 2005.

3. Le Front Démocratique de Libération de la Palestine (FDLP) : Formation de l’opposition de gauche, est né en 1969 d’une scission du FPLP. Il s’est distingué de ce dernier en engageant le dialogue, dans les années 70, avec le mouvement d’extrême-gauche israélien, Matzpen. Il s’éloignera du Fatah en 1977.
Tout en maintenant ses critiques envers Arafat, le FDLP a toujours soutenu l’unité de l’OLP et a été au premier plan dans l’élaboration de l’objectif de former un État démocratique sur l’ensemble de la Palestine, pour les Juifs et les Arabes, reconnaissant le rôle que pouvaient jouer les Juifs dans la création de cet État.
Réputé comme indépendant de l’Autorité nationale palestinienne et des régimes arabes, il milite pour l’application de la résolution 194 et pour le droit au retour des réfugiés de 1948.

4. Le FIDA, aussi nommé Union démocratique palestinienne, a été créé par Yasser Abed Rabbo en 1990-91, suite à une scission au sein du FDLP. Mouvement strictement politique et réformiste, le FIDA voulait sortir le FDLP de son implication dans la politique jordanienne et adopter une position plus modérée face aux négociations avec Israël. Principalement constitué de résidents de la Cisjordanie, le FIDA a obtenu un siège au Comité exécutif de l’OLP et a également obtenu un siège au Conseil législatif élu en 1996, dans le district de Ramallah.

5. L’Initiative Nationale Palestinienne (INP): Ce mouvement a été fondé par plusieurs personnalités palestiniennes (Haidar Abdel Shafi, Moustafa Barghouti, Ibrahim Dakkak, Edward Saïd) en 2002. Il est souvent présenté comme une émanation de la société civile palestinienne. Plusieurs de ses fondateurs sont en effet issus de l’expérience des ONG palestiniennes.

Son programme politique se veut une alternative démocratique  « à une autorité nationale palestinienne inefficace et au fondamentalisme islamiste ».

L’Initiative Nationale Palestinienne a participé pour la première fois aux élections municipales de 2004-2005 à l’issue desquelles elle a emporté deux mairies, à Beit Lid et Anabta, près de Tulkarem. Avec  22% des voix, son candidat Mustapha Barghouti était arrivé en seconde position des élections présidentielles de décembre 2004, derrière Mahmoud Abbas.

6. Le Parti du peuple palestinien  (PPP) : est en quelque sorte le plus vieux parti politique palestinien tirant ses origines du Parti communiste de Palestine (PCP), fondé en 1919 et aussi celui qui a connu le plus de transformations.

Le PCP s’est joint à l’OLP en 1987, obtenant un siège au Comité exécutif, occupé par Sulayman al-Najjab. L’Intifada a été l’occasion pour le PCP de se recomposer une importante base populaire. Avec le déclin du communisme en Europe de l’Est, le PCP s’est de nouveau rebaptisé, devenant le Parti du peuple palestinien en 1991, Bashir Barghouti demeurant son secrétaire général, jouant un rôle clé dans les négociations d’Oslo. Le parti soutient le processus d’Oslo, mais exige la reconstruction de l’OLP ainsi qu’un dialogue avec les factions anti-Oslo.

7. Le Jihad islamique : Fathi Shikaki fonde le Jihad islamique en 1980 dans la ville de Rafah, à Gaza. Influencé par la Révolution iranienne de 1979, il a élaboré un nouveau programme idéologique en réponse à ce qu’il percevait comme une trop grande modération chez les Frères musulmans et une négligence par les islamistes égyptiens de la priorité qui devait être donnée à la question palestinienne. Estimant que l’unité du monde islamique n’était pas une condition à la libération de la Palestine, il voyait plutôt la libération de la Palestine par les mouvements islamiques comme étant la clé de l’unification du monde musulman.
Ce mouvement ne connaît pas la même implantation que le Hamas, en raison de sa radicalité et de la faible importance de son réseau de militants.

