Des diplomates à Jérusalem disent que les Etats devraient envisager une loi visant à dissuader les transactions financières appuyant les activités de colonisation.
L’Union européenne devrait envisager de légiférer pour empêcher ou décourager les entreprises et organisations des Etats membres de faire des affaires qui soutiennent les colonies israéliennes, selon un rapport confidentiel rédigé par des diplomates de l’UE à Jérusalem.
La recommandation est contenue dans le rapport des chefs de missions de l’UE sur Jérusalem-Est, qui évalue l’impact de la croissance des colonies et d’autres facteurs sur les perspectives de Jérusalem comme future capitale de deux Etats, Israël et Palestine. Il décrit la situation comme «se détériorant» et avertit que «l’augmentation systématique des activités de colonisation … sape de plus en plus la solution à deux Etats ».

Le rapport de 2011, divulgué au Guardian, a été envoyé à Bruxelles lundi après approbation par les diplomates de l’UE vendredi dernier. Il s’appuie sur les rapports annuels précédents, qui étaient aussi très critiques des politiques israéliennes à Jérusalem-Est.
Il invite la Commission européenne à envisager de légiférer “pour prévenir/décourager les transactions financières en appui aux activités de colonisation”.
La législation devrait interdire le commerce et les affaires avec les colonies du fait de leur illégalité au regard du droit international, plutôt que d’un boycott politique axée, a déclaré une source diplomatique européenne.
Il est le dernier d’une série de récents rapports et déclarations européennes, y compris:
- Nick Clegg, le vice-Premier ministre britannique, décrivant la construction de colonies comme « un acte de vandalisme délibéré» qui engendre «des dégâts immenses» pour les perspectives de paix. «L’existence continue des colonies illégales risque de créer des faits sur le terrain de telle sorte que la solution à deux Etats ne soit plus viