Bulletin 64, Juin 2015
Nous vous en parlions dans notre précédent numéro, les mobilisations contre l’accord transatlantique (TTIP/TAFTA) et celles pour les droits du peuple palestinien se rencontrent soudainement. Bien entendu, rares sont ceux et celles qui n’étaient pas déjà présents sur les deux fronts en même temps, mais la menace sur la campagne BDS est désormais inscrite dans le prolongement du traité UE-USA.
Il y a quelques semaines, le sénateur américain Cardin a déposé, avec l’appui du puissant lobby pro-israélien AIPAC, un amendement au projet de loi relatif au commerce entre les Etats-Unis et l’Europe, à savoir le déjà tristement célèbre “Transatlantic Trade and Investment Partnership” (TTIP), dans le but de contrer la campagne BDS. Le succès sans cesse grandissant de la campagne BDS dérange en effet très fort les supporters inconditionnels d’Israël.
L’amendement interdirait au gouvernement étatsunien de conclure le TTIP, ou tout autre accord commercial similaire, avec des partenaires qui ne s’engageraient pas à prendre toutes les mesures utiles pour “décourager toute action visant, pour des motifs politiques, à promouvoir le boycott, le désinvestissement ou les sanctions visant Israël et à éliminer toute barrière non tarifaire ayant des motivations politiques pouvant entraver le commerce de biens, de services ou autres imposée à l’Etat d’Israël“.
Pour conclure des accords commerciaux avec les Etats-Unis, les Etats européens, visés par cet amendement, devront s’engager à interdire toute forme d’action ayant des motivations politiques visant à “pénaliser ou à limiter de quelque manière que ce soit” le commerce “avec Israël ou des personnes faisant des affaires en Israël ou dans les territoires contrôlés par Israël“.
Si cette proposition était adoptée, les Etats-Unis chercheraient donc à imposer à l’Union européenne et à ses Etats membres l’abandon des mesures telles que l’interdiction récemment adoptée de financer par des programmes européens des initiatives israéliennes dans les territoires palestiniens occupés (les “territoires contrôlés par Israël“) ou l’étiquetage distinctif des produits provenant des entreprises installées dans les colonies illégales de Cisjordanie.
La proposition Cardin a été adoptée au Sénat en commission par… 26 voix contre 0, et celle similaire du représentant Roskamp a pareillement été adoptée à la Chambre, où le débat a cependant été vif. Les parlementaires étatsuniens semblent quelque peu mal à l’aise d’endosser aussi ouvertement les thèses de l’AIPAC, car – rapporte Mike Coogan sur le site Mondoweiss, à qui nous avons emprunté une bonne partie du contenu de cet article – les tractations politiques autour de ce texte ont été entourées d’un certain secret, et mercredi dernier la commission de la Chambre qui en débattait a soudain déplacé ses travaux dans une toute petite salle, juste avant de passer au vote, de manière à empêcher, faute de place, la présence du public.
Le mouvement Jewish Voice for Peace (“Voix juive pour la paix”) a protesté, expliquant que l’amendement en question “encourage la construction de colonies illégales et tend à renforcer l’extrême-droite israélienne“,et ajoutant qu’il démontre aussi que “le boycott est un moyen de plus en plus puissant pour combattre l’impunité dont bénéficie la violation des droits des Palestiniens par Israël“.
Même le mouvement J-Street, qui est hostile au BDS, a déclaré cette initiative parlementaire contre-productive, l’adoption de ce texte ne pouvant, selon lui, que renforcer l’influence du BDS en validant “une de ses thèses les plus fallacieuses, à savoir qu’Israël et les territoires occupés ne forment qu’un seul ensemble“.
L’amendement du sénateur Cardin admet implicitement qu’il faut considérer “les territoires contrôles par Israël” comme ne formant qu’un avec Israël,… ce qui à terme ne pourrait permettre qu’un Etat binational dans lequel les Juifs ne seraient plus majoritaires. J-Street rappelle aussi que les Etats-Unis sont toujours officiellement opposés à la colonisation de la Cisjordanie occupée par Israël.
Article publié par la Plateforme Charleroi Palestine (site www.pourlapalestine.be) le 6 mai 2015 et inspiré de l’article de Miike Coogan sur Mondoweiss.net : « AIPAC-backed legislation targeting BDS movement advances in Congress », 25 avril 2015.