Des fonds de pension ont laissé tomber des firmes israéliennes, des personnalités culturelles ont refusé de forcer les lignes de piquet et un gros fabricant de crème glacée a retiré ses produits des colonies illégales d’Israël.
Des actions directes soutenues à Oakland, en Californie, sont parvenues à exiger et faire payer un prix à Israël après son offensive meurtrière de onze jours contre la bande de Gaza, en mai dernier.
Début juin, dans le cadre d’une vague internationale de protestation sous la bannière de #BlockTheBoat, des activistes et des travailleurs portuaires ont empêché un cargo israélien d’accoster dans le port de la ville d’Oakland pendant plus de deux semaines après la date prévue de son arrivée.
Manifestement, le navire tentait d’éviter la ligne de piquet de grève et il a ensuite quitté la Région de la Baie avec sa cargaison intacte.
Et, au Royaume-Uni, des protestataires de Palestine Action ont forcé des usines d’armes israéliennes à suspendre leurs activités dans plusieurs de leur dizaine de sites en Grande-Bretagne.
Des activistes ont organisé des sit-in et des actes de sabotage contre les installations d’Elbit Systems – appartenant à Israël – en fermant des usines, en brisant des vitres, en endommageant des équipements, en couvrant les murs de graffitis et en les aspergeant d’une peinture rouge qui symbolisait le sang des Palestiniens.
Durant sa première année d’existence, Palestine Action – qui s’est constituée en 2020 – a mené plus de 70 actions contre Elbit, dont 20 occupations de sites et d’usines des plus remarquées.
En décembre, Palestine Action a remporté une importante victoire juridique, lorsque ses activistes, qui avaient opéré des dégradations dans une usine israélienne de moteurs de drones, ont été acquittés de toute charge de dommages criminels.
« Nous continuerons d’entreprendre des actions directes afin d’entraver et de saper le commerce israélien des armes »,
a expliqué Huda Ammori, cofondatrice de Palestine Action, à The Electronic Intifada.
Après des années d’organisation aux États-Unis par les activistes palestiniens de la campagne de boycott, Ben & Jerry’s – un producteur de crème glacée opérant comme filiale d’Unilever –, a annoncé en juillet qu’il ne vendrait plus ses produits dans les colonies de peuplement illégales d’Israël, en expliquant que ces ventes allaient « à l’encontre de ses valeurs ».
L’information a uni les dirigeants et groupes de pressions israéliens, qui ont propagé des calomnies à l’égard de la firme de crème glacée et des membres de son conseil d’administration.
Yair Lapid, le ministre israélien des Affaires étrangères, a émis le vœu de pouvoir compter sur les deux bonnes douzaines d’États américains qui ont approuvé des mesures anti-BDS « afin qu’ils les appliquent contre Ben & Jerry’s », alors que, de son côté, le Premier ministre israélien Naftali Bennett a promis « d’agir de façon agressive » contre le producteur de crème glacée.
Mais, malgré toutes ces menaces, la société n’a cessé de défendre sa décision.
Le comité national BDS de Palestine a insisté auprès de Ben & Jerry’s pour que la firme « mette un terme à toutes ses opérations dans l’Israël de l’apartheid ».
Fin décembre, un site bien connu par sa liste noire contre les Palestiniens a désigné le président du CA de la firme comme « antisémite de l’année », ce qui a incité l’organisation des droits civiques Palestine Legal à faire remarquer à quel point de telles accusations étaient vides de sens.
« La décision de Ben & Jerry’s de cesser de tirer profit des colonies exclusivement juives et construites sur des terres volées est le strict minimum que pouvait faire la marque pour respecter son engagement publiquement déclaré vis-à-vis de la justice sociale »,
a fait savoir l’organisation.
Voici quelques-unes des victoires retentissantes de BDS en faveur des droits palestiniens et que The Electronic Intifada a répertoriées en 2021.
Des firmes israéliennes désormais rejetées
Des fonds de pension du monde entier ont écarté des firmes israéliennes de leurs portefeuilles d’investissement en raison des abus contre les droits humains et des violations du droit international commis par Israël.
Au Royaume-Uni, un important fonds de pension local a désinvesti du fabricant d’armes israélien Elbit Systems. Bien que le fonds de pension ait initialement tenté de réfuter que la démarche avait trait au rôle de la société dans la violence contre les Palestiniens, des activistes avaient inondé ses bureaux d’exigences en vue d’écarter Elbit de son portefeuille.
Le président du comité des pensions du conseil a reconnu néanmoins qu’Elbit avait été exclu par son nouveau directeur des investissements, de la société Storebrand, « pour des raisons concernant les droits humains et les lois internationales ».
