Bulletin 60, mai 2014
(voir #Vote4Palestine – 10 questions de l’ABP aux partis )
Et si le 25 mai, vous décidiez de voter pour la Palestine ? De nombreuses motivations politiques peuvent orienter un vote et l’établissement d’une paix juste et durable en Palestine et Israël en est une de taille. Pour permettre aux électeurs de prendre connaissance du programme des différents partis démocratiques sur le sujet, l’Association belgo-palestinienne leur a adressé une série de propositions d’initiatives décisives, extraites de son mémorandum Elections 2014[1].
Dans le prolongement et en renfort du lancement de la campagne Made in Illegality (voir pp. 10-11), nous avons décidé de nous focaliser sur la problématique extrêmement préoccupante des colonies. En effet, les prochaines années seront cruciales pour obtenir des mesures concrètes de la part de nos décideurs politiques contre l’impunité dont jouit aujourd’hui Israël dans son non-respect du droit international et des droits de l’Homme dans le Territoire palestinien occupé.
La première mesure concrète proposée aux partis concerne l’interdiction de l’importation et de la commercialisation des produits des colonies israéliennes en Belgique. Tous les partis s’accordent sur la nécessité de mettre en œuvre une telle mesure, à part le MR qui dit ne pas être en faveur d’un boycott. Cet argument traduit sans doute simplement une mauvaise compréhension de la mesure. L’interdiction se fonde en effet sur une obligation de la Belgique en matière de droit international et il ne s’agit en rien d’une mesure de sanction. Par ailleurs, l’interdiction des produits des colonies devra obligatoirement passer par une identification de ces produits. Une première mesure d’étiquetage distinctif pourrait en tous cas être rapidement mise en place puisque le MR la soutient lui aussi. Si seul l’étiquetage distinctif est adopté, le PTB s’engage, quant à lui, à soutenir activement les actions citoyennes en vue de parvenir à l’interdiction pure et simple de ces produits dans nos supermarchés.
La deuxième proposition porte sur la transposition en droit belge des Lignes directrices relatives aux colonies adoptées en juillet 2013 par la Commission européenne. Le MR semble privilégier une mise en œuvre au niveau de l’Union européenne tandis que les autres partis insistent sur la nécessité de les transposer au niveau belge et, comme le précise très justement le PS, au niveau des entités fédérées. Dans la ligne du rapport Dubuisson, le PTB souligne que les Lignes directrices ne vont pas assez loin et qu’il faut assurer une meilleure application du droit international en suivant entre autres les recommandations du rapport Dubuisson (voir article p.10-11). Dans le même sens, Ecolo propose de pénaliser toutes les initiatives (économiques, académiques ou culturelles) impliquées dans la colonisation du territoire palestinien.
Tous les partis s’accordent sur la nécessité de dissuader les entreprises belges d’investir dans et d’entretenir des relations commerciales avec les colonies israéliennes. Leurs positions diffèrent quant à la manière de mettre en œuvre cette dissuasion. A nouveau, le MR préfère lancer ce genre de mesure au niveau européen, y voyant une maximisation de son impact. Le CDH ne précise pas la manière dont il compte dissuader les entreprises. Pour le PS, elle passerait par des avis sur les sites du SPF Affaires étrangères, du SPF Economie, de l’ambassade à Tel Aviv et du Consulat général de Belgique à Jérusalem. Le PTB et Ecolo proposent tous deux une interdiction pure et simple de tout investissement dans les colonies. Ecolo ajoute que ces investissements doivent être interdits, même s’ils sont indirects. Le PTB souligne, quant à lui, la nécessité de commencer par le désinvestissement par Dexia s.a. de sa filiale israélienne impliquée dans le développement des colonies.
La quatrième proposition portait sur l’exclusion des entreprises implantées dans les colonies israéliennes des marchés publics et des appels d’offres. Le MR répond qu’il entend respecter en cela les positions prises au niveau de l’UE. Or de telles positions européennes n’existent pas encore. Seules les Lignes directrices se rapprochent d’une telle mesure mais ne concernent que les subventions, prix et instruments financiers financés par l’UE. Pour les autres partis, il semble clair que les marchés publics ne peuvent contrevenir au droit international et aux droits humains ou aller à l’encontre des efforts de paix. Le PTB est seul à souligner que le problème dépasse la seule colonisation et que c’est l’implication d’une entreprise dans son ensemble qui doit être visée.
Cinquième question posée : « Etes-vous prêts à dissuader les citoyens belges et européens d’acquérir des biens immobiliers dans les colonies israéliennes ? ». A nouveau, les réponses sont unanimement positives mais avec de nettes différences quant à la mise en œuvre concrète d’une telle mesure. Le MR répond « oui » mais note que « dissuader n’est pas chose aisée » et que « chacun est encore libre d’opérer les choix qu’il souhaite ». Le PTB, à l’inverse, utilise le terme « décourager » et envisage une interdiction légale. Le PS se veut plus pragmatique en insistant sur l’impossibilité de garantir des biens immobiliers situés dans des municipalités israéliennes au-delà des frontières d’avant-1967.
Tous les partis s’accordent également sur la nécessité d’informer les voyagistes afin d’éviter toute forme de soutien à des entreprises et à des sites touristiques dans des colonies. Le PS propose des mesures concrètes d’avis de voyage sur le site du SPF Affaires étrangères, du Consulat général à Jérusalem et de l’ambassade à Tel Aviv. Le MR avance à nouveau que la mesure doit être prise au niveau européen.
