Bulletin 51, mars 2012
Nous l’avons vu dans les précédents numéros, l’Accord d’association régit les relations contractuelles entre l’UE et Israël. Il vient remplacer l’accord de libéralisation conclu en 1975 et prévoit, entre autres, l’intensification du commerce des biens et services. Une série d’accords spécifiques ont été ou sont en passe d’être adoptés afin de répondre à cet objectif. Mais que représentent actuellement les échanges commerciaux entre l’UE et Israël ? Des sanctions commerciales seraient-elles efficaces ? Finalement, comment justifier le recours aux sanctions en s’appuyant sur le droit primaire de l’Union européenne ? Eléments de réponse.
Données sur les échanges commerciaux[1]
- Perspective européenne.Les importations de produits israéliens représentent moins d’un pourcent des importations totales[2] de l’Union européenne, ce qui relègue Israël à la 26e position sur la liste de ses partenaires. Du côté des exportations, Israël occupe la 23e place des pays partenaires (1,1% des exportations de l’UE en 2010), derrière la Corée du Sud, les Emirats Arabes Unis ou l’Egypte par exemple.
Malgré une croissance des importations de 2,7% et des exportations de 0,9% ces quatre dernières années, Israël reste donc un partenaire mineur de l’UE.
- Perspective israélienne.A l’inverse, l’UE est un partenaire bien plus important pour Israël: un tiers des produits qu’il importe sont d’origine européenne et environ un quart des produits qu’il exporte se retrouve sur les marchés européens (26,6% en 2010). Les données statistiques montrent que l’UE est le premier partenaire commercial d’Israël en termes de produits importés, avec une croissance de 1,9% entre 2006 et 2010 et le second partenaire le plus important en termes de débouchés pour les produits israéliens (après les Etats-Unis, avec une croissance de 2,3% sur la même période). Toutes données commerciales confondues, l’UE est le premier partenaire commercial d’Israël.
- Les trois secteurs les plus importants dans lesquels se réalisent les échanges commerciaux (importations et exportations) sont ceux des machines, appareils mécaniques et équipements électroniques; des perles et des pierres précieuses ou semi-précieuses;et des véhicules, avions, navires et autres engins de transport.
En ce qui concerne les produits agricoles, les fruits et légumes israéliens représentent 0,9% des importations totales de l’UE (les données plus précises sur ce qui provient respectivement des colonies ou d’Israël ne sont pas disponibles) et 1,3% de ses exportations.
Seulement 0,8% des échanges entre l’UE et Israël se rapporte au secteur des armes, munitions et autres accessoires. Néanmoins, 8,5% des importations totales de l’UE dans ce secteur proviennent d’Israël. Les exportations européennes sont moins importantes : 0,1% des échanges avec Israël sont concernés, ce qui ne représente que 0,8% des exportations totales de l’UE.
Si l’on observe les données statistiques, il est évident que les échanges commerciaux sont caractérisés par une asymétrie et que l’Union européenne, pourrait, à priori, facilement se passer d’Israël. A l’inverse, Israël est dépendant du marché interne, ce qui offre à l’UE un outil potentiel de pression. Cependant, il n’est pas rare que des officiels européens qualifient Israël de « partenaire indispensable ». Ceci nous renvoie à l’article paru dans le numéro précédent sur les performances d’Israël en recherche et développement. Au-delà des données économiques brutes sur le volume des échanges, il convient donc de s’intéresser à leur valeur ajoutée. Dans le domaine des technologies de pointe, la domination israélienne est établie et par conséquent, tend à renverser la relation de dépendance. Cependant, il faut rappeler que l’Union européenne, en associant Israël à ses programmes de recherche, a contribué à créer cette situation dont elle peut donc, en faisant les choix politiques nécessaires, se sortir.
Du côté israélien, afin de réduire la vulnérabilité induite par l’asymétrie, le gouvernement renforce ses relations commerciales avec des partenaires situés en dehors de l’Union européenne : les exportations israéliennes vers l’UE ont certes connu une croissance de 2,3% ces quatre dernières années, mais cette croissance s’est montée à 4,2% pour ses exportations avec le reste du monde.
Le traité de Lisbonne
L’UE a inscrit l’obligation de cohérence dans le Traité de Lisbonne qui stipule que l’Union « veille à la cohérence entre les différents domaines de son action extérieure et entre ceux-ci et ses autres politiques ». Cela concerne donc évidemment sa politique commerciale. Il semblerait dès lors inconcevable que la politique économique ou commerciale de l’UE l’emporte sur le respect des droits de l’homme et du droit international et des positions politiques de l’UE qui en découlent.
Et pourtant, au lieu de conditionner ses accords de libre-échange avec Israël à des avancées dans le processus de paix, l’UE négocie, dans le cadre de l’Accord d’association, des mesures qui vont libéraliser davantage leurs échanges (accord de libéralisation sur l’agriculture et la pêche, en 2009), rapprochement des législations (ACAA, en cours), échange des données personnelles des consommateurs (février 2011) et différents programmes de jumelage visant à faciliter l’introduction de l’acquis communautaire par Israël.
En conclusion, Israël est tributaire, pour au moins un quart de ses exportations, de l’UE. Les sanctions commerciales constituent donc un outil de pression efficace mais devraient s’inscrire dans une politique de sanctions globale. Elles sont dûment justifiées, non seulement par le droit international mais également par les dispositions adoptées par l’UE elle-même. Encore une fois, ce qui est en jeu, c’est la cohérence même de l’UE et son aptitude à se positionner en tant qu’acteur politique réellement influent en dépassant sa politique simplement déclaratoire qu’elle s’évertue pourtant à renforcer par l’adoption de nouveaux instruments venant s’ajouter aux déclarations, positions, résolutions, dispositions, documents de référence,… adoptés. En inscrivant dans ses Traités l’obligation de cohérence, tout en poursuivant des politiques en contradiction manifeste avec celle-ci, l’UE se décrédibilise à la fois auprès des citoyens européens dont elle prétend vouloir être proche et des sociétés civiles de l’autre côté de la Méditerranée qu’elle prétend soutenir dans leur lutte pour plus de justice et de démocratie.
Katarzyna Lemanska
[1] Toutes les données proviennent de la Commission européenne et sont disponibles sur http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2006/september/tradoc_113402.pdf
[2] Les données « totales » portent sur les échanges de l’UE avec le reste du monde. Les données d’échanges intra-UE sont exclues.