Bulletin 52, juin 2012
Dans le contexte de leur longue lutte pour remettre le droit au cœur de la résolution du conflit israélo-palestinien, les Palestiniens viennent d’essuyer un nouveau revers cuisant.
Suite à l’opération « Plomb durci » (décembre 2008/janvier 2009), qui a ensanglanté la bande de Gaza, le Ministre de la justice palestinien a saisi en janvier 2009 la Cour pénale internationale (CPI) en vue de reconnaître la compétence de cette dernière et de l’amener à enquêter sur les crimes commis par Israël lors de cette opération. Or, le 4 avril 2012, Luis Moreno-Ocampo, Procureur général de la CPI, annonçait son intention de ne pas enquêter sur les crimes allégués lors de l’opération « Plomb durci » prétextant d’une part, que la Palestine n’était pas un Etat et, d’autre part, que le Conseil de sécurité des Nations Unies n’avait pas saisi la CPI pour de tels faits, alors qu’il en a la prérogative. C’est moins l’existence de crimes commis lors de ce conflit que des questions procédurales qui ont motivé la décision du Procureur. Rappelons en effet que des allégations de crimes ont été établies par le Rapport Goldstone, rapport commandité par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies et dont les conclusions ont par ailleurs été entérinées par l’Assemblée générale des Nations Unies le 5 novembre 2009.
La Palestine n’est pas un Etat
Dans un communiqué, le Procureur de la CPI souligne que « le Bureau prend acte du fait que la Palestine a été reconnue comme un État dans le cadre de relations bilatérales par plus de 130 gouvernements et par certaines organisations internationales, dont des organes onusiens. Il n’en reste pas moins que le statut qui lui est actuellement conféré par l’Assemblée générale des Nations Unies est celui d’« observateur » et non pas d’« État non membre ». Avant d’ajouter : « Le Bureau n’exclut pas la possibilité d’examiner à l’avenir les allégations de crimes commis en Palestine si les organes compétents de l’ONU, voire l’Assemblée des États parties, élucident le point de droit en cause (…) ». Or, en 2010, un collectif de juristes internationaux de renom, au terme d’une étude sérieuse intitulée « les effets de la reconnaissance par la Palestine de la compétence de la Cour pénale internationale » note que : « la déclaration palestinienne du 21 janvier 2009 acceptant la compétence de la CPI (…), peut déployer ses effets conformément aux dispositions de l’article 12 du Statut et, en particulier, que toutes les conditions sont réunies pour que la Cour exerce sa compétence en application de l’article 13 ».
Déférer la question au Conseil de sécurité des Nations Unies
L’Assemblée générale des Nations Unies, dans sa résolution du 5 novembre 2009 qui entérine les conclusions du Rapport Goldstone, « recommande que le Conseil de sécurité se saisisse de la question et intime aux parties l’ouverture d’enquêtes, à défaut de quoi, dans les six mois, le Conseil devrait référer la situation à la Cour pénale internationale (CPI) ». Or, à ce jour, le Conseil de sécurité ne s’est toujours pas saisi de cette question, malgré l’absence d’investigations sérieuses. De plus, l’Assemblée générale, en se prononçant en ce sens, confère de facto la possibilité à l’Autorité palestinienne de saisir la CPI, ce qui semble donc contredire la position du Procureur.
Il est à craindre que la position du Procureur de la CPI soit davantage motivée par des considérations politiques. C’est en tout cas ce qui ressort clairement de la déclaration de Kenneth Roth, directeur exécutif de l’ONG Human Rights Watch (HRW) qui, dans un communiqué, note que « la décision d’aujourd’hui semble fermer la porte pour le moment à un accès à la CPI pour les victimes des crimes internationaux commis dans les territoires palestiniens. ». Quant à Marek Marczynski, chargé de la justice internationale pour Amnesty international, il déplore que « cette décision dangereuse expose la CPI à des accusations de parti-pris politique et est en contradiction avec l’indépendance de la CPI ».
Hocine Ouazraf