Gouvernement Vivaldi : une place inédite pour la Palestine

« Le Gouvernement fera de nouveaux pas dans le sens d’une politique de différenciation bilatérale et multilatérale à l’égard des colonies israéliennes. Il travaillera au niveau multilatéral et de l’UE ou, le cas échéant, avec un groupe significatif d’États partageant les mêmes vues, sur une liste de contre-mesures efficaces et proportionnées en cas d’annexion du territoire palestinien par Israël et sur une possible reconnaissance à temps de l’État palestinien ». L’accord de gouvernement n’innove pas en la matière, mais confirme l’engagement de la Belgique dans la réaffirmation du droit international comme base de tout processus de paix durable au Moyen-Orient. 

Par Nathalie Janne d’Othée

 

L’approfondissement de la politique de « différenciation »

L’accord de gouvernement prévoit premièrement un approfondissement de la politique de différenciation, autrement dit l’exclusion des colonies israéliennes des relations bilatérales avec Israël. Cette politique, initiée par l’UE en 2012, a été explicitement adoptée par la Belgique dans la dans la résolution parlementaire sur « l’appui de la Belgique à une relance du processus de paix » du 24 novembre 2016. Tout au long de la précédente législature, la Belgique s’est positionnée au niveau européen en faveur de la différenciation et du respect du droit international dans le cadre du processus de paix. Si ses positions sont jusque-là correctes sur un plan purement formel, il lui reste néanmoins à les concrétiser au niveau national, notamment en termes d’effectivité de l’étiquetage des produits des colonies ou d’exclusion explicite des colonies israéliennes du bénéfice de ses accords bilatéraux avec Israël. En matière de différenciation, la Belgique pourrait également appuyer la mise à jour régulière de la base de données des Nations Unies reprenant les entreprises impliquées dans la colonisation israélienne. Elle pourrait également aller plus loin en interdisant purement et simplement l’importation et la vente des produits des colonies.

Des « contre-mesures efficaces » en cas d’annexion

L’accord de gouvernement confirme les mesures prônées par la résolution parlementaire du 25 juin 2020 votée à quelques jours de la date annoncée par Israël d’une annexion formelle ou de jure d’une partie de la Cisjordanie. Mais le fait que l’annexion de jure soit aujourd’hui suspendue ne doit pas pour autant aveugler le nouveau gouvernement belge sur la réalité sur le terrain. En effet, l’annexion de facto du territoire palestinien qui, elle, se poursuit sans relâche(voir notre dossier pages 4 à 21), entraîne une obligation de réaction de la Belgique. En tout état de cause et quelle que soit la forme que prend l’annexion, plusieurs contre-mesures efficaces peuvent être envisagées, dont la suspension de l’Accord d’association UE-Israël, l’interdiction d’importer et de commercialiser des produits issus des colonies et d’investir financièrement dans l’économie des colonies, ou encore l’exclusion des programmes européens tels qu’Horizon Europe des acteurs liés à l’occupation et à la colonisation israélienne.

Reconnaissance de l’Etat palestinien

La troisième mesure envisagée par le nouveau gouvernement est la « possible reconnaissance à temps de l’Etat palestinien ». Les ajouts « possible » et « à temps » viennent enlever toute velléité d’ambition à une mesure pourtant envisagée de longue date. Une résolution adoptée par la Chambre des représentants en 2015 prônait en effet déjà la reconnaissance de l’Etat de Palestine « en temps opportun ». Mais jusqu’ici, ni les multiples atteintes portées par l’administration Trump à l’Autorité palestinienne, ni l’agenda ouvertement annexionniste des derniers gouvernements israéliens n’ont encore constitué des  moments suffisamment opportuns  pour pousser à reconnaître l’Etat palestinien. L’argument souvent avancé est que si elle était seule à le faire, la Belgique n’aurait aucun poids et ne réussirait qu’à se mettre hors-jeu, comme l’a montré l’exemple de la Suède qui a reconnu bilatéralement la Palestine en 2014. Néanmoins, la perspective de l’annexion pourrait amener plusieurs Etats européens, le Luxembourg en tête,  à envisager une telle reconnaissance. La Belgique peut donc jouer un rôle moteur dans le lancement d’une reconnaissance groupée de la Palestine. Une résolution a récemment été déposée à la Chambre qui l’incite à agir dans ce sens.

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