Par Michel Brouyaux
Ce livre est une véritable somme : 80 contributions –dont de superbes illustrations d’artistes palestiniens– offrent un vaste tour d’horizon de ce pays dont l’Histoire-même est un champ de bataille, en courts chapitres consacrés à son histoire plurimillénaire, à sa culture, mais aussi aux différentes problématiques vécues par les Palestiniens, abordées dans une grande liberté de points de vue.
Emblématique de cette liberté, un chapitre passionnant consacré à la question Deux États ou un État pour tous ? Les uns soulignent que l’approche diplomatique choisie par Yasser Arafat peut se prévaloir de trois succès avalisés par l’ONU : reconnaissance de l’OLP comme le représentant de l’ensemble du peuple palestinien, du droit à l’autodétermination de celui-ci et de son droit au retour. Ce qui signifie aussi un capital juridique et diplomatique qu’il aurait été dangereux de compromettre, dont notamment des missions diplomatiques dans 135 pays. Les autres soulignent, à l’inverse, les concessions majeures de la diplomatie palestinienne sans contrepartie correspondante, en particulier la reconnaissance de l’État d’Israël sans réciproque et la renonciation unilatérale à la lutte armée sans même le gel de la colonisation. L’auteur expose donc patiemment les arguments des uns et des autres.
Dans un autre chapitre, Leila Shahid, Jean-Paul Chagnollaud et Dominique Vidal débattent autour de l’événement fondamental du printemps 2021. « Les médias nous racontaient que la Palestine était marginalisée et sa cause enterrée. Or son peuple a démontré le contraire. » « Israël a été confronté à des Palestiniens debout sur tous les fronts : Jérusalem, Israël, la Cisjordanie, Gaza et la diaspora. »
Un autre chapitre examine les particularités de l’apartheid israélien. Un autre s’interroge sur le mouvement BDS, qu’il estime (bizarrement) peu pertinent.
Plus loin, Erik Skare se pose la question de savoir si la Palestine s’est islamisée, pour y répondre qu’on assiste, au contraire, à une palestinisation de l’islam : pour recueillir prestige et légitimité, le Jihad veut être perçu comme le nouveau Fatah (à lire absolument!).
Dans les chapitres consacrés à la culture, relevons celui qui décrit le parkour, le sport de ces jeunes Palestiniens qui escaladent, courent et sautent dans les ruines des immeubles bombardés de Gaza, défiant à la fois la loi de la gravité et celle de l’occupation, comme l’écrit joliment l’auteur. Chaque contribution du livre est augmentée de nombreuses suggestions de lectures, de visionnages ou d’écoutes. Au moment où la situation peut sembler plus désespérante que jamais auparavant, ce livre célèbre l’amour et l’admiration que la Palestine et son peuple nous inspirent. Ce livre fait écho à l’exposition « Ce que la Palestine apporte au monde » qui se tient à l’Institut du Monde Arabe (Paris) du 31 mai au 19 novembre 2023.
Ce que la Palestine apporte au monde
Ouvrage collectif, Éditions du Seuil/Institut du monde arabe, 2023, 336 pages.