Contrairement au Hamas, le Jihad participe aux réunions du Conseil central de l’OLP.

Organisation de Libération de la Palestine (OLP) :  a été créée lors du premier sommet des chefs d’État arabes au Caire en janvier 1964. Initialement sous tutelle arabe, en particulier celle de l’Égypte de Nasser. Son premier président est Ahmad Shoukeyri qui avait été adjoint au Secrétaire général de la Ligue arabe entre 1949 et 1956. Quelques mois après sa création, l’OLP réunit à Jérusalem son parlement en exil, le Conseil national palestinien (CNP) qui adopte la Charte nationale palestinienne le 2 juin.

Le Conseil national palestinien mis en place pour en principe une période de deux ans en constitue l’autorité suprême. Il détermine et mène à cet effet la politique de l’organisation.

La Guerre de 1967 entraîne des changements majeurs au sein de l’OLP, qui reconsidère sa dépendance vis-à-vis des Etats frères. Lors de la quatrième réunion du CNP au Caire en juillet 1968, une nouvelle Charte nationale est adoptée, rejetant la résolution 242, et les organisations de la résistance entrent dans l’OLP. Quelques mois plus tard, en février 1969, Yasser Arafat prend la tête du Comité exécutif de l’OLP.

Loin d’être une organisation monolithique, l’OLP regroupe ou a regroupé au fil des ans, les diverses factions du mouvement national palestinien, du Fatah au FPLP – CG en passant par le FPLP, le FDLP, la Sa’iqa, le FLA, etc. Chacun de ces mouvements possède toutefois son autonomie d’action et les conflits entre diverses opinions sont fréquents. Malgré tout, l’OLP a réussi à créer un cadre de coexistence et à maintenir l’unité de sa représentation.

Le Mouvement Hamas

Historique

Le mouvement Hamas (acronyme pour Mouvement de la résistance islamique, signifie Zèle en arabe) a été créé en 1987 par le Cheikh Ahmad Yassine. Il trouve ses origines dans le mouvement des Frères musulmans en Egypte avec lequel il garde des liens étroits. Son principal objectif, tel qu’il ressort de sa Charte, adoptée en 1988, est d’agir pour la libération de la Palestine. Rejoignant ainsi les mouvements nationalistes de libération, il ne s’oppose alors à l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) que sur le caractère laïc de la Palestine souhaité par cette dernière. 

Le renforcement du Hamas et son enracinement à Gaza et en Cisjordanie a pu se faire en grande partie grâce au soutien des gouvernements israéliens qui misaient, depuis le début des années 80, sur la carte islamiste pour affaiblir la prégnance sur la société palestinienne de l’OLP et du Fatah de Yasser Arafat[1]. Mais, dépassé par leur zèle, Israël renforce la répression contre les militants du Hamas, tout en laissant les pays du Golfe et la Syrie financer le mouvement. Benyamin Netanyahu laissera également revenir dans la bande de Gaza le chef spirituel du Hamas, Ahmad Yassine, alors que ses négociations avec la Jordanie ne lui imposaient que sa libération.

L’influence du Hamas auprès de la population s’est développée de façon rapide grâce notamment à ses institutions sociales[2] mises en place dans les Territoires palestiniens. C’est par cette voie que le Hamas a pu  élargir son assise politique. Sa branche politique devient progressivement un contre-pouvoir puissant face à l’Autorité palestinienne qui se manifeste à travers le rejet des Accords d’Oslo signés avec Israël en 1993, la critique de la gestion de l’Autorité palestinienne et à partir de 1994, les attentats perpétrés en territoire israélien par sa branche militaire, Hamas-Izz al-Din al Qassem. De nombreuses négociations avec l’Autorité palestinienne auront lieu afin de parvenir à l’arrêt des attentats en Israël. Mais les attentats revendiqués par le Hamas et d’autres factions armées palestiniennes vont se multiplier en Israël à nouveau après l’éclatement de la seconde Intifada (Intifada Al-Aqsa[3]), en 2000.