Faut-il veiller à ce qu’une organisation qui transfère des fonds destinés à renforcer et à étendre la colonisation ne puisse bénéficier d’une quelconque exemption fiscale ? Ecolo, PS, PTB et CDH répondent par l’affirmative : il faut, selon eux, exclure ce genre d’organisation de toute possibilité d’exemption fiscale. Le PS suggère qu’une initiative allant dans ce sens pourrait être prise au niveau européen puisqu’elle irait dans le prolongement de l’esprit des Lignes directrices de juillet 2013. Le PTB inscrirait la mesure dans sa politique de lutte contre la fraude fiscale et le contrôle des flux financiers. Le MR prétend, quant à lui, que la mesure est impossible à mettre en œuvre. Pourtant, comme souligné dans le rapport « La paix au rabais » (FIDH et alii, octobre 2012), la Norvège a déjà appliqué une telle mesure pour Karmel-instituttet, une organisation norvégienne de collecte de dons pour les colonies israéliennes. L’examen de ce cas pourrait d’ailleurs orienter et soutenir la mise en place d’une telle mesure.
Tous les partis dénoncent l’impunité dont jouissent encore aujourd’hui les colons responsables de violences envers les Palestiniens. Ce n’est pas la volonté de lutter contre cette impunité qui semble manquer, mais plutôt des propositions d’initiatives concrètes. Sont entre autres citées les mesures suivantes : exercer des pressions diplomatiques, porter le débat au sein de l’UE pour garantir plus efficacement les droits des Palestiniens… Il s’agira donc de réfléchir ensemble à d’autres mesures concrètes susceptibles d’avoir un impact sur cette situation d’impunité.
Les partis sont-ils prêts à s’opposer à tout rehaussement des accords bilatéraux, belges ou européens, avec Israël tant que ce dernier ne respecte pas ses obligations internationales ? Une même réponse dans le chef de tous les partis : oui. Mais les argumentations des uns et des autres divergent quant aux conditions d’une éventuelle reprise du rehaussement. Ecolo le lie au respect du droit international, le CDH à l’application de la position européenne visant à l’établissement de deux Etats, le PS à des progrès dans le processus de paix. Le MR relève, pour sa part, que le gel du rehaussement ne doit en rien signifier la réduction des relations bilatérales entre la Belgique et Israël. De son côté, le PTB préconise la suspension ou la suppression de l’accord d’association UE-Israël du fait que celui-ci n’en respecte pas la clause majeure relative aux droits humains. Le PTB et le CDH sont les seuls à évoquer un gel au niveau belge (qui était en effet mentionné dans la question).
Enfin, la dernière proposition portait sur la nécessité de prendre les dispositions réglementaires et pratiques nécessaires pour arrêter le commerce et le transit d’armes, de matériel militaire ou de sécurité entre les Régions wallonne et bruxelloise et l’Etat d’Israël. Le MR répond laconiquement « non ». Ecolo demande en revanche un embargo généralisé sur les armes pour l’ensemble du Moyen-Orient. Le PTB, le PS et le CDH soulignent qu’une application correcte du droit en vigueur permettrait de mettre un terme aux exportations, importations et transits d’armes entre les Régions wallonne et bruxelloise et Israël. Pour aller au bout de la question, il faudrait de plus mentionner et souligner la nécessité d’une meilleure transparence de l’octroi de licence d’armes, de matériel militaire ou de sécurité.
A la lecture du panel de réponses à notre interpellation, une série de conclusions peuvent être tirées. Même s’il apparaît sur de nombreux points un consensus en matière de mesures à prendre entre les partis, celui-ci s’effrite quelque peu sur l’argumentaire ou la manière d’envisager la mise en œuvre de ces mesures. Il est par ailleurs clair que la faiblesse de certains arguments ou leur inadéquation trahit un manque de maîtrise du sujet. Ecolo cite les Lignes directrices de l’UE sur les colonies pour justifier un embargo sur les produits des colonies alors que celles-ci n’ont aucun effet en la matière. Le MR rejette, quant à lui, l’exclusion des organisations venant en soutien à la colonisation du bénéfice de l’exonération fiscale, arguant que c’est impossible à réaliser alors que cela a déjà été appliqué en Norvège.
Certaines tendances particulières transparaissent également dans les réponses des partis. Le CDH se base sur le droit international pour justifier la plupart de ses positions. Le MR préfère appuyer des actions au niveau européen, sans pour autant proposer de solutions en cas de blocage à ce niveau-là. Le PTB fait état de nombreux cas précis, tels Dexia et G4S et montre une volonté d’agir concrètement ; de plus, il entend œuvrer avec les mouvements sociaux pour dépasser les éventuels blocages au niveau politique. Ecolo, quant à lui, fait preuve de beaucoup de détermination mais avance peu de précisions quant à la mise en œuvre pratique de ses positions. Le PS est précis sur les mécanismes à actionner même s’il manque parfois de fermeté. Le bilan global est néanmoins positif et permet d’identifier de nombreuses pistes d’action à privilégier lors de la prochaine législature, tant au niveau européen, fédéral que régional.
[1] Ont été contactés les principaux partis démocratiques (CDH, Ecolo, FDF, MR, PS, PTB). Nous n’avons pas reçu de réponse du FDF. L’intégralité des réponses peut être consultée sur la page #Vote4Palestine du site de l’ABP !