bulletin 89 : conseils de lecture

Par Michel Brouyaux

Une pierre dans le cœur.

Yanne Dimay, Éditions Riveneuve, 2021, 456 pages.

Yanne Dimay est romancière et scénariste, engagée dans la promotion de la culture de la paix à travers lécriture.

Partie pour assister à la prise de voile de sa nièce dans un couvent de bénédictines à Abou Gosh en Israël, Marianne, professeur de Lettres, découvre, sidérée, les checkpoints, l’apartheid, l’agressivité des soldats et des colons, l’humiliation quotidienne des Palestiniens, bref, les réalités d’une situation dont elle n’avait qu’une très vague idée.

Au même moment, Alice, jeune étudiante, Palestinienne par son père et Belge par sa mère, décide de quitter sa vie confortable à Bruxelles pour venir en aide aux enfants des camps en Palestine. Après avoir longtemps rejeté son identité arabe, « Au fond de son  cœur , une pierre s’est posée. Une de celles que les enfants et les jeunes jettent sur les soldats israéliens. Un bout de cette terre qui leur est volée chaque jour. » Désormais, elle veut faire sa part.

Les récits croisés de leurs découvertes occupent la plus grande partie du roman, qui se conclura par leur rencontre dans un moment d’une extrême tension dramatique.

Marianne, invitée par d’anciens voisins parisiens installés récemment en Israël, aura constaté avec stupéfaction leur fanatisme anti-arabe. Elle aura aussi croisé une Israélienne, embrigadée chez les ultra-orthodoxes, qui cherche à se dépêtrer de leur piège diabolique.

Alice, de son côté, aura découvert la dure réalité vécue par les réfugiés au camp de Balata à Naplouse, de même que les rêves des jeunes Palestiniens de son âge.

Un des mérites du roman est de donner la parole à de multiples acteurs, d’autant plus que Yanne Dimay s’inspire d’événements qu’elle a elle-même vécus : l’auteure, comme Marianne, a créé des ateliers d’écriture en français dans quatre universités, tant à Gaza qu’en Cisjordanie.

« J’étais venue en touriste (…). Comme je m’éloigne de celle que j’étais il y a à peine dix jours ! »

Le palais des deux collines

Karim Kattan, Éditions Elyzad, 2021, 272 pages

Karim Kattan est un écrivain palestinien, né à Jérusalem. Il est docteur en littérature comparée. Il écrit en anglais et en français. Ses textes (fiction et non-fiction) en anglais sont parus dans de nombreuses publications dont The Paris Review, Strange Horizons, The Maine Review, The Funambulist, +972 Magazine.

Faysal, jeune Palestinien vivant en Europe, reçoit un faire-part du décès d’une tante et décide de retourner en Palestine après dix ans d’exil.

Le voici de retour à Jabalayn, son village natal entre deux collines, où il revit, entre rêves et réalité, les souvenirs et les secrets de famille des gens du « palais », une grande maison construite par son grand-père, qui était un notable local.

La tension est constante, créée par la menace que constitue l’avancée inexorable des colons, organisés en Forces Armées de Judée-Samarie, une milice concurrente de l’armée israélienne.

Les colons sont fous, et c’est pour ça qu’ils gagnent.

Après le décès des siens, Nawal, la grand-mère du narrateur, est restée seule à garder la maison, s’acharnant à la tenir prête pour le retour, rêvé peut-être, des êtres de fiction que seraient les Palestiniens. Nawal incarne, à sa manière, la résistance. En même temps et au fond, elle est la mauvaise conscience de Faysal, partagé entre sa vie de petit pacha en Europe et l’amour qu’il redécouvre pour sa terre palestinienne malgré ses années d’exil qui l’en avaient, croyait-il, définitivement éloigné.

Combien de temps encore avant notre éradication ? se demande-t-il. Serons-nous les seuls restés, les derniers, ma grand-mère et moi ?

Faysal mettra plusieurs jours à comprendre qu’abandonner la maison qui va à sa ruine ne l’amènera qu’à une longue vie capitulée.

Un très beau premier roman d’un jeune auteur palestinien, né à Jérusalem en 1989.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Top