Lettre d’Omar Barghouti, 27 novembre 2011
L’éditeur de Ha’aretz attaque l’« apartheid israélien » et la stratégie de nettoyage ethnique.
Rien de nouveau. Mais ça vient de l’éditeur de l’un des journaux les plus influents d’Israël. D’autres personnalités israéliennes de l’intérieur de l’establishment (et le quotidien israélien en fait très certainement partie, d’un point de vue objectif) ont utilisé le terme d’apartheid auparavant pour décrire telle ou telle dimension de l’oppression coloniale et du système de discrimination raciale israéliens. N’empêche que pour l’éditeur de Ha’aretz, utiliser ce terme, et maintenant, c’est nouveau, et c’est bien !
Il convient d’indiquer qu’un précédent éditeur de Ha’aretz a appelé au boycott de la Knesset après qu’elle ait voté le « Serment de fidélité ».
Comme tous les sionistes « libéraux » cependant, l’auteur tente d’absoudre Israël de son « péché originel », le déracinement et le nettoyage ethnique planifiés et méthodiques de la plupart des Palestiniens originaires de ce pays en 1948, se concentrant à la place sur l’effet corrupteur de l’ « occupation » et de l’entreprise coloniale d’implantation dans le territoire de 1967. De sorte que la Nakba devient la « guerre d’Indépendance », avec un I majuscule. Et Israël est montré comme une démocratie innocente jusqu’en 1967 !
Comme d’habitude, l’auteur obscurcit la véritable définition de l’apartheid, le considérant comme un système de discrimination exclusivement sud-africain. Mais il reste obligé d’utiliser le terme pour décrire le système d’Israël envers les Palestiniens, au moins dans les territoires palestiniens occupés en 1967. Et comme il faut s’y attendre également, l’auteur ignore les dizaines de lois israéliennes, notamment les lois (basiques) « constitutionnelles », faisant une discrimination entre citoyens juifs et non juifs de l’État dans pratiquement tous les aspects vitaux de la vie.
Le fait est que le système d’Israël, que même le Département d’État US appelle « une discrimination institutionnelle, juridique et sociétale » contre les citoyens indigènes palestiniens de l’État, répond à la définition de l’apartheid du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, et que la Convention internationale de 1973 sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid est ignorée par cet auteur par ailleurs bien documenté.
La conclusion tirée par la récente session, à Cape Town, du Tribunal Russel sur la Palestine, (qui impliquait plusieurs autorités renommées au niveau mondial sur l’apartheid), selon laquelle Israël se rend coupable du crime d’apartheid contre l’ensemble du peuple palestinien (de 1948, de 1967 et en exil) est un peu commodément omise par ce faiseur d’opinion.
Pourtant, d’apprendre que Mr Schocken reconnaît finalement une partie de ce que nous savons depuis des décennies est tout de même une bonne chose. Mieux vaut tard que jamais ; et mieux vaux reconnaître une part de culpabilité que rien du tout.
Omar Barghouti
Source : Info-Palestine