Storebrand est une firme norvégienne qui a exclu Elbit pour des considérations relatives aux droits humains.
Le fonds national des pensions de Nouvelle-Zélande (33 milliards de USD) a annoncé cette année qu’il avait exclu cinq banques israéliennes de son portefeuille en raison de leur rôle dans le financement des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée.
Une évaluation du super-fonds néo-zélandais a conclu que le fait de détenir des parts dans les principales banques israéliennes allait violer sa politique des investissements responsables.
Des fonds de pension en Norvège et en Écosse ont également désinvesti de firmes tirant profit des colonies de peuplement israéliennes, parmi lesquelles des entreprises de construction, des sociétés de télécommunications et des banques.
Le plus important fonds de pension norvégien, KLP, a laissé tomber 16 entreprises tirant profit des colonies, du fait, a-t-il prétendu, « qu’elles allaient réellement contribuer à des violations contre les droits humains ».
En décembre, en Finlande, une députée a introduit un projet de loi visant à interdire l’importation de marchandises en provenance des colonies israéliennes installées sur des terres palestiniennes et syriennes occupées.
En septembre, l’Union européenne a été forcée d’enregistrer une Initiative de citoyens européens qui cherche à bloquer le commerce avec les colonies installées dans des territoires occupés.
Potentiellement, la mesure pourrait empêcher l’accès lucratif aux marchés européens dont bénéficient les entreprises opérant dans les colonies israéliennes construites sur des terres palestiniennes et ce, en violation des lois internationales.
Victoires sur des lois anti-BDS, harcèlement à l’encontre d’activistes
Suite à de semblables décisions judiciaires en Arizona, au Kansas et au Texas, une mesure anti-BDS en Arkansas a été déclarée inconstitutionnelle en février.
Une cour d’appel fédérale américaine a décidé que la loi d’État de 2017 requérant de la part des entrepreneurs de l’État qu’ils déclarent leur volonté de ne pas boycotter Israël constituait une violation de la liberté d’expression.
« C’est à la première cour d’appel fédérale qu’il incombe de décider de la constitutionnalité des lois anti-boycott et, suite à cette décision, aucune loi anti-BDS n’a été maintenue en s’appuyant sur son fond »,
a déclaré Palestine Legal.
« Chaque loi qui a survécu à une contestation juridique l’a fait en recourant à des astuces juridiques cherchant à lui éviter une analyse constitutionnelle »,
a ajouté l’organisation.
En janvier, un tribunal espagnol a rejeté une plainte pénale concernant des crimes de haines supposés de la part de huit partisans de BDS – ce fut une victoire majeure pour le droit de boycotter Israël en Espagne.
Le tribunal a statué que les activistes exerçaient leur droit à la liberté d’expression dans la poursuite de buts politiques légitimes.
Les juges ont cité une décision très importante prise en juin 2020 par la Cour européenne des droits de l’homme, affirmant que réclamer un boycott d’Israël en raison de sa politique n’avait rien d’une discrimination, mais tout d’une prise de parole politique protégée.
Les activistes ont salué leur victoire comme un signe de la façon dont
« la stratégie sioniste mondiale et [les tentatives de] ses alliés d’extrême droite en vue de délégitimer le mouvement BDS sont en train de foirer ».
Aux États-Unis, même si l’administration Biden a ravivé les serments politiques de l’époque de Trump et d’Obama en vue de combattre BDS – du fait que le lobby pro-israélien réclame du nouveau président qu’il durcisse ses attaques contre les activistes des universités –, les étudiants ont remporté une victoire juridique qui constitue un précédent.
Un juge de Californie a décidé en mars de rejeter les requêtes d’un plaignant antipalestinien qui voulait attaquer en justice des activistes des droits humains à propos de leur soutien de BDS et des droits palestiniens.
C’était la première fois qu’un tribunal américain
« reconnaissait l’environnement maccarthyste auquel sont confrontés ceux qui s’expriment en faveur des droits palestiniens »,
a estimé l’organisation des droits civiques Palestine Legal, qui représentait huit inculpés en compagnie d’autres avocats.
La décision
« rejette la notion selon laquelle les étudiants perdent leurs droits constitutionnels quand ils défendent les droits des Palestiniens dans une université publique »,
a déclaré Palestine Legal.
Les Canadiens veulent mettre un terme aux ventes d’armes à Israël
Au Canada, le chef du New Democratic Party, nominalement progressiste, Jagmeet Singh, a demandé au Premier ministre Justin Trudeau de cesser de vendre des armes à Israël.
La démarche de Singh a eu lieu après que des membres de la base du parti ont approuvé une motion en vue de faire cesser les contrats d’armes avec Israël.
