Bulletin 79
France
Antisémitisme = antisionisme ? Telle est la question qui agite la France depuis quelques jours. En cause, une indéniable recrudescence des actes antisémites dans l’Hexagone – la profanation, entre autres, d’un cimetière juif en Alsace mi-février– mais également la mise au pilori d’Alain Finkielkraut par des Gilets jaunes à Paris en marge d’une manifestation. Les insultes que Finkielkraut a subies, aussi détestable soit le personnage, sont à condamner sans aucune forme d’ambiguïté, car le terme « sioniste » proféré par un pseudo-manifestant, a la même résonance que lorsque Soral l’utilise. Condamner, oui. Radicalement. Mais ce qui est tout aussi condamnable est l’instrumentalisation faite par l’État français de cet antisémitisme ambiant. En témoignent les propos de l’empereur Emmanuel Macron, mi-février, lors du dîner du CRIF à Paris lors duquel le Français réaffirmait que l’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme. Ineptie ! De nombreuses personnes ont déjà démontré l’absurdité des propos du président français. Parmi eux, le traducteur, entre autres, des œuvres de Dostoïevski, André Markowicz qui nous rappelle, dans un excellent billet sur le site lautrequotidien.fr, que le sionisme, c’est la colonisation, le racisme, la Nakba, le mépris du yiddish. Face à une criminalisation croissante de la solidarité avec le peuple palestinien, le mouvement BDS reste l’un des outils qui, à terme, pourra faire chuter le régime d’apartheid israélien.
Israël
Cette année, l’Etat israélien accueillera la 64eédition du concours Eurovision de la chanson. Comme lors d’autres événements culturels, les organisateurs de la manifestation ont décidé de reléguer au second plan les questions relatives aux droits de l’Homme en Israël et en Palestine occupée. Dès septembre 2018, 140 artistes, dont Ken Loach et Roger Waters, signaient une tribune appelant à boycotter l’édition 2019 de la compétition. Depuis, dans de nombreux pays, les militants BDS s’organisent pour empêcher l’utilisation du concours de chant à des fins propagandistes. Fin janvier, ce sont des organisations de libération Queers et Trans issues d’une vingtaine de pays qui ont appelé la communauté LGBTQIA à s’opposer inconditionnellement à la tenue de l’Eurovision en terre d’apartheid. Les militants, mettant en exergue la honteuse stratégie israélienne de Pinkwashing, appellent également au boycott de la Pride de TelAviv. (Lire l’article sur la campagne page xx)
Irlande
Dans le sillage du Seanad Éireann (la chambre haute de l’Etat d’Irlande), le Dáil Éireann (la chambre basse) a adopté un projet de loi rendant illégal le commerce des produits issus des colonies israéliennes. Cependant, le texte doit encore subir un débat supplémentaire avant d’être adopté. Ce projet, s’il était définitivement adopté, marquerait une première étape vers le boycott global des produits israéliens.
États-Unis
Aux pays des droits de l’Homme, un consensus politique bipartisan est d’usage : l’interdiction de critiquer la politique israélienne et, de manière plus générale, la politique de n’importe quel Etat allié. En témoigne le soutien inconditionnel à de nombreuses dictatures passées, présentes et sans aucun doute, à venir. Dès lors, rien de surprenant à ce que, le 5 février dernier, le Sénat ait adopté une loi anti-boycott. Ce texte, proposé par le sénateur républicain Marco Rubio, s’inscrit dans le cadre d’un projet de loi plus large concernant le Moyen-Orient : nonobstant la facette anti-boycott permettant à un gouvernement local de rompre tout lien avec une entité affiliée au mouvement BDS, cette loi autorise, entre autres, les transferts d’armes à Israël. Rien de nouveau, rien de bien surprenant : les États-Unis restent la puissance impérialiste qu’ils ont toujours été. Cependant, du côté démocrate, une rupture semble se dessiner, puisque près de la moitié des élus du parti au Sénat ont refusé de voter ce texte. Détail interpellant: les sénateurs les plus en verve contre ce texte liberticide, Bernie Sanders et Dianne Feinstein, sont tous deux de confession juive, gênant quelque peu le traditionnel amalgame assimilant le boycott d’Israël à de l’antisémitisme. À la chambre, si la vieille garde démocrate plie toujours l’échine devant l’État colonisateur, deux femmes démocrates fraîchement élues, à savoir Rashida Tlaib (d’origine palestinienne) et Ilhan Omar, ont annoncé qu’elles s’opposeront à ce texte de loi lorsqu’il sera présenté.