BDS : élargir et radicaliser le mouvement

Bulletin 65, Septembre 2015

Par Simon Moutquin

Nous y voilà, la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions d’Israël est officiellement classée « menace hautement stratégique », voire « menace existentielle » par le gouvernement israélien de Bibi. Alors que pendant des années, les politiques israéliens ont nié leur impact ou se sont tus face aux militants BDS, Netanyahou a choisi d’adopter une position offensive.

Une contre-offensive désespérée

Les armes utilisées ? Nous les connaissons depuis longtemps, il s’agit d’une part de la tentative désespérée de lier toute critique de la politique israélienne à une pathologie antisémite dont nous, défenseurs du droit international, souffririons depuis la naissance et d’autre part, de profiter du chaos régional pour semer le doute sur les intentions du BDS.

Derrière ces deux réponses, un peu redondantes, avouons-le, le ballet des réunions stratégiques ministérielles et internationales s’enchainent, des fonds importants sont levés (voir article de Nathalie Janne), le gouvernement israélien liste à travers le monde les personnes actives dans le mouvement et les éditoriaux dans les grands journaux en faveur ou contre BDS se multiplient.

BDS : une croissance rapide et une efficacité remarquable

Entre-temps, BDS passe à la vitesse supérieure, le mouvement s’organise et s’intensifie, des dizaines d’organisations à travers le monde rejoignent l’appel lancé en 2005, les exportations israéliennes en Europe piétinent de même que les investissements étrangers dans les colonies sont en chute libre. Les positions bougent, la tentative de nier la raison d’être de BDS ne fonctionne pas ou plus, les citoyens de par le monde, y compris en Israël, prennent conscience des violations répétées du droit international et du désespoir du peuple palestinien.

Depuis quelques mois, pas une action de boycott, pas une annulation de concert en Israël n’échappent à la couverture médiatique. Juste pour cela, merci Bibi !

Dix ans après son lancement en 2005 par l’ensemble de la société civile palestinienne, il est encourageant de voir que le mouvement de boycott connaît une croissance rapide et une efficacité remarquable. Imaginé à partir de celui contre le régime d’apartheid sud-africain, il semble porter ses fruits plus rapidement que ce dernier.

 Nouvelles perspectives de lutte

Il nous faut désormais élargir et radicaliser le mouvement.

L’élargir, en créant des ponts avec les acteurs qui militent pour un changement de la société, celles et ceux qui luttent pour la justice sociale, contre le TTIP, un accord de libre-échange qui n’a de libre que le nom, contre toutes formes de racisme et de xénophobie, contre des politiques d’austérité asphyxiantes ou encore contre une Europe qui, malgré ses beaux discours, laisse mourir des milliers de migrants chaque année à ses portes. Tous ces combats, comme celui pour les droits du peuple palestinien, sont des combats pour une justice basée sur les droits fondamentaux.

Le radicaliser (radicaliser signifiant « aller à la racine des choses »), c’est prendre soin de rappeler les raisons de son émergence, à savoir l’inaction de la communauté internationale face à 60 ans de politique de déplacements forcés de population, 47 ans d’occupation illégale de la Palestine et 10 ans de blocus meurtrier de Gaza. Sans jamais oublier de rappeler ses revendications : la fin de l’occupation, des droits égaux pour tous les citoyens d’Israël et le droit au retour des réfugiés. Aller à la racine de l’occupation, c’est aussi dénoncer les soutiens de la colonisation, le racisme grandissant de la société israélienne et le silence étourdissant de nos dirigeants.

Un mouvement de droits humains en Belgique et dans le monde

Face à l’hystérie de nos adversaires, nous resterons constants dans nos revendications et dans les valeurs qui ont fondé BDS. La campagne BDS est, et restera, un mouvement de droits humains, rejetant toute forme de racisme et donc d’antisémitisme, fondé sur la Déclaration universelle des droits de l’Homme, n’en déplaise à nos détracteurs qui se sont, quant à eux, assis sur elle depuis bien trop longtemps.

Et en Belgique ? Les initiatives se multiplient autour de la plateforme BDS Belgium regroupant plus de cinquante organisations. L’ABP a lancé il y a quelques semaines une campagne contre SodaStream, un projet pour un désinvestissement des communes dans les colonies est en préparation et la campagne contre G4S continue du côté néerlandophone. Alors que le mouvement international BDS prévoit de déployer de nouvelles initiatives pour promouvoir un embargo militaire contre Israël, des bruits de couloir Rue de la Loi donneraient à entendre qu’un achat de drones (israéliens ou américains) par la Belgique ne serait pas exclu, nous y serons attentifs et vigilants !

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