Même les animaux sont divisés par le Mur israélien et les menaces de l’occupant sur l’environnement local
Nous le savons, le «Mur de séparation» israélien à travers la Cisjordanie occupée sépare les êtres humains. Ce qui est moins connu, c’est qu’il divise également d’anciens corridors écologiques. Le Mur a un effet dévastateur sur l’environnement et la population de mammifères terrestres.
Coupant à travers le paysage, le Mur est constitué de centaines de kilomètres de béton et de clôtures métalliques, atteignant parfois trois mètres de profondeur et huit mètres de haut. Les Israéliens l’appellent “barrière de sécurité”; certains Palestiniens disent «Mur de l’apartheid».
Le Mur est pratiquement impénétrable et ne peut être franchi qu’à des points de contrôle militaires sévèrement gardés. En cela, il a atteint son but principal de redéfinition des rapports humains en séparant Israéliens et Palestiniens.
Cependant, le Mur ne joue pas un rôle crucial que dans la ségrégation des êtres humains. Pensons aux plus petites espèces d’animaux non humains, celles sans agenda politique. Ces animaux qui vivaient autrefois en liberté à travers les paysages de la Cisjordanie sont désormais également confinés de part et d’autre de la barrière.
Les animaux parcouraient ces terres depuis des millénaires, migrant au fil des saisons et dispersant des graines de plantes tout au long de leur parcours, assurant ainsi la vitalité d’anciens corridors écologiques. Depuis que les Israéliens ont commencé à construire le Mur en 2000, ces routes migratoires ont été perturbées et coupées brutalement, privant les animaux de leurs lieux d’alimentation et de reproduction. Causant des dégâts environnementaux et amenant plusieurs espèces au bord de l’extinction, l’occupation et le Mur israéliens sont les deux plus grandes menaces pour les animaux et l’environnement en Cisjordanie.
Obstacle à la migration
Le Mur suit un corridor écologique allant des monts de Judée au sud aux monts Sumériens au nord, créant ainsi une barrière est-ouest. La forme de la barrière qui serpente autour du territoire palestinien occupé constitue également un obstacle à la migration nord-sud, ce qui nuit aussi au rôle des collines en tant que passage écologique pour les animaux.
Selon l’écologiste israélien Ron Frumkin, cette séparation est l’un des principaux problèmes auxquels les animaux et l’environnement sont confrontés aujourd’hui, là où le Mur est lui-même une barrière écologique. «L’impact principal concerne les animaux qui ont besoin de se déplacer entre différents territoires, tels que leurs sites d’alimentation ou leurs sites de nidification, en particulier les gros animaux, mais qui ne peuvent plus passer. Je pense aux mammifères en particulier, et plus ils sont grands plus ils sont vulnérables. ”
Ces barrières créent de petites poches de micro-populations d’animaux. Frumkin décrit comment le Mur peut avoir des effets dévastateurs sur les populations animales lorsqu’elles se reproduisent en raison de leur séparation de populations plus importantes. «[Le Mur] fait que de trop petites populations d’animaux restent de chaque côté de la clôture. Plus la population est petite, moins elle est en bonne santé, plus elle est vulnérable à l’extinction en raison de la consanguinité. ”
Le directeur de la Société palestinienne de la faune, Imad Atrash, a déclaré que le Mur affectait la vie animale au-delà de la destruction évidente du paysage, de la végétation et des habitats. «En ce qui concerne l’élevage, lors de la construction du Mur, des mâles et des femelles se sont trouvé séparés de part et d’autre», a-t-il souligné. Ceci rend évidemment leur population moins durable.
