Aucune réelle pression n’a été exercée de l’extérieur sur Israël pour qu’il apporte des réponses aux injustices qui sont aux sources du conflit avec le Hamas ou qu’il épargne les populations civiles. C’est donc la loi du plus fort qui a une fois de plus prévalu.
Le 13 mai, lors d’une réunion virtuelle, le ministre des Affaires étrangères israélien Gabi Ashkenazi adressait ses félicitations à ses ambassadeurs aux États-Unis, en Europe et dans le monde arabe. « Le fait que la plus grande partie de la communauté internationale soutienne le positionnement israélien affirmant son droit à l’autodéfense est le produit de vos efforts diplomatiques. » Un satisfecit amplement mérité, puisque c’est une nouvelle fois un désolant mélange de résignation, d’indifférence et de soutien à Israël qui a prévalu sur la scène internationale durant la crise de mai 2021. Tour d’horizon peu glorieux.
États-Unis : le pro-israélien Biden sous la pression de sa base
S’ils se sont réjouis de la défaite de Trump, les défenseurs des droits des Palestiniens entretenaient peu d’espoir envers le nouvel occupant de la Maison Blanche (lire « Joe Biden, l’autre atout d’Israël », paru dans le bulletin Palestine n°86, 4e trim. 2020). Ils ne se sont pas trompés. Fidèle à la ligne poursuivie par ses prédécesseurs, Joe Biden a apporté un soutien sans faille à Israël dans sa guerre contre Gaza. Washington a notamment bloqué trois tentatives du Conseil de sécurité de l’ONU d’instaurer un cessez-le-feu et de permettre un accès humanitaire à l’enclave., demandé par le Hamas dès les premières heures des hostilités mais refusé par Israël tant que celui-ci n’avait pas atteint ses « objectifs de guerre ».
Fait nouveau, cet alignement sur l’agenda militaire israélien a fait grincer des dents du côté de la majorité présidentielle au Congrès. Pour la base démocrate, l’injustice à laquelle sont confrontés les Palestiniens évoque pour beaucoup le racisme envers les Noirs, et la lune de miel de Trump avec l’extrême droite sioniste a affaibli comme jamais le consensus bipartisan pro-israélien. Les lobbys israéliens s’en sont vivement inquiétés : des élus ne redoutent désormais plus de prendre position en faveur des droits humains dans la région de peur d’être ensuite ostracisés. « En n’intervenant que pour parler des actions du Hamas – qui sont condamnables – et en refusant de reconnaître les droits des Palestiniens, Biden renforce l’idée fausse que les Palestiniens sont à l’origine de ce cycle de violence. Ce n’est pas un langage neutre. Il prend parti pour un camp – celui de l’occupation », a notamment déclaré Alexandria Ocasio-Cortez, élue de New York et figure de proue de l’aile gauche du parti.
Jusqu’à présent, Biden semble surtout vouloir manifester sa capacité de résistance à ces préoccupations plutôt qu’y répondre. Le 26 mai, il a ainsi confirmé une vente de missiles de précision à Israël à hauteur de 735 millions de dollars que souhaitaient remettre en cause certains élus au Congrès. Conformément à ses engagements de campagne, Biden a par ailleurs rappelé qu’il n’entendait conditionner sous aucun prétexte l’enveloppe de 38 milliards de dollars d’aide militaire prévue pour la période 2017-2028 à Israël. Quels que soient les crimes commis par ce dernier, donc.
L’Union européenne divisée… sur les éléments de langage
La diplomatie communautaire nous avait habitués à des exercices d’équilibrisme sur la question israélo-palestinienne, particulièrement clivante pour les États membres. Les timides tentatives de condamner les violations les plus flagrantes du droit international par Israël sont désormais mises à mal par l’alignement de plus en plus manifeste de plusieurs pays européens (principalement situés à l’Est) sur ce dernier. C’est ainsi que le chef de la diplomatie européenne Josep Borell n’est parvenu à obtenir le soutien que de 26 États membres sur 27 autour d’une déclaration – somme toute modérée – appelant à un cessez-le-feu, la Hongrie refusant de s’y associer.
Cette divergence n’est toutefois pas tant une question de nature que de degré : dans leur grande majorité, les dirigeants européens ont intégré le récit israélien consistant à présenter les bombardements israéliens comme une réponse légitime aux agressions palestiniennes. Au demeurant, le fait de ne pas faire en sorte que le gouvernement israélien rende compte de ses actes fait, quant à lui, toujours consensus : la mise en place de sanctions face aux crimes de guerre n’a en effet jamais été abordée, en dépit de l’influence considérable dont pourrait disposer l’Union sur Israël, dont elle est la première partenaire commerciale.
Monde arabe : la normalisation tient bon
C’est peu dire que le soulèvement général dans toute la Palestine historique a embarrassé les États engagés dans le processus de normalisation avec Israël, à commencer par Bahreïn et les Émirats Arabes Unis (EAU). Ceux qui avaient précisément misé sur l’effacement de la cause palestinienne doivent bien constater qu’ils l’avaient enterrée un peu trop vite, au vu de l’émoi suscité dans la rue arabe par les images de l’invasion de la mosquée d’Al-Aqsa et des pogroms anti-arabes à Jérusalem et en Israël.
Au delà de condamnations verbales plus ou moins fermes essentiellement destinées à leur opinion publique, ces États ne semblent pas prêts à remettre en cause les bénéfices stratégiques et économiques de leur reconnaissance d’Israël. Ainsi, au plus fort des tensions autour des expulsions de Cheikh Jarrah, Mohamed Al Khaja, premier ambassadeur des EAU à Tel-Aviv, vantait dans un journal israélien « l’incroyable capacité des citoyens d’Israël, juifs, chrétiens et musulmans, à vivre ensemble. »