
Le 16 janvier 2018, le département d’État américain a divisé par deux sa contribution à l’agence de l’ONU en charge des réfugiés palestiniens, l’UNRWA, soit 60 millions de dollars sur les 125 prévus. Premier contributeur, Washington finançait le tiers de son budget total en 2017, soit 350 millions de dollars. Menacée de faillite, l’organisation craint pour les cinq millions de bénéficiaires de ses programmes, et cherche à combler ce manque.
Qu’est-ce que l’UNRWA ?
Fondé en 1949 par l’Assemblée générale des Nations Unies, l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) apporte un soutien humanitaire aux populations exilées lors de la création de l’État d’Israël. Il leur prodigue des services essentiels en Jordanie, au Liban et en Syrie, mais aussi en Cisjordanie et à Gaza, où 70% la population dépend de son aide. Ses missions porte principalement sur l’éducation (enseignement de base jusqu’en 3e ou 4e secondaire), la santé, le secours et les services sociaux, les infrastructures, et la protection et assistance humanitaire. Il s’agit également pour elle de favoriser l’autosuffisance des populations, notamment à travers l’octroi de microcrédits.
Pourquoi est-elle menacée ?
Depuis toujours, les gouvernements israéliens successifs contestent l’existence même de cette agence. Celle-ci résulte en effet du non-respect par Tel-Aviv du droit (internationalement reconnu) au retour des Palestiniens sur les terres dont ils ont été expulsés à partir de 1947. En outre, Israël dénie aux Palestiniens la possibilité de transmettre leur statut de réfugié à leurs descendants. Selon le Premier ministre Benjamin Netanyahou, l’agence «perpétue depuis soixante-dix ans la situation des réfugiés palestiniens et le discours en faveur de la disparition du sionisme ».
Fidèle à son idéologie nationaliste et ostensiblement alignée sur l’approche israélienne, le président Donald Trump entend imposer aux Palestiniens une paix qui les forcerait à renoncer à leurs droits. Pour le locataire de la Maison-Blanche, le chantage semble être une bonne manière d’y parvenir. «Les Palestiniens n’ont plus l’intention de parler de la paix, alors pourquoi devrions nous leur verser tous ces paiements à venir?», expliquait-il sur tweeter, en réaction à la fin de non-recevoir adressée par le président palestinien Mahmoud Abbas au prétendu « Deal du siècle » du dirigeant américain.
«Après avoir “dégagé la question de Jérusalem de la table de négociation”, comme Trump l’a tweeté, les Américains veulent faire de même avec le retour des réfugiés palestiniens, avant même le début des négociations», estime le politologue gazaoui Mkhaimar Abusada. Selon la revue Foreign Policy, Nikki Haley, l’ambassadrice américaine aux Nations Unies, ainsi que Jared Kushner, qui pilote le plan de paix de Trump, étaient en faveur d’un arrêt total de la contribution américaine.
Quelles conséquences?
Cette coupe claire affecte le cœur du budget de l’UNRWA. En première ligne : la santé. L’aide alimentaire d’urgence pour 1,7 million de réfugiés pourrait en effet ne pas être versée, et les soins primaires risqueraient de ne plus être assurés. Autre préoccupation majeure : l’accès de 525 000 enfants aux 700 écoles de l’UNRWA, avec des conséquences incalculables pour leur avenir. Plusieurs projets essentiels de reconstructions et d’investissements pourraient aussi être abandonnés, notamment au Liban et à Gaza. Les aides directes aux plus vulnérables ont d’ores et déjà dû être supprimées, et des formations annulées. Des vagues de licenciements semblent également inévitables, renforçant le chômage au sein des populations palestiniennes, qui constituent l’essentiel des effectifs. Chris Gunness, le porte-parole de l’UNRWA, n’hésite pas à parler de «la plus grave crise financière de l’histoire de l’agence », déjà confrontée à des coupures budgétaires inédites au cours des années précédentes[1].
En outre, on pourrait assister à un renforcement de l’instabilité de la région. La décision américaine « va conduire à une explosion dans les camps (de réfugiés), en raison de l’arrêt des services », prédit un officiel libanais, Hassan Mneimneh. Cette crise ne servirait d’ailleurs pas forcément les intérêts israéliens, comme l’explique un ancien responsable onusien à Gaza. «Dans la bande de Gaza, l’agence est le seul roc solide pour la population; les boulots qu’elle fournit sont un filet de sûreté pour des milliers de familles. Même l’establishment sécuritaire israélien le reconnaît, l’UNRWA est un agent stabilisateur dans la région, contrairement à ce que dit la droite israélienne.»
« La dignité n’a pas de prix »
Pour éviter le désastre annoncé et s’acquitter de ses missions essentielles, l’UNRWA a lancé une campagne mondiale d’appel aux dons. Sous le hashtag #DignityIsPriceless (« la dignité n’a pas de prix »), elle entend récolter la somme de 500 000 millions d’euros, qui devrait permettre, par delà le gèle de la contribution américaine, de faire face aux pénuries chroniques de moyens de l’agence. D’emblée, plusieurs pays se sont engagés à augmenter leur contribution volontaire, comme la Suisse, la Finlande, le Danemark, la Suède, la Norvège, l’Allemagne et la Fédération de Russie. D’autres pays, dont la Belgique, ont déjà annoncé qu’ils allaient honorer plus tôt que prévu leurs promesses de dons. Nécessité faisant loi, l’UNRWA aura, pour la première fois, recours à des acteurs privés.
Le temps presse : sans renforcement de ses moyens, l’agence procédera incessamment aux premiers licenciements, et le budget de l’éducation pourrait être amputé dès septembre.
Rejoignez la campagne: https://www.unrwa.org/join