Le boycott donne à Israël un avant-goût de sa propre médication

Ça se réchauffe au sujet du boycott palestinien des produits des colonies juives. L’Autorité palestinienne a récemment adopté une loi interdisant la vente de ces marchandises, avec des amendes potentielles et des peines de prison imposées à ceux qui la violent. L’autorité a envoyé 3.000 volontaires faire du porte-à-porte en Cisjordanie, pour expliquer quels produits doivent être boycottés et pourquoi.

Rachel Shabi
Rachel Shabi

Selon le Washington Post, au moins 17 entreprises dans le plus grand bloc de colonies, Ma’ale Adumim, ont fermé à la suite de la campagne de boycott qui a décollé tôt dans l’année, tandis que l’Autorité Palestinienne a confisqué pour 5 millions de dollars (4 millions d’euros) de marchandises des colonies en Cisjordanie.

La réaction à tout cela en Israël a été une combinaison de rodomontades, de menaces et d’injures basés sur un thème : comment ils osent ces ingrats.

Des groupes de colons, ceux dont vous pouvez imaginer que voyant un Palestinien éternuer ils crient à la guerre bactériologique, ont décidé que ce boycott revenait à du « terrorisme économique ».

Un article d’opinion dans le quotidien populaire d’Israël, le Yediot Aharonot, met en garde l’Autorité Palestinienne disant que « le jeu du boycott peut aller dans les deux sens ».

Uri Ariel, un ministre israélien (du parti d’extrême-droite Union nationale), est déjà en train de concocter une contre-proposition de boycott et de sanctions. L’Association des industriels d’Israël a déclaré qu’Israël devrait fermer ses ports aux exportations palestiniennes jusqu’à ce que le boycott soit levé et le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, vient de rejoindre le chœur et a qualifié cette campagne d’auto-destructrice.

Ce qui a faussé quelques éléments clés de ce scénario. Premièrement – et comme les responsables de l’AP ont pris soin de le souligner – les accords commerciaux entre les autorités israéliennes et palestiniennes ne s’appliquent pas aux colonies juives de Cisjordanie occupée, car elles sont définies comme illégales au regard du droit international.

Deuxièmement, Israël a pendant des années ignoré ce même traité que l’AP est maintenant accusée d’avoir violé. Le protocole d’accord sur le commerce de Paris, qui fait partie des Accords d’Oslo, est censé garantir la libre circulation des marchandises entre Israël et le territoire palestinien – mais en réalité, c’est surtout un flux à sens unique. Les points de contrôle israéliens, les barrages routiers et d’autres restrictions bloquent sans cesse les exportations palestiniennes vers Israël, tandis que le marché palestinien est inondé des importations bon marché israéliennes qui freinent l’économie locale.

Le Dr Samir Abdullah Ali, directeur général au Palestine Economic Policy Research Institute, souligne que même les clauses inscrites spécifiquement dans le traité pour compenser les inégalités commerciales sont bafouées. Ainsi, par exemple, les accords prévoient un quota d’importation israélienne pour les  principaux produits agricoles palestiniens, comme les tomates, les concombres et les pastèques – mais il n’a jamais été appliqué. Pendant ce temps, les exportations palestiniennes destinées aux marchés étrangers sont régulièrement retardées par les autorités portuaires et les licences d’inscription sont retenues pour les produits pharmaceutiques ou d’autres produits industriels (chauffe-eau solaires, par exemple), de sorte qu’ils ne peuvent pénétrer le marché israélien.

Dans la pratique, tout cela concourt à un embargo non déclaré sur les biens palestiniens – ne pas appeler ceci un boycott ne veut pas dire que ce n’en est pas un. Pour ajouter un contexte à l’interdiction de l’Autorité palestinienne sur les marchandises des colonies : elles représentent 200 millions de dollars du montant estimé à 3-3,5 milliards de dollars que les Palestiniens dépensent chaque année en biens et services israéliens.

Autrement dit, l’outrage pourrait être résumé comme un cas où Israël n’aimerait pas le goût de son propre médicament. La force de l’interdiction par l’AP des marchandises des colons est arrivée comme un coup de tonnerre, mais Israël n’est pas censé apprécier être boycotté – et son approbation pour cette campagne n’est pas nécessaire.

Rachel Shabi, 26 mai 2010

source : the Guardian

traduction : Julien Masri

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