
Un nouveau gouvernement israélien est formé. A son programme : l’annexion de la Cisjordanie. Seule l’Union européenne semble à ce jour capable d’empêcher le projet israélien d’aboutir. Etat des discussions à Bruxelles.
Le 20 avril dernier, Benjamin Netanyahou et son rival Benny Gantz ont fini par s’entendre et former un gouvernement d’urgence pour faire face la crise liée au coronavirus. Mais l’accord de gouvernement prévoit également, dans le cadre de la mise en oeuvre du plan Trump, une mesure qui n’a rien à voir avec la pandémie : l’annexion de quelque 30% de la Cisjordanie. Celle-ci pourrait avoir lieu dès le 1er juillet prochain. Puisque les Etats-Unis y sont déjà acquis , tous les regards se tournent aujourd’hui vers l’Union européenne, seule à même de prendre des initiatives qui puissent freiner ou empêcher l’annexion.
Le 15 mai, la question était à l’ordre du jour du Conseil des affaires étrangères de l’UE. Lors de la conférence de presse qui a suivi la séance du Conseil, le Haut représentant Josep Borrell a rappelé la position de l’UE : « Nous avons toujours dit clairement que nous sommes attachés à l’objectif d’une solution négociée de deux Etats, et que nous pensons que les annexions ne sont pas compatibles avec le droit international ». Toutefois certains Etats membres proches d’Israël empêchent de parvenir à un consensus européen sur des mesures concrètes. En amont du Conseil, Israël semblerait d’ailleurs avoir essayé de mobiliser, via ses canaux diplomatiques, les Etats membres les plus sensibles à ses positons [1].
Cependant, les Etats membres de l’UE semblent s’être mis d’accord pour accroître leurs efforts diplomatiques et leurs pressions sur tous les acteurs concernés. Des sources ont par ailleurs confirmé que Josep Borrell avait demandé à ses services de préparer un document avec les réponses de l’UE envisageables en cas d’annexion de la Cisjordanie par Israël. Comme le souligne Laurence Norman du Wall Street Journal, « la prudence du langage de la conférence de presse ne devrait pas masquer le fait que le Service pour l’action extérieure de l’UE est prêt à accentuer sa réponse en cas d’annexion ».
Toutes les options ne requérant pas de consensus au sein du Conseil sont dès lors examinées, dont :
- Le renforcement de la politique européenne de différenciation vis-à-vis des colonies ;
- L’exclusion d’Israël d’une série de projets de financement et de coopération en matière d’éducation et de recherche, comme Horizon 2020 et Erasmus Plus ;
- Le rappel des ambassadeurs européens pour consultation-
- Le soutien européen aux mesures prises par les Nations Unies en réponse à l’annexion ;
- Un soutien public aux procédures en cours devant la Cour pénale internationale ;
- Un soutien financier accru aux Palestiniens.
La Belgique serait parmi les Etats membres qui prônent une ligne dure sur la question, avec la France, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, l’Irlande, la Suède, le Danemark, la Pologne et le Luxembourg. Et l’Allemagne, qui adopte pourtant généralement des positions favorables à Israël, semble également défendre une position de fermeté de l’UE en cas d’annexion. Finalement, les deux Etats qui bloquent catégoriquement semblent être la Hongrie et l’Autriche, puisqu’ils sont seuls à refuser de se joindre à une initiative diplomatique conjointe vis-à-vis d’Israël, initiée par les ministres des Affaires étrangères luxembourgeois et irlandais.
Enfin, comme le souligne le Luxembourgeois Jean Asselborn, si Israël procède à l’annexion « la solution à deux Etats aura vécu. Et tout ce qui n’est pas une solution à deux Etats aboutit à un Etat d’apartheid ». Face à cette nouvelle réalité d’apartheid, l’UE devrait par conséquent totalement repenser sa politique vis-à-vis de la région afin de préserver au minimum l’ordre international et le respect de ses propres règles.
Nathalie Janne d’Othée
[1] Parmi ces Etats se retrouvent l’Allemagne, la Grèce, la Roumanie, la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie, la Slovaquie, la Croatie, la Slovénie, l’Autriche, l’Italie et l’Estonie (Source : thread Twitter de Barak Ravid).