Dès son adoption par la Knesset en 2018, Zeid Raad Al Hussein, le Haut-Commissaire aux droits de l’Homme, a dénoncé cette loi qui définit Israël comme l’État des Juifs et Jérusalem (toujours occupée) comme sa capitale indivisible. Il a déclaré : « Cette loi ancre la discrimination inhérente contre les communautés non juives, en particulier les citoyens arabes d’Israël et les résidents d’El Quods-Est occupée .». Quant à Farhan Haq, le vice-porte-parole du Secrétaire général des Nations Unies, il avait déclaré au nom d’Antonio Guterres, le Secrétaire général de l’ONU:« Nous avons pris note de l’adoption de la loi. Les Etats sont souverains dans la promulgation de leurs lois. Cependant, nous mettons également l’accent sur les droits des minorités. » Néanmoins, aucune démarche n’a été entreprise pour faire pression sur Israël.
Cette fois, en novembre 2019, un organisme de l’ONU, le CESR (Comité des droits économiques, sociaux et culturels) s’attaque de front à la loi. Dans ses conclusions, il met l’accent sur son caractère discriminatoire : « Le Comité est profondément inquiet concernant l’effet éventuellement discriminatoire de la Loi Fondamentale : Israël – l’État Nation du Peuple Juif – sur les populations non juives de l’État partie à propos de leurs droits consacrés dans la Convention. Il s’inquiète également du fait que cette Loi Fondamentale, en reconnaissant le développement de la colonisation juive comme une valeur nationale, puisse encore plus détériorer la situation des droits économiques et socio-culturels dans les territoires occupés qui ont déjà été entravés de manière significative par la politique coloniale (arts. 1(1), 2(2) et 15). » On remarquera tout de même la prudence dans les termes : « éventuellement » discriminatoire et « populations non juives » pour ne pas dire Palestiniens et autres, une manière de dire qui rappelle furieusement la Déclaration Balfour.
Néanmoins et pour la première fois, un organe de L’ONU demande à Israël d’amender ou d’annuler sa loi Etat-Nation du Peuple Juif afin de se conformer à la Convention internationale des droits de l’Homme qu’il a ratifiée en 1991. Le CESR insiste sur le fait qu’au moins, Israël se doit « d’organiser ses efforts pour éliminer la discrimination à laquelle font face les non-Juifs afin qu’ils jouissent des droits consacrés dans le Pacte, en particulier les droits à l’autodétermination et à la non-discrimination et les droits culturels. »
Le CESR recommande également que l’État partie restaure la langue arabe en tant que langue officielle et promeuve l’usage de la langue arabe, y compris en renforçant l’Institut Supérieur de la Langue Arabe, entre autres en augmentant les ressources financières qui lui sont allouées.
Les éléments du dossier avaient été présentés par Adalah[1] qui a, par ailleurs, mis en lumière les discriminations dont font déjà l’objet les Bédouins du Néguev. Sur ce point, le CESR a exprimé des inquiétudes très circonstanciées.
En résumé, cette loi officialise l’état d’apartheid en Israël même, en affirmant l’inégalité des droits de ses citoyens palestiniens arabes et de ses citoyens juifs (rétrogradation du statut de la langue arabe, possibilité de réserver des localités aux seuls citoyens juifs, droit à l’autodétermination réservé au seul « peuple juif »). Il est du devoir des instances internationales et de chacun des pays qui se disent démocratiques de prendre des mesures pour contraindre Israël à abroger la loi. Tout pays adoptant une loi de ce type serait mis au ban des nations. Pourquoi pas Israël ?
[1] Adalah, Centre juridique pour les droits des minorités arabes en Israël, est un centre juridique et une organisation de défense des droits humains.