Les nations du monde devraient publier un avertissement aux voyageurs se rendant en Israël

Ce n’est pas la personne qui menace mais plutôt la personne qui doute de l’existence de la menace qui est le vrai danger.

L’habile agression d’un pacifiste danois, blond et portant un keffiyeh par le lieutenant colonel Shalom Eisner fut spectaculaire. Les deux bras nerveux de l’officier supérieur ont saisi le fusil M-16  comme si ils étaient une partie indivisible de son corps. Puis, avec un mouvement instinctif- prévisible chez quelqu’un dont la vie aurait été menacée-, {l’officier supérieur} le fait atterrir en plein visage de la personne qui avait osé le regarder dans les yeux. Quelle chance que le guerrier Viking soit tombé à la renverse indiquant de ce fait sa dégorillefaite ! Une attitude connue dans la jungle.   L’officier effrayé n’a pas poursuivi. Quelle honte ! Eût-il continué son attaque, c’eût été une excellente scène de mise à mort pour une nouvelle série dans « National Geography ». Peut-être sous le titre : « Annihilation ».

Apparemment, c’est une histoire politique dans laquelle un groupe de pacifistes pro-Palestiniens essaye de convaincre une force d’occupation de se comporter de manière décente vis-à-vis des occupés. En fait, il n’y a rien de politique ici. Quand un pays se comporte comme si il était une réserve naturelle dans laquelle les espèces qui y vivent ont le sentiment d’être en danger d’extinction, il s’agit simplement d’une histoire d’anthropologie.

Celui qui veut visiter une réserve de gorilles en Ouganda, par exemple, connaît les règles. Le visiteur doit fournir un certificat de bonne santé ; les touristes curieux sont autorisés à visiter seulement par petits groupes et doivent quitter la réserve en moins de 24 heures. Les touristes qui vont dans les réserves naturelles en Tanzanie savent qu’il leur est interdit de laisser leurs véhicules, de jeter de la nourriture aux animaux ou de s’approcher d’eux. De même quiconque tue un ours blanc dans les étendues de neige aura un procès. Il y a des règles claires, internationalement reconnues qui définissent quelles espèces sont menacées et comment les préserver.

Israël est une réserve dangereuse et les nations responsables auraient dû, depuis longtemps, publier un avertissement aux voyageurs ou du moins éditer un guide détaillé de ce qui est autorisé ou interdit ici. Quels mots ou phrases provoquent un grognement d’avertissement. Un genre de dictionnaire à usage des touristes dans lequel les termes comme « fly-in » (= Bienvenue en Palestine, ndlt), « flottille », « État palestinien », « avant-postes illégaux », « apartheid », «  racisme », « Haute Cour de Justice » et naturellement « occupation »  seront soulignés en rouge et en gras.

Le guide expliquerait ce qui pourrait faire qu’Israël « morde », les endroits à éviter par le touriste, là où il est autorisé aux hommes et aux femmes d’être ensemble, là où les groupes mixtes peuvent s’attirer des jets de pierre, quelle réponse un keffiyeh rouge autour du cou peut susciter et à quels dangers quelqu’un portant des vêtements rouges, noirs et verts pourrait faire face.

Ce n’est pas une recommandation extraordinaire. Quelqu’un qui veut visiter la Somalie, l’Afghanistan, l’Algérie, la Tchétchénie ou le Soudan, ou aller simplement à un safari, sait ce qu’il doit porter et ce qu’il ne peut pas dire.

Une réserve menacée comme Israël n’est pas ouverte à tout un chacun, à tout moment. Quand Israël était encore un petit pays défini par la Ligne Verte, il invitait le monde entier à venir le visiter. Mais quand il a grossi et a étendu son espace vital, il est devenu plus menacé et plus effrayé. Et il a dressé des listes notifiant qui est interdit d’entrée sur son territoire. Ces listes incluent non seulement des personnes recherchées qui planifient des attaques terroristes, mais également les militants d’organisations de droits de l’homme, au moins un auteur allemand et les politiciens qui ne sont pas prêts à rester dans le rang. Les listes incluent également des recommandations au sujet de ceux qui ne devraient pas gaspiller leur argent pour des billets d’avion – par exemple, un touriste dont le nom suppose une origine arabe ou musulmane. Il est possible que bientôt, de nouvelles listes beaucoup plus courtes soient publiées portant uniquement les noms de ceux qui sont autorisés à visiter la réserve.

Voilà comment Israël se transforme en enclave de fondamentalisme nationaliste dans laquelle l’alliance entre les citoyens (les juifs, naturellement) n’est pas basée sur l’égalité ou les valeurs partagées mais sur la délimitation incessante de ses frontières avec le monde extérieur. C’est une enclave qui n’est pas alimentée par un sens de la victimisation – bien que ce soit certainement une valeur nationale – mais plutôt par une menace dont l’impact n’est compris que par les habitants de l’enclave.

Par conséquent, ce n’est pas la personne qui menace mais plutôt la personne qui doute de l’existence de la menace qui est le vrai danger. Ce ne sont pas les Palestiniens qui menacent d’établir un état mais plutôt les personnes qui pensent qu’un Etat palestinien n’est pas une menace qui viole les frontières de l’enclave.

C’est ce genre de personne qui pose le danger existentiel et donc c’est lui qui est frappé au visage, peu importe qu’il soit citoyen danois ou israélien.

Par Zvi Bar’ el, Haaretz, 18/04/2012

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