Par Rania Muhareb
La pandémie de Covid-19 continue à exposer les inégalités d’accès au droit à la santé à travers le monde. Mais les Palestiniens subissent une discrimination supplémentaire dans les politiques d’apartheid et de colonisation israéliennes.
Depuis la Nakba (‘catastrophe’) de 1948, l’oppression institutionnalisée d’Israël interdit au peuple palestinien l’exercice de ses droits inaliénables, y compris le droit au retour à ses terres et villages d’origine et à l’autodétermination. Cette réalité, à laquelle s’ajoutent l’occupation israélienne prolongée et le blocus illégal de la bande de Gaza, constitue une violence structurelle qui affecte négativement le droit des Palestiniens au meilleur état de santé.
Plus de 2427 Palestiniens sont morts du coronavirus en territoire palestinien occupé depuis le 11 mars 2020, avec le nombre le plus élevé de décès en 24 heures. Les autorités israéliennes, alors qu’elles continuent à refuser de vacciner les Palestiniens sous son occupation en Cisjordanie et à Gaza, ont vacciné cinq millions de personnes au Covid-19, dont des citoyens israéliens, y compris dans les colonies illégales, ainsi que des Palestiniens à l’intérieur de la Ligne verte et à Jérusalem.
Dès avant la pandémie, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale avait conclu que les Palestiniens souffrent de performances de santé inégales, dont « une espérance de vie plus courte et des taux de mortalité infantile plus élevés que ceux de la population juive. » Le Comité avait demandé à ce qu’Israël élimine ses politiques de ségrégation raciale et d’apartheid visant les Palestiniens des deux côtés de la Ligne verte.
Les autorités d’occupation israéliennes n’ont jusqu’à présent livré que 2000 doses de vaccins à l’Autorité palestinienne, pour cinq millions de Palestiniens sous son occupation. Elles ont annoncé qu’elles allaient en livrer encore 3000 doses, une quantité loin d’être suffisante. En tant que Puissance occupante, Israël a pourtant l’obligation principale, sous l’article 56 de la quatrième Convention de Genève, « d’assurer et de maintenir avec le concours des autorités nationales et locales… la santé et l’hygiène publiques dans le territoire occupé. »
Comble de l’ironie, le gouvernement israélien s’est même engagé à mettre ses doses vaccinales excédentaires à disposition de certains pays alliés, d’une manière qui paraît de récompenser leur reconnaissance illégale de Jérusalem annexée comme capitale d’Israël, une mesure contraire au statut de la ville et au droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
Le refus continu des autorités israéliennes de vacciner tous les Palestiniens sous son contrôle, y compris son occupation prolongée, ne peut être compris en dehors du contexte plus large de l’oppression institutionnalisée visant le peuple palestinien dans son ensemble. Celle-ci comprend des violations systématiques du droit des Palestiniens à la santé.
Notamment, le système de santé palestinien subit des décennies de négligence délibérée et d’une politique de dé-développement continue. Les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza sont interdits d’accès aux soins médicaux à travers un système de permis arbitraire et illégal. En 2017, 54 patients palestiniens sont morts après que leurs permis israéliens d’accès aux soins de santé en dehors de Gaza leur ont été refusés ou délivrés avec retard.
La vulnérabilité des patients palestiniens de Gaza est davantage exploitée par les autorités d’occupation qui, depuis des années, font pression sur les patients et leurs proches pour qu’ils collaborent en échange d’un traitement médical en dehors de la bande de Gaza. À cette politique coercitive se rajoutent les attaques contre les hôpitaux palestiniens par les forces d’occupation israéliennes, et qui s’accompagne du recours systématique à la force meurtrière contre les civils palestiniens, y compris les agents de santé. La Commission d’enquête des Nations Unies sur les Marches du Retour à Gaza a conclu qu’il y avait « des motifs raisonnables de croire que les tireurs d’élite israéliens ont tiré sur les journalistes, les agents de santé, les enfants et les personnes handicapées, sachant qu’ils étaient clairement reconnaissables en tant que tels. »
Les autorités d’occupation israéliennes ont récemment annoncé qu’elles allaient commencer à vacciner près de 100 000 travailleurs palestiniens du territoire occupé. En même temps, l’Autorité palestinienne devrait recevoir des dizaines de milliers de vaccins au Covid-19 de la part d’États tiers. Cette quantité reste insuffisante pour vacciner toute la population en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. D’autre part, ces livraisons ne dégagent en rien Israël, en tant que Puissance occupante, de sa responsabilité principale envers les Palestiniens sous son occupation prolongée.
Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, la réalisation du droit des Palestiniens au meilleur état de santé exige une fin à l’apartheid vaccinal d’Israël et l’accès immédiat aux vaccins au Covid-19 pour les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie occupées. Pourtant, ceci reste insuffisant sans des mesures coercitives supplémentaires et des interventions structurelles pour mettre fin à l’impunité israélienne et aux attaques contre le système de santé palestinien.
Rania Muhareb est doctorante Hardiman au Centre irlandais des droits de l’homme de l’Université nationale d’Irlande à Galway. Elle est consultante de l’organisation palestinienne des droits de l’homme Al-Haq et membre du réseau politique palestinien Al-Shabaka.