A l’été 2003, une trêve est conclue mais devant la poursuite des incursions militaires israéliennes et des exécutions de dirigeants de la branche armée du Hamas, elle est rapidement rompue. En mars 2004, Israël exécute Ahmad Yassine et son successeur, Abd al-Aziz Rantissi, un mois plus tard. En mars 2005, le Hamas annonce une trêve et la fin des attentats en Israël, qui restent en vigueur depuis lors.

Fondements

Le Hamas est un mouvement  islamo-nationaliste sunnite, qui n’a pour champ d’action que les Territoires palestiniens occupés[4]. Il s’oppose aux mouvements islamistes transnationaux, créés en opposition à l’Occident, type Al Qaïda et se rapproche du Hezbollah chiite libanais, créé pendant la guerre du Liban pour combattre l’occupation israélienne du Sud-Liban.

La Charte du Hamas appelle à libérer la Palestine de l’occupation israélienne et à instaurer un Etat palestinien islamique sur le territoire de la Palestine mandataire. Comme l’OLP, jusqu’en 1988, le Hamas ne reconnaît pas l’Etat israélien. Cependant, c’est là une position qui évolue depuis plusieurs années au sein du mouvement. En 2003, Ahmad Yassine déclarait ainsi qu’en échange de l’évacuation des Territoires palestiniens et la constitution d’un Etat palestinien sur les frontières de 1967, il envisagerait une paix avec Israël. Quelques mois après avoir fait cette déclaration, il fut assassiné par des tirs de roquettes israéliens qui ont tué sept autres civils, ce qui donne à penser que le gouvernement israélien refuse toute hypothèse de compromis avec le mouvement[5].

Depuis, la décision du Hamas de participer aux élections municipales puis législatives, dont le processus découle directement des Accords d’Oslo, le rapproche davantage d’une reconnaissance de l’Etat israélien puisque celle-ci est inscrite dans ces accords.

La victoire du Hamas aux élections législatives de janvier 2006

Après avoir boycotté les élections présidentielles de 1996 et 2005 et les élections législatives de 1996, le Hamas décide de devenir un parti politique et pour la première fois, de participer aux élections municipales palestiniennes. Ayant conquis de nombreuses villes lors de ces élections[6], le mouvement se présente aux législatives. Sa liste remporte la majorité des sièges, 74 sur 132, au Conseil législatif palestinien[7]. Le Hamas et le Fatah n’étant pas parvenus à former un gouvernement d’unité nationale, le premier constitue alors seul son gouvernement, dont Ismaël Haniyeh prend la tête.

La victoire massive du Hamas a constitué une surprise tant pour les Palestiniens que pour les observateurs internationaux et, semble-t-il, pour les dirigeants du Hamas eux-mêmes. Elle apparaît non comme le signe de l’adhésion des Palestiniens aux idées du Hamas mais d’une forte contestation des gouvernements palestiniens précédents, dirigés par le Fatah, accusés de corruption et de mainmise sur le pouvoir[8]. Les tentatives de négociations de l’Autorité palestinienne avec Israël qui n’ont eu pour résultat que la poursuite d’une politique destructrice, l’accélération de la colonisation et la construction du Mur par Israël, sans réaction de la communauté internationale, ont également été perçues comme un échec cinglant du Fatah qui a contribué à renforcer le Hamas. 

A l’issue de ces élections, qui se sont pourtant déroulées de manière démocratique, l’Union européenne[9] décide, le 10 avril 2006, de couper toutes les aides à l’Autorité palestinienne, parce que le résultat du vote lui déplaît[10].

L’UE a justifié cette décision aux motifs que le Hamas est inscrit sur la liste européenne des organisations terroristes et qu’il refuse de s’engager à respecter les trois conditions fixées par le Quartette : reconnaissance du droit de l’Etat d’Israël à l’existence, renonciation à la violence et application des accords existants entre Israël et l’Autorité palestinienne, y compris la Feuille de route. La suspension de l’aide pour ces motifs pénalise toute la population palestinienne et rend la situation encore plus inextricable pour la résolution du conflit.

