Opinion de Rania Muhareb: “Un état d’apartheid : Le point de vue d’Amnesty sur la Palestine”

Opinion : un rapport d’Amnesty International indique que les autorités israéliennes doivent être tenues responsables du crime d’apartheid contre les Palestiniens

Amnesty International a publié un nouveau rapport qui conclut que les autorités israéliennes commettent le crime d’apartheid contre le peuple palestinien, où qu’elles résident. Le rapport constate que ce système n’est pas apparu récemment, mais a été mis en place en 1948 par le biais du nettoyage ethnique des Palestiniens.

L’apartheid est interdit en tant que forme grave de discrimination raciale et crime contre l’humanité par le droit international. Le rapport d’Amnesty International n’est pas une comparaison avec l’ancien régime d’apartheid en Afrique du Sud et en Namibie, mais une évaluation indépendante des lois, politiques et pratiques israéliennes visant le peuple palestinien. Selon le rapport, ces lois, politiques et pratiques constituent un crime d’apartheid au sens de la Convention sur l’apartheid de 1973 et du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) de 1998.

Le rapport d’Amnesty marque une avancée dans la lutte contre les causes profondes du déni systématique des droits des Palestiniens, qui dure depuis des décennies. L’organisation présente plus de 30 études de cas, offrant des aperçus douloureux de la vie que les Palestiniens doivent mener pour maintenir leur unité familiale, résister à la dépossession, préserver leurs moyens de subsistance et accéder aux soins de santé, à l’éducation et aux autres droits humains. “L’intention”, dit le rapport à propos de ce système d’apartheid, “est d’assurer la domination juive israélienne sur les Palestiniens et leur oppression dans toutes les zones sous le contrôle d’Israël.”

Ce qui est significatif dans ce rapport, c’est qu’il signale un changement dans la politique des droits de l’homme à long terme à l’égard de la Palestine, d’une politique centrée sur l’occupation israélienne depuis 1967 à une politique englobant le peuple palestinien dans son ensemble. Cela inclut les réfugiés palestiniens, qui figurent en bonne place dans l’analyse d’Amnesty, et dont Israël nie le droit au retour dans leurs foyers, leurs terres et leurs biens depuis 1948.

Le rapport montre qu’Israël a mené une politique de “judaïsation” pour maintenir sa domination. Cette politique a entraîné l’expropriation massive de terres palestiniennes pour l’implantation exclusive de colonies juives, et a imposé un régime militaire aux Palestiniens pendant la majeure partie des 73 dernières années : à la fois sur les citoyens palestiniens d’Israël (à l’intérieur de la ligne verte de l’armistice de 1949) de 1948 à 1966, et sur le territoire palestinien occupé depuis 1967.

Amnesty International n’est pas la première organisation de défense des droits de l’homme à qualifier le traitement du peuple palestinien d’apartheid. Comme le reconnaît le rapport, “les Palestiniens plaident depuis plus de deux décennies pour que le régime israélien soit considéré comme un apartheid”. À l’heure où la société civile palestinienne continue de faire l’objet d’attaques importantes, Amnesty s’appuie sur ce travail et vise à soutenir les organisations palestiniennes de défense des droits humains, y compris celles qui ont récemment été criminalisées comme “organisations terroristes” par les autorités d’occupation israéliennes.

Le rapport d’Amnesty diffère de celui de Human Rights Watch et des organisations israéliennes Yesh Din et B’Tselem en ce qu’il s’écarte du concept territorial de l’apartheid israélien. Au lieu de s’intéresser à un emplacement géographique spécifique au sein de la Palestine historique, il se concentre sur les expériences vécues par le peuple palestinien et sa fragmentation par Israël. C’est l’analyse proposée par Richard Falk et Virginia Tilley dans un rapport publié en 2017 par la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale, et approuvée par la société civile palestinienne et régionale.

Amnesty formule des recommandations fermes en faveur de l’obligation de rendre des comptes et de mesures efficaces. Le rapport appelle les États à juger les auteurs du crime d’apartheid devant leurs tribunaux, à suspendre la vente ou le transfert d’armes à Israël et à interdire l’importation de produits issus de la colonisation illégale. Ces recommandations, ainsi que l’appel lancé aux entreprises pour qu’elles veillent à ne pas être complices de l’apartheid israélien, revêtent une importance particulière en Irlande, où l’adoption du projet de loi sur les territoires occupés contribuerait grandement à lutter contre l’impunité israélienne.

Le rapport demande également à la CPI d’examiner le crime d’apartheid dans le cadre de son enquête en cours en Palestine. Toutefois, il reconnaît que l’enquête actuelle de la CPI est géographiquement limitée au territoire palestinien occupé et recommande au Conseil de sécurité des Nations unies de saisir la CPI de l’ensemble de la situation (des deux côtés de la ligne verte) ou de créer ” un tribunal international pour juger les auteurs présumés “. Amnesty International exhorte en outre le Conseil de sécurité à imposer des sanctions ciblées contre les responsables israéliens et un embargo complet sur les armes à destination d’Israël.

Le rapport d’Amnesty apporte des contributions importantes à la politique des droits de l’homme en Palestine. Dans certains domaines, cependant, il n’est pas à la hauteur des précédents rapports internationaux et israéliens sur la question. Notamment, il ne reconnaît pas le droit collectif du peuple palestinien à l’autodétermination. Un autre défi connexe, qui n’a pas non plus été abordé par Human Rights Watch ou les organisations israéliennes, est l’incapacité à reconnaître le colonialisme de peuplement sioniste comme la logique sous-jacente de l’apartheid israélien.

Patrick Wolfe explique qu’il s’agit de la “logique d’élimination” du colonialisme de peuplement, qui consiste à déplacer et à remplacer les peuples autochtones sur la terre. Des universitaires palestiniens, tels que Lana Tatour, ont montré pourquoi l’analyse de l’apartheid ne peut être dissociée du contexte colonial de peuplement qui la soutient. Amnesty International et Human Rights Watch soulignent le rôle des institutions sionistes, telles que le Fonds national juif, dans l’acquisition de terres et de propriétés palestiniennes en vue d’une colonisation juive exclusive. Cependant, ni l’une ni l’autre n’abordent le rôle de l’idéologie sioniste dans la conduite du projet colonial israélien.

Article de Rania Muhareb original sur le site de RTé

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Top