Bulletin 55, mars 2013
Le 29 novembre 2012, l’Assemblée générale des Nations Unies a officiellement reconnu la Palestine comme Etat observateur non-membre à l’ONU. La délégation palestinienne conduite par Mahmoud Abbas pouvait souffler, elle avait enfin obtenu le résultat attendu de tous les efforts internationaux engagés depuis deux ans. C’est donc une victoire, bien que l’avancée soit – pour l’instant du moins – surtout symbolique. La Belgique a, quant à elle, soutenu la demande palestinienne et cela, grâce à une forte mobilisation de la société civile.
Une reconnaissance symbolique
La reconnaissance apparaît, dans un premier temps, purement symbolique parce qu’en soi, elle ne change rien à la situation sur le terrain. De nombreux Palestiniens étaient sceptiques, voire opposés à la démarche de l’Autorité palestinienne (AP). Au premier rang, les réfugiés rappellent qu’une telle reconnaissance ne règle pas la question du droit au retour. D’autres soulignent que le morcellement actuel du territoire palestinien empêche l’établissement réel d’un Etat. Bref les objections à la portée d’une telle reconnaissance sont nombreuses.
Au-delà du bien-fondé de ces objections, soulignons néanmoins que la reconnaissance de l’Etat de Palestine peut offrir de nouvelles opportunités aux Palestiniens. C’est pourquoi Israël s’est opposé à l’initiative et a tenté de convaincre les chancelleries américaine et européennes de ne pas laisser faire Mahmoud Abbas. Le statut d’Etat non-membre permet en effet à la Palestine de devenir signataire des principales conventions internationales et ouvrirait par conséquent la possibilité de son adhésion aux mécanismes de contrôle de ces dernières. La Palestine pourrait ainsi porter plainte devant la Cour pénale internationale. Mais une telle décision demanderait un courage politique certain au Président de l’AP, si l’on considère l’opposition internationale à ce que certains qualifient « d’action unilatérale contre-productive ». Dès le lendemain de la reconnaissance, Mahmoud Abbas a déclaré n’avoir recours à la CPI « qu’en cas d’agression ». Après la nouvelle attaque contre Gaza ou la construction de 3000 nouveaux logements sur le site de E1, l’AP n’a pourtant pas encore osé interpeller la justice internationale.
Mais laissons là les opportunités offertes par la reconnaissance pour revenir plutôt sur ce qui l’a permise, en particulier en Belgique et dans l’UE.
Une forte obilisation belge
Dès l’annonce, en mai 2011, d’une initiative en ce sens de l’AP en direction de l’ONU, la société civile belge lance aussitôt une campagne en faveur de la reconnaissance de l’Etat palestinien. Plus de 35 organisations, syndicats, ONG, organisations pour la paix et la démocratie, associations et comités de solidarité se joignent à l’appel. Connaissant la position de la Belgique, et plus largement de l’Union européenne quant à l’édification d’un Etat palestinien, la demande de reconnaissance ne semble pas en contradiction avec celle-ci et apparaît donc relativement facile à obtenir.
De multiples appels sont lancés au gouvernement alors en affaires courantes ainsi qu’aux présidents des principaux partis, francophones et néerlandophones. Une grande manifestation est organisée le 21 septembre 2011. Or la position de la Belgique se profile en deçà des attentes, en s’alignant sur un improbable consensus européen. Le 12 juillet 2011, le Sénat vote une résolution en faveur de la reconnaissance de l’Etat palestinien « en concertation avec les partenaires européens et ce, dans les frontières de 1967 ». Proposé par Marie Arena (PS) et Bert Anciaux (sp.a), le projet de résolution est adopté par 43 voix pour et 11 abstentions (l’Open Vld, 3 élus du MR et le VB).
Mais la question d’une éventuelle reconnaissance de la Palestine aux Nations Unies ne se pose finalement pas pour la Belgique en 2011. Le 23 septembre 2011, Mahmoud Abbas annonce, devant l’Assemblée générale , la volonté de la Palestine de devenir un Etat membre des Nations Unies. Or la procédure pour accéder à ce statut requiert une reconnaissance par le Conseil de sécurité, soit une majorité de 9 votes sur 15, en ce compris les cinq membres permanents. L’Autorité palestinienne comprend vite que si elle est réussit – difficilement – à convaincre une majorité des membres du Conseil de sécurité, elle ne pourra par ailleurs pas contourner le veto des Etats-Unis. Mahmoud Abbas achève donc 2011 sur un échec, bien que l’initiative ait eu l’avantage de remettre la question palestinienne à l’agenda international.
Depuis, peu d’informations filtrent en 2012 sur ce que l’AP compte donner comme suites à sa démarche. Mais la date de l’Assemblée générale des Nations Unies se rapprochant, la rumeur d’une nouvelle demande finit par être confirmée, mais cette fois pour faire partie de l’AG en tant qu’Etat non-membre observateur.
Lors d’une rencontre avec le cabinet de Didier Reynders, devenu entre-temps ministre des Affaires étrangères, une délégation de la société civile apprend que la Belgique s’abstiendra lors du vote à l’ONU pour se conformer à la position de l’UE (voir encart sur l’UE et la reconnaissance de la Palestine). Et pourtant, aucun consensus européen ne se dégage. Or la résolution du Sénat prône avant tout la reconnaissance, même si elle préconise la concertation avec les autres Etats membres.
Un dernier effort sera alors réalisé par la société civile, via des interpellations par mail et par téléphone, pour forcer un changement de la position belge. Plusieurs partis de l’opposition et de la majorité se sont également mobilisés dans les jours qui ont précédé le vote à l’Assemblée générale.
Après un kern extraordinaire convoqué par le PS et le cdH, la Belgique décide enfin de soutenir la requête palestinienne à l’ONU. Il est néanmoins étonnant qu’une telle mobilisation ait été nécessaire, alors que la Belgique avait déjà reconnu la Palestine à l’UNESCO. Le ministre des Affaires étrangères comptait donc prendre une décision là-dessus sans concertation aucune avec le reste du gouvernement et, en dépit de la résolution du Sénat en faveur de la reconnaissance.
Aujourd’hui, la Palestine est un Etat non-membre observateur à l’Assemblée générale des Nations Unies, au même titre que le Vatican et cela, en partie grâce au vote de la Belgique. Pour la Palestine, le statut d’Etat non-membre signifie avant tout être internationalement reconnu comme un Etat, un acquis de fait qui ne puisse être mis à mal par des négociations. Mais sa reconnaissance pleine et entière n’adviendra que lorsqu’elle sera reconnue bilatéralement par une majorité d’Etats. Pour être cohérente avec ses choix à l’UNESCO et à l’AG, mais aussi avec le rehaussement du statut de la Déléguée générale de Palestine à celui d’Ambassadeur, et pour lancer la dynamique au sein de l’UE, il serait assez logique que la Belgique poursuive sur sa lancée et reconnaisse bilatéralement la Palestine sans tarder.
N.J.O.
(ENCART)
L’UE et la reconnaissance de la Palestine
Le vote sur la Palestine à l’ONU a une fois de plus mis en évidence la division de l’Europe sur la question palestinienne : 14 pays membres ont soutenu la demande palestinienne, 12 se sont abstenus, 1 seul Etat a voté contre, ce qui constitue un sérieux revers pour Israël.
Si Catherine Ashton, qui tient les rênes de la diplomatie européenne, a plaidé pour l’abstention, c’est finalement à une division sur des lignes régionales à laquelle nous avons assisté. D’un côté, les pays nordiques (Suède, Finlande, Danemark), les pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) et les pays du Sud (Malte, Espagne, Italie, Portugal et Chypre), ont voté en bloc en faveur de la Palestine. De l’autre, les pays de l’Est qui se sont tous abstenus à l’exception de la République tchèque qui, en votant contre, a affirmé son isolement.
Les pays du centre-ouest de l’Europe ont, quant à eux, voté en ordre dispersé : la France, la Belgique, l’Irlande, l’Autriche, l’Italie et le Luxembourg ont soutenu la requête palestinienne, alors que la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l’Allemagne se sont abstenus.
Parmi les revirements intéressants par rapport au vote sur l’accession de la Palestine à l’UNESCO, on notera ceux de l’Allemagne et des Pays-Bas, qui passent du non à l’abstention et celui de la Suède, qui change radicalement de position, en passant du non au oui.
A remarquer également : le Luxembourg, Malte et l’Autriche ont été les premiers à se positionner en faveur de la requête palestinienne et la Grande-Bretagne s’est déclarée prête à voter positivement… si l’Autorité palestinienne s’engageait à ne pas saisir la Cour pénale internationale.
K.L.