L’inscription du Hamas sur la liste des organisations terroristes

A la différence du Hezbollah et comme Al Qaïda, le Hamas est inscrit sur la liste européenne des organisations terroristes. Cette inscription pose la question de la définition du terrorisme, qui fait l’objet depuis longtemps de discussions sur le plan international[11], d’une part quant au statut à réserver à la lutte armée contre le colonialisme, l’occupation par des forces étrangères et d’autre part, la notion de « terrorisme d’Etat ». Le choix politique européen d’inscrire le Hamas sur cette liste isole ainsi un phénomène spécifique de violence – les attentats perpétrés par le Hamas – d’autres formes de violence illégales – celles commises par l’armée israélienne. Cette décision européenne a pour effet de conforter la stratégie israélienne qui justifie l’occupation des Territoires palestiniens et les agressions contre sa population par une politique sécuritaire de lutte contre le terrorisme. C’est le sens même de la formule d’Ariel Sharon « Arafat, c’est Ben Laden », au lendemain des attentats et de la tragédie du 11 septembre 2001. Depuis lors, le gouvernement israélien cherche à inscrire le conflit israélo-palestinien dans la logique de la guerre globale contre le terrorisme, voire depuis l’accession du Hamas au pouvoir, d’une guerre de religion contre un islamisme qui serait intrinsèquement terroriste. 

Les trois conditions du Quartette : deux poids, deux mesures

Si l’exigence de respect des trois conditions est intimée aux Palestiniens, rien de semblable n’est demandé à Israël, qui est pourtant la force d’occupation. En effet, Israël n’a jamais officiellement admis le droit des Palestiniens à créer un Etat sur les frontières de 1967, poursuit ses actions armées dans les Territoires palestiniens occupés, et continue sa politique de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem, en violation flagrante des résolutions des Nations unies, de l’esprit des Accords d’Oslo et de la Feuille de route[12].


[1] Zeev Sternell (Professeur d’Histoire à l’Université hébraïque de Jérusalem) dans un entretien dans L’Humanité du 14 décembre 2001 « Zeev Sternell : une société déboussolée » et Charles Enderlain dans Le Monde du 03 février 2006 « Quand Israël favorisait le Hamas »

[2] Orphelinats, dispensaires, réseau scolaire, ateliers de confection, aides financières aux plus démunis…

[3] Voir Fiche « Un peuple en résistance »

[4] Si on exclut qu’il commet des attentats en Israël et que certains de ses membres vivent en Syrie, le Hamas ne s’est jamais « exporté » et n’a jamais commis des attentats ailleurs qu’en Israël ou dans les Territoires palestiniens occupés

[5] Avant le Cheikh Yassine, c’est Ismaël Abu Shanab, connu pour être le plus pragmatique des leaders du Hamas et le seul ayant reconnu qu’il finirait par y avoir un Etat palestinien à côté d’Israël, qui fut assassiné par Israël, le 22 août 2003

[6] Notamment Qalqilya, Rafah, Naplouse 

[7] Le Hamas ne remporte cependant pas la majorité des voix, mais seulement 42,9 %.

[8] On relève en effet un vote important de Palestiniens chrétiens (à Bethléem par exemple) et même l’inscription d’un Chrétien de Gaza (Husam Al-Tawil) sur la liste du Hamas.

[9] Le Conseil de l’UE suit en cela la position des Etats-Unis, du Canada et d’Israël qui, pour ce dernier, confisque le montant à rétrocéder des droits de douanes et des taxes perçus pour le compte de l’Autorité palestinienne qui s’élève à plus de 480 millions de dollars en septembre 2006 et qui correspond à 50% de son budget annuel

[10] Cette aide permettait notamment le financement du système d’éducation, de santé et des infrastructures.

[11] Malgré  de nombreuses tentatives, aucune définition commune du terrorisme n’a pu encore être rencontrée au niveau des Nations unies

[12] Voir Fiche « Colonies »

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