Le système de santé palestinien pris en étau

Dans le territoire occupé, la réponse à la crise sanitaire a été compliquée par la fragmentation des différents prestataires de soins de santé,
leur sous-financement et les restrictions imposées par Israël.

Début mars, les premiers cas palestiniens de coronavirus ont été détectés à Bethléem : il s’agissait d’employés d’un hôtel accueillant des touristes étrangers. Le soir-même, l’état d’urgence a été instauré, l’hôtel en question a été transformé en centre de quarantaine, un confinement strict a été mis en place et les écoles, universités et mosquées ont rapidement été fermées. Parallèlement, le ministère de la Santé a cherché à augmenter ses capacités de tests au départ  très limitées puisque seulement 100 à 400 tests pouvaient être réalisés par jour au cours des premières semaines. Début mai, 325 cas ont été recensés en Cisjordanie, 17 dans la bande de Gaza, et 153 à Jérusalem-Est (à l’intérieur du Mur) et les mesures de confinement ont peu à peu été allégées. Les ressources disponibles dans le système de santé palestinien ne permettaient pas de gérer un afflux de malades.

UN SYSTÈME FRAGMENTÉ

Dans le territoire occupé, la santé est assurée par trois acteurs principaux.

Le ministère de la Santé dépendant de l’Autorité palestinienne opère en Cisjordanie et à Gaza.

De par la scission politique entre le Fatah et le Hamas, une fragmentation supplémentaire s’observe à Gaza, où de fait, deux ministres de la Santé opèrent simultanément. Le ministère de l’AP n’opère pas à Jérusalem-Est mais dans certains quartiers ou villages qui se sont retrouvés de l’autre côté du Mur. L’UNRWA (l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Moyen-Orient, créé en 1950) est un important fournisseur de services de santé essentiellement en direction des réfugiés palestiniens. Il opère également en Jordanie, au Liban et en Syrie. Dans le TPO, il a un bureau pour la Cisjordanie et un second pour Gaza.

Ainsi, l’UNRWA et le ministère de la Santé assurent entre 80 et 90% des services de santé, au niveau des soins de santé primaires et secondaires.

Des ONGs locales ou internationales, créées en majorité dans les années 70 et 80, et des œuvres de charité plus anciennes sont également actives dans le secteur médical, sur tout le territoire.

À Jérusalem, des hôpitaux et centres médicaux toujours en activité ont été construits par des missionnaires parfois bien avant 1948 ou encore  dans les années 60, comme l’hôpital al-Makassed. Tous ces acteurs dépendent majoritairement de fi- nancements extérieurs et de dons, généralement affectés à des programmes spécifiques très stricts.

Enfin, il existe un secteur médical privé plus restreint mais en développement. Depuis l’annexion de Jérusalem-Est en 1967, le ministère israélien de la Santé dispense des soins de santé aux résidents à l’intérieur du Mur, à condition qu’ils aient une carte d’identité établissant leur résidence dans la ville et qu’ils payent l’assurance-santé obligatoire.

Mais des quartiers coupés de Jérusalem par le Mur, comme Qufur Aqab et le camp de réfugiés de Shuafat, font partie de la municipalité israélienne de Jérusalem, mais pour avoir accès à ses services de santé, leurs habitants doivent traverser les checkpoints pour y entrer. Depuis 1967, la Cisjordanie et Gaza sont occupés, les habitants se sont vus reconnaître la dispensation des soins par Israël, non via le ministère de  la Santé mais par le département de la santé de l’armée israélienne.

L’un des principaux problèmes qui affectent
le système de santé en Palestine, c’est cette fragmentation des prestataires mais aussi la fragmentation géographique qui a entraîné une difficulté d’accès palliée par une multiplication des infrastructures de santé. Cela occasionne des problèmes de coordination et une duplication des services, de sorte que le système n’est pas géré de la manière la plus efficace qui soit.

OTAGE DE LA COLONISATION

De surcroît, les Palestiniens sont souvent contraints de parcourir de longues distances pour consulter un spécialiste et doivent franchir les checkpoints israéliens disséminés dans toute la Cisjordanie. Les obstacles imposés par Israël limitent donc l’accès physique aux centres médicaux mais découlent également de son contrôle sur l’économie palestinienne notamment depuis l’instauration du protocole de Paris, volet écono- mique des accords d’Oslo. À cause de la prohibition des produits dits « à double usage », les prestataires de santé palestiniens sont par exemple dans l’impossibilité d’importer des équipements de radiothérapie et il est interdit aux fabricants palestiniens d’en produire eux-mêmes. Ces interdictions ont deux conséquences : accroître la dépendance des services médicaux palestiniens aux infrastructures israéliennes et empêcher par là-même le développement des in- frastructures médicales palestiniennes. L’importa- tion d’autres équipements médicaux est elle aussi soumise au contrôle israélien via le système de permis et d’autorisations, provoquant retards et pénuries dans les centres médicaux palestiniens.

Ces restrictions sont un exemple qui, bien que spécifique au domaine médical dans le territoire occupé, est transposable à toute l’économie palestinienne, asphyxiée à dessein dans la stratégie coloniale d’Israël.

Texte retranscrit par S.R. à partir du Webinaire

Occupation is an Underlying Condition –
The Political Economy of COVID-19 in Palestine
organisé le 27 avril 2020 par le centre
de recherche Who Profits

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Top