Hommages et hypocrisie

Edito, Bulletin 59, mars 2014

Dans leurs hommages unanimes à Nelson Mandela, leurs louanges sans fin à l’homme de paix et de dialogue, les chefs d’Etats occidentaux et le Secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, avaient-ils pour but de faire oublier la totale complicité des Occidentaux et de l’OTAN au maintien du système d’apartheid et aux crimes contre l’humanité commis en son nom ? Aucun n’a été convoqué devant la Commission Justice et Vérité présidée par Desmond Tutu, aucun n’a intégré dans ses messages de condoléances une demande de pardon. Le moins hypocrite d’entre eux n’aura-t-il pas été en fin de compte l’arrogant Netanyahou qui s’est abstenu de se rendre en Afrique du Sud ? A moins qu’il n’ait craint d’être chahuté et déclaré persona non grata par les populations sud-africaines très au fait des complicités étroites entre Israël et le régime blanc d’Afrique du Sud.

Honorer la mémoire de Nelson Mandela, c’est d’abord rappeler son combat et la résistance de tout un peuple contre l’apartheid, crime contre l’humanité. C’est rappeler que tant Mandela que Desmond Tutu ont tous deux critiqué Israël pour son système d’apartheid à l’égard des Palestiniens.

Le régime d’apartheid a bénéficié, tout comme Israël, du soutien permanent des Etats-Unis qui n’ont jamais hésité à opposer leur véto pour défendre l’un et l’autre chaque fois qu’ils étaient susceptibles d’être condamnés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
De 1972 à 2002, les Etats-Unis opposeront 40 fois leur véto en faveur d’Israël ; ils l’avaient fait 17 fois en faveur du régime d’apartheid, soit au total la majorité des vétos du Conseil de Sécurité.

Gardant en mémoire les résistances et les luttes des peuples contre le colonialisme et l’apartheid, la résistance palestinienne s’inscrit dans leur sillage. Aujourd’hui, elle nécessite plus que jamais la solidarité internationale.

La campagne BDS, dont les ressorts sont très semblables à ceux du boycott contre l’apartheid, s’impose comme un levier indispensable pour obliger les responsables politiques, tant à l’ONU, aux USA qu’en Europe, à prendre des mesures de sanctions contre Israël pour l’occupation et la colonisation illégales de la Palestine.

Une campagne contre le Mur de séparation, lui-même déjà unanimement condamné à l’ONU en 2004, à l’exception des Etats Unis et de quelques Etats inféodés, dénonce  ce que les juristes internationaux qualifient de persécutions du peuple palestinien.  Le Mur, aujourd’hui les murs, ce sont tous les ouvrages érigés en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem qui isolent les Palestiniens et entravent leur liberté de mouvement, les enclavant dans des sortes de “bantoustans”. Ils constituent tous des crimes contre l’humanité.

Occupation, colonisation, emprisonnements individuels et collectifs, Murs de séparation auxquels s’ajoutent la spoliation des ressources des Palestiniens, la destruction de villages palestiniens, la politique de ségrégation à l’égard des Palestiniens d’Israël, la négation du droit au retour pour les réfugiés expulsés en 1948 : en concluant ses travaux en mars dernier, le Tribunal Russell sur la Palestine invitait les juristes à examiner quel pouvait être le terme qui rendrait au mieux compte de l’ensemble de ces crimes et retenait celui de sociocide.

Le concept de sociocide met en lumière tout à la fois la nature illégale et criminelle du colonialisme israélien et le déni illicite du droit à l’autodétermination du peuple palestinien.

Pierre Galand

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