BRUXELLES, 25 janvier 2011 – Le lobby pro-israélien cherche à accroître son influence parmi les membres des parlements d’Europe en leur offrant un voyage tous frais payés au Moyen-Orient.
Des brochures distribuées dans plusieurs assemblées élues invitent leurs représentants à prendre part à une visite en Israël et dans les territoires Palestiniens occupés, organisée par le groupe European Friends of Israel (EFI). Créé en 2006, l’EFI a émergé comme équivalent le plus proche en Europe du American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), le lobby pro-israélien le plus puissant à Washington.
Les brochures ne donnent aucun détail sur la façon dont la visite du 5 au 8 février est financée, autres que la demande de 300 euros (408 dollars), comme contribution de chaque membre du Parlement qui accepte l’invitation. La contribution, qui ne couvre qu’une fraction des coûts de la visite, est décrite comme “non obligatoire”.
Marek Siwiec, un membre polonais du Parlement européen (MEP), qui siège au conseil d’administration d’EFI, a déclaré que l’organisation a un «système de collecte de fonds, où l’argent provient du secteur privé.” Lorsqu’on leur a demandé de nommer ses principaux bailleurs de fonds, Siwiec a renvoyé IPS au bureau de l’organisation à Bruxelles.
Un porte-parole de ce bureau a indiqué qu’il ne pouvait divulguer de tels détails que s’il obtenait l’autorisation des eurodéputés membres du conseil d’administration de l’organisation.
Bien que le site Web du EFI donne aux Internautes des liens vers l’AIPAC et d’autres organisations similaires à Washington, le porte-parole a insisté qu’il ne reçoit aucun financement du lobby pro-israélien aux Etats-Unis. “Je vous promets que 100 pour cent qui non (nous ne recevons pas un tel financement) », dit-il. Jusqu’ici, cependant, EFI a refusé de dire comment elle est financée. Il ne s’est pas non plus inscrit au registre des « groupes d’intérêts » mis en place par la Commission européenne dans le cadre d’une initiative destinée à mettre en lumière la façon dont fonctionnent les groupes de pression.
La prochaine visite est promue comme la seconde “conférence politique” d’EFI. Elle débutera par un “dîner de gala” à Jérusalem, accueilli par Shimon Peres, le président israélien, comprend des excursions d’une journée au siège les entreprises de fabrication d’armes et de technologie, et se conclut avec un autre dîner de gala, auquel Benyamin Netanyahu, le Premier ministre israélien, a prévu d’assister. Cette visite coïncide aussi avec la conférence annuelle sur la sécurité d’Herzliya, qui attire habituellement les responsables militaires et politiques d’Israël, ainsi que des éminents invités venant de l’étranger.
D’autres excursions sur l’itinéraire incluent des visites dans les colonies israéliennes d’Ofra, de Kfar Adumim et de Gush Etzion en Cisjordanie occupée. Ces colonies sont officiellement considérées comme illégales par l’Union Européenne, puisqu’elles ont été construites en violation du droit international. La Quatrième Convention de Genève de 1949 interdit à une puissance occupante de transférer sa propre population civile dans la terre qu’elle occupe.
Les conjoints des élus ont été invités à joindre à la visite, à condition qu’ils/elles paient 300 euros chacun. Un vol aller-retour de Bruxelles à Tel Aviv sur El Al, compagnie aérienne nationale d’Israël, pour les dates en question coûte € 570.
Piet De Bruyn, un sénateur belge, a déclaré qu’il a décidé de prendre part à la visite, malgré qu’il soit critique vis-à-vis de l’occupation israélienne des terres palestiniennes. «Je suis curieux de savoir comment ce sera », dit-il. « Nous feront-ils un lavage de cerveau ou seront-ils plus subtiles? ».
De Bruyn a souligné qu’il participe à titre individuel, plutôt que comme un représentant du Sénat de son pays. Il serait particulièrement intéressé, dit-il, de voir comment la tournée des colonies israéliennes est présentée. «Je ne sais pas quel message nous sera donné, dit-il ».
Dans une conférence donnée dans la capitale libanaise Beyrouth en Novembre de l’année dernière, Daud Abdullah, du Middle East Monitor (MEMO) basé à Londres a fait remarquer qu’il ya eu une augmentation notoire de l’impact du lobby pro-Israël en Europe au cours de la dernière décennie. “Si l’influence du lobby israélien s’est manifestée dans les politiques des différents pays européens, elle a été encore plus apparente dans les politiques collectives de l’UE, a-t-il dit.
Abdullah a noté que plusieurs groupes pro-israéliens ont mis en place des bureaux des affaires européennes à Bruxelles et sont en contact régulier avec certains des plus hauts responsables des institutions de l’UE. Ces groupes comprennent le Comité juif américain, le Congrès juif européen et le B’nai B’rith. Un de leurs plus grandes réalisations à ce jour a été la décision prise par les ministres européens des Affaires étrangères en 2008 de « rehausser » leurs relations avec Israël en intégrant Israël dans le marché unique de l’Union pour les biens et services.
Le lobby pro-Israël avait lancé une campagne vigoureuse pour le « rehaussement » en amont de cette décision et continue à plaider pour que la décision soit mise pratique, même si le travail à ce sujet, a interrompu à cause de l’attaque de trois semaines par Israël sur Gaza à la fin du mois de Décembre 2008 et en Janvier 2009.
La visite de EFI en Israël et dans les territoires Palestiniens occupés suit sa “conférence politique” inaugurale à Paris en 2008. Les politiciens israéliens qui avaient participé à cet événement ont été conviés à des réunions avec le président français Nicolas Sarkozy et le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner.
Un porte-parole de l’ambassade d’Israël à Bruxelles a déclaré qu’EFI n’avait obtenu aucun financement l’Etat d’Israël afin d’organiser sa prochaine visite. “Nous avons beaucoup d’amis en Europe,” dit le porte-parole. “Nous avons des contacts avec des personnes partageant les mêmes idées que nous et nous avons un bon dialogue avec des gens qui sont opposés à nos politiques.”
Michel Legrand, président du Comité luxembourgeois pour une Paix Juste au Proche-Orient, s’est plaint que les activités d’EFI ne sont « pas du tout transparentes ». Leurs efforts pour gagner un soutien à l’occupation israélienne de la Palestine est “vraiment grossier”, a-t-il ajouté.
David Cronin
Source : IPS news, 25 janvier 2011