Les autoroutes de l’annexion

Dans un rapport récent, l’ONG Breaking The Silence recensait 25 projets d’axes routiers en Cisjordanie destinés à renforcer la colonisation et à pérenniser le contrôle du territoire occupé. C’est le plus grand projet de développement d’infrastructures de transport depuis les années 1990.

L’objectif est clair : donner un nouveau souffle à l’expansion des colonies, qui ne peut se faire sans un développement parallèle des infrastructures. Or, depuis leur dernière grande vague d’expansion, le nombre de colons a été multiplié par trois. «  Pourtant, la croissance des infrastructures n’a pas triplé en conséquence, de sorte que les infrastructures routières et de transport actuelles en Cisjordanie sont à leur limite et ne suffisent plus à servir la population» peut-on lire dans le rapport.

Le projet est planifié sur 25 ans, avec pour objectif de parvenir à un million de colons d’ici 10 à 20 ans (contre 600 000 aujourd’hui). Début décembre, la ministre israélienne des Transports Miri Regev annonçait que des fonds étaient désormais débloqués pour quatre de ces chantiers. Elle s’est également félicitée du fait qu’Israël  « soit en train d’instaurer une annexion de facto».

Pensés dans le seul intérêt des Israéliens, ces travaux visent à renforcer la connexion entre les colonies et les principaux bassins d’emploi situés en Israël et à Jérusalem, sans lesquels elles ne seraient pas viables. Une partie substantielle de l’effort est consacrée aux routes de contournement des communautés palestiniennes, dans le but, notamment, de désenclaver les colonies isolées, souvent peuplées de radicaux. Ainsi, à l’achèvement des travaux, plus aucun colon (à l’exception de ceux établis au cœur de Hébron) ne devra traverser de zones palestiniennes.  Il s’agit aussi d’attirer au cœur du territoire palestinien occupé les communautés de colons ultra-orthodoxes à la démographie galopante, essentiels pour gagner la « bataille des berceaux », mais résidant majoritairement à la lisière de la « Ligne verte » (la frontière internationalement reconnue d’Israël-Palestine d’avant 1967).

Le développement de ces axes routiers aura pour conséquence de renforcer le morcellement des communautés palestiniennes en zones étanches, contribuant à entraver davantage leurs capacités de développement et leur mobilité.  Un nombre important de terrains privés palestiniens a d’ores et déjà été réquisitionné, et de nombreux champs, structures agricoles et arbres ont été détruits.

De fait, ces projets représentent un maillon essentiel à la consolidation de la logique d’apartheid. « [ils] contribue[nt] à cimenter la réalité d’un État avec des droits inégaux » s’alarment les auteurs, qui pressent la communauté internationale de réagir : « Tous ceux qui sont attachés à une solution équitable et pacifique du conflit israélo-palestinien devraient considérer ces projets comme une manifestation claire de l’intention d’Israël de faire progresser l’annexion.»

Breaking The SIlence, “Highway to Annexation –  Israeli Road and Transportation Infrastructure Development in the West Bank”, décembre 2020

 

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