Les demandeurs d’asile palestiniens s’organisent

Politique générale d’accueil

On sait que, depuis 2015, Théo Franken, le Secrétaire d’État à l’Asile et  à la Migration, a tout fait pour réduire le nombre de refugiés, allant jusqu’à renvoyer des demandeurs d’asile en danger de mort dans leur pays. On se souviendra qu’il avait demandé aux autorités soudanaises (une dictature) d’identifier des migrants au Parc Maximilien et que ceux qui avaient été renvoyés au Soudan y avaient été emprisonnés et torturés. En 2017, Jambon et Franken avaient aussi signé avec l’Irak une déclaration d’intention en matière d’asile et de coopération policière. Dont le résultat a été le rapatriement forcé de demandeurs d’asile dans un pays toujours en guerre civile où les attentats sont quotidiens et l’insécurité permanente. On rappellera aussi sa propagande pour dissuader des ressortissants de différentes nationalités de venir en Belgique. Et la liste est longue des gens dont le statut de réfugié a été et est refusé en dépit des conditions qui prévalent dans leur pays.


Et pour les Palestiniens ?

Maggie De Block, qui a succédé à Théo Franken, prétend remettre de l’ordre dans le système d’asile. Tout en poursuivant les mêmes objectifs.

Elle a particulièrement ciblé les Palestiniens de Gaza. En 2018, sous son égide, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) a adapté ses lignes directrices et examine les dossiers au cas par cas alors qu’auparavant, les demandes d’asile des ressortissants de Gaza étaient généralement acceptées. Allant plus loin, elle a demandé à revoir le statut des réfugiés de Gaza. Qui pourraient dès lors être renvoyés malgré leur statut de réfugiés.
En 2019, elle a aussi mis sur pied une campagne de dissuasion en direction des Palestiniens et des Marocains, déclarant « “il vaut mieux prévenir que guérir en informant clairement les migrants que les chances d’asile sont très faibles et que la Belgique n’est pas le Pays de Cocagne.”
A quoi Philippe Hensmans, directeur d’Amnesty International Belgique,  a répondu avec pertinence : «Il est normal qu’il y ait plus de demandeurs d’asile qui viennent de Palestine, mais est-ce que la réponse est de leur dire que dans le fond, en Belgique, la situation n’est pas meilleure qu’en Palestine ? Allez faire un tour en Palestine et on verra la différence.”


Sur quoi se base le CGRA?

Première mise au point : pour juger de la situation prévalant dans un pays, une région, le CGRA se base sur les analyses du CEDOCA. Et le CEDOCA (Centre d’études, de documentation et de conférences annuelles) est le service de recherche du CGRA ! En un mot comme en cent, indépendance et objectivité douteuses. Curieusement ( ?), ce service se base sur des sources dont il n’est pas obligé de révéler les références, même aux avocats des réfugiés.

Deuxième mise au point : une équipe de juristes se charge de rédiger les attendus des refus. Quand le CGRA a décidé d’un refus, ces juristes sont très zélés et l’on remarque que, dans le cas des réfugiés de Gaza, leur argumentation est bien rôdée.
Si l’on examine le dernier rapport disponible sur le site du CEDOCA, on est frappé non seulement par le narratif mais encore par le choix des sources citées. Les ballons incendiaires sont mis sur le même pied que les bombardements et le rapport ne met en scène que le Hamas et Israël. Un exemple ? « Début mai 2019, une flambée de violence entre le Hamas et Israël entraîne la mort de quatre Israéliens et de 29 Palestiniens. » Une flambé de violence ? Jamais les mots d’occupation ou même de blocus ne sont mentionnés dans le rapport.

Relatant la mort d’un membre du Hamas chargé « de décourager les Palestiniens de s’approcher de la clôture » et tué « par erreur par les forces israéliennes alors qu’il exerce sa mission», le rapport ajoute : « l’homme était armé ». Pourquoi ? Pour justifier l’erreur ?
Quant aux conditions dans lesquelles vit la population, elles sont absentes. Les morts et les blessés sont bien signalés (sources OCHA) mais sans aucune mention du délitement des services hospitaliers ou de la qualité de civil des victimes. Pourquoi ? Parce que,  d’emblée, il est mentionné que « La situation humanitaire ne fait pas partie des sujets traités. » Dont acte.

Quand on examine les sources, il y a de quoi être sidéré : AUCUNE SOURCE PALESTINIENNE, sauf une fois le PCHR (Centre palestinien pour les droits de l’Homme) pour mentionner deux tués. La majorité des références sont israéliennes : Haaretz, Times of Israel, Ynet News, Jerusalem Post, Israel Hayom et surtout le Centre Meir Amit, autrement dit l’Intelligence and Terrorism Information Center, lié à l’armée israélienne et au Congrès juif américain et dont une des cibles principales est… les organisations « terroristes »palestiniennes !

Impressionnant d’objectivité, n’est-ce pas ?

Un dernier mot : la note politique ne figure pas sur le site du CGRA. Bizarre, vous avez dit « bizarre » ?
Mais soyons complets, même quand les rapports par pays du CEDOCA sont plus « objectifs », le CGRA n’y pêche que ce qui lui est utile pour justifier un refus d’asile.


Refus du statut de réfugié : arguments déployés par le CGRA

Suivant le demandeur d’asile, il y a des arguments liés à son récit et des arguments généraux.  Arguments liés à la personne : remise en cause de détails du récit, qui en invalide la véracité, retournement des situations contre le demandeur (un réfugié habitant un camp de réfugiés s’est vu traiter de riche parce qu’il habite avec sa famille une maison de deux étages et donc peut retourner à Gaza !), contestation des documents fournis ou demande de documents absurdes tels qu’une attestation de torture en prison, refus de prendre en considération la situation générale, etc.

Arguments généraux : l’UNRWA fournit aide et protection (l’UNRWA ne dispose plus d’assez de fonds et ses infrastructures sont régulièrement bombardées, écoles, hôpitaux et administration compris !) et le demandeur est sorti de sa sphère d’influence sans raison suffisante ; réfugié dans la bande de Gaza,  il n’a pas droit au statut de réfugié ici ; il est facile de retourner à Gaza, le Hamas n’exerce pas de représailles, la situation dans le Sinaï est stable ; la situation est parfois difficile mais ne justifie pas même la protection subsidiaire car ce n’est pas une guerre ( sic!) ; etc. Le tout étayé par des arguments juridiques.


Le mouvement des demandeurs d’asile palestiniens
[1]

Devant l’attente prolongée d’une entrevue ou d’une décision, devant le nombre de refus, les demandeurs d’asile palestiniens ont décidé de réagir et se sont organisés. La plupart d’entre eux ne comprennent pas la réaction de la Belgique : avec raison, ils se demandent comment on n’octroie pas de statut de réfugié à des gens sous occupation, sous blocus, bombardés, affamés, sans avenir, le plus souvent déjà une première fois refugiés (dans la bande de Gaza) et s’interrogent sur les motivations de la politique belge d’immigration.

Le mouvement a donc organisé des manifestations (dans les centres, devant le CGRA et devant le cabinet de Maggie De Block) et a eu une entrevue avec un représentant  du cabinet de Maggie De Block. Qui prétend qu’elle n’est pour rien dans le problème et qu’il faut s’adresser au CGRA.

Le sort des demandeurs d’asile en général est plus que difficile. Mais dans le durcissement contre les ressortissants palestiniens, ne faut-il pas voir la traduction d’une volonté politique ? Quoi qu’il en soit, l’ABP, avec d’autres associations, dont Palestina Solidariteit, la Plateforme Charleroi-Palestine, Intal, soutient les demandes légitimes du Mouvement des demandeurs d’asile palestiniens pour la défense de leurs droits.

Marianne Blume

[1] Voir sur FB : ‎حراك اللاجئين من أجل الحقوق والعدالة Palestinian Refugees Movement\ Belgium

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