Dans un rapport remis à l’Autorité palestinienne en 2010 sur l’impact de l’annexion de terres par Israël et l’extension du Mur sur l’environnement palestinien, la Société a identifié 16 espèces animales menacées d’extinction en raison directe de la barrière. «Des animaux comme le renard roux et les gazelles, les loups et les taupes», explique Atrash. «Même certains oiseaux, comme le courlis, la perdrix choukar et toutes les espèces d’alouettes. Ils sont tous menacés de disparition. ”
Déforestation illégale
La séparation par le mur, cependant, n’est pas le seul aspect de l’occupation israélienne qui affecte la biodiversité indigène. La poursuite de la construction de colonies de peuplement et d’infrastructures routières entraîne toutes de graves restrictions sur les déplacements des animaux, ce qui amène de nombreuses espèces de la flore et de la faune locales au bord de l’extinction.
Le nombre de gazelles de montagne palestiniennes, par exemple, a considérablement diminué au cours des 15 dernières années ; il n’en reste plus que 2 000 à l’état sauvage. Ceci est directement attribué à la perte d’habitat due à la construction, à la prédation et aux collisions avec des voitures.
«La flore et la faune en Palestine sont menacées non seulement à cause du mur de séparation, mais aussi des routes de contournement et des colonies israéliennes», note Atrash. “Nous pouvons replanter la zone autour du mur pour maintenir l’habitat et la végétation comme avant, mais c’est à long terme et ce n’est pas facile lorsque les Israéliens ne se préoccupent de considérations environnementales que pour Israël, et pas pour la Cisjordanie.”
Il accuse le gouvernement israélien de déforestation illégale lorsqu’il construit des colonies de peuplement et l’infrastructure d’occupation. «[Les Israéliens] ont brûlé des forêts entre Bethléem et Jérusalem et ils ont construit des colonies de peuplement, car ils ne sont pas autorisés à abattre des arbres en Israël. Mais ici, ils brûlent nos parcs nationaux.
La déforestation pour dégager des terres pour la colonie juive de Har Homa (Jabal Abu Ghneim en arabe), située entre Jérusalem et Beit Sahour, a entraîné la destruction d’une population de cigognes indigènes. «Les oiseaux restants, dit Atrash, ne vivent plus qu’entre les maisons de Beit Sahour car leur habitat naturel et leur voie de migration ont été détruits.»
Il y a cependant de l’espoir pour les espèces animales plus petites qui doivent franchir la barrière de béton. Dans plusieurs parties du mur, Israël a autorisé l’ouverture de passages en zigzag permettant aux animaux de passer.
«L’idée était qu’une fois la barrière créée, vous vous assuriez que toutes les centaines de mètres environ, vous fournissiez des endroits où les mammifères de petite et moyenne taille pouvaient passer», explique Frumkin. “Évidemment, c’est quelque chose que vous devez prévoir de manière à ce qu’un renard puisse passer, mais pas un enfant ou une personne mince.”
Le problème avec de tels passages, affirme Atrash, est que les plus gros animaux sont laissés pour compte. «Tout ce qui est plus gros qu’un lièvre ou un lapin est menacé. Les gazelles, hyènes, porcs-épics : tous sont menacés à cause d’Israël. Les Israéliens ne se soucient pas du monde naturel en Palestine. »
La solution est loin d’être simple. Tant Atrash que Frumkin sont pessimistes quant à l’avenir de nombreuses populations de mammifères locales et à l’impact ultérieur sur l’environnement.
«Certains animaux pourraient bien faire face à une extinction locale», conclut Frumkin. “Je ne dirais pas une extinction globale mais, localement, certaines risquent de disparaître. La solution consiste évidemment à supprimer la clôture et à instaurer la paix. ”
Il croit que tout est une question de politique. «Si la situation politique s’améliorait, même si la paix régnait, cela ne voudrait pas dire que la situation ou le statut de la faune seraient bien meilleurs. Cela pourrait être pire à certains égards, car la paix signifierait bien plus de développement. Quoi qu’il en soit, ce n’est guère encourageant. »
«Nous n’avons qu’un environnement à partager et nous devons en assumer la responsabilité. Des deux côtés. »
Traduction : Thierry Bingen
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