La motion spécifiait que le commerce des armes entre le Canada et Israël devait être suspendu « jusqu’à ce que les droits palestiniens soient respectés ».
Le vote
« adresse un message disant que les personnes progressistes et sensibles aux droits humains au Canada ne soutiennent pas le statu quo et considèrent que des sanctions contre Israël sont non seulement appropriées mais aussi nécessaires »,
a expliqué à The Electronic Intifada Amy Kishek, un éminent organisateur que l’on retrouve derrière la résolution.
Un large soutien des droits palestiniens et de BDS
Malgré les pressions énormes de la part des dirigeants et partisans du Parti travailliste britannique soutenu par le lobby pro-israélien, des délégués à la conférence du parti, en septembre dernier, ont adopté une résolution réclamant des sanctions et un embargo sur les armes contre Israël.
La résolution soutient l’enquête de la Cour pénale internationale sur les crimes de guerre en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza.
Elle soutient d’autres « mesures efficaces réclamées par la société civile palestinienne » – une affirmation du mouvement BDS qui cherche à mettre un terme aux violations par Israël des droits palestiniens et des lois internationales.
De plus, elle affirme explicitement « le droit du peuple palestinien, tel qu’il est repris dans les lois internationales, de retourner dans ses foyers ».
Plus tôt cette année, un sondage parmi les membres du Parti travailliste a révélé que plus de 60 pour 100 d’entre eux soutiennent la campagne BDS.
Dans le même sondage, près de la moitié des personnes interrogées étaient d’accord avec la position disant que « Israël est un État d’apartheid, pratiquant systématiquement une discrimination envers les Palestiniens ».
Aux États-Unis, en mars, un sondage indiquait que la majorité des démocrates voulaient que les États-Unis exercent davantage de pressions sur Israël.
La culture et les sports
Bien que de nombreux artistes de scène, personnalités culturelles, écrivains et athlètes aient dû annuler ou reporter leurs tournées, spectacles ou apparitions en raison de la pandémie, un cadre de musiciens a intensifié les campagnes pressant les artistes à ne pas prévoir de spectacles en Israël.
Rage Against the Machine, Patti Smith, Noname, Vic Mensa, Thurston Moore et Run the Jewels figuraient parmi les premiers signataires de l’initiative Musiciens pour la Palestine, qui a continué d’attirer des sympathisants.
Un judoka algérien a refusé de concourir contre un Israélien aux JO de Tokyo en juillet et il a bravé une sanction administrative émanant du Comité international olympique.
Le 26 juillet, Fethi Nourine a déclaré forfait dans un match éliminatoire contre son homologue soudanais Mohamed Abdalrasool, du fait que le vainqueur de ce match aurait dû affronter ensuite l’Israélien Tohar Boutboul.
« Toute compétition qui a lieu sous le drapeau israélien est une reconnaissance, non seulement de l’État d’Israël, mais aussi de la légitimité de son occupation de la terre palestinienne »,
a écrit Nourine sur Facebook, fin juillet.
Son retrait a éliminé la possibilité pour lui d’avoir à affronter l’Israélien.
Nourine a expliqué qu’il refusait la normalisation avec un représentant d’un « État colonisateur et occupant ».
L’athlète et son coach, Amar Benikhlef, se sont vu retirer leur accréditation olympique et ils ont été renvoyés chez eux.
Et, finalement, l’autrice irlandaise à succès, Sally Rooney, a respecté l’appel au boycott en octobre en refusant de permettre qu’une société israélienne achète la traduction et les droits de publication en hébreu de son tout dernier roman, Beautiful World, Where Are You (Beau monde, où es-tu).
La Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël (PACBI) a salué Sally Rooney pour avoir rejoint les « très nombreux auteurs internationaux dans le soutien au boycott institutionnel et culturel du secteur de l’édition complice d’Israël ».
Sally Rooney a déclaré qu’elle serait heureuse de vendre les droits du manuscrit pour sa traduction en langue hébraïque s’il devait être possible de trouver une société qui ne viole pas les principes de l’appel BDS.
« Je ne pense tout simplement pas qu’il serait juste, dans les circonstances actuelles, que j’accepte un nouveau contrat avec une société israélienne qui ne prendrait pas publiquement ses distances vis-à-vis de l’apartheid »,
a encore dit Sally Rooney.
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Nora Barrows-Friedman est une journaliste et rédactrice associée à The Electronic Intifada ; elle est également l’autrice de In Our Power : US Students Organize for Justice in Palestine (En notre pouvoir : Des étudiants américains s’organisent pour la justice en Palestine) (Just World Books, 2014).
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Publié le 30 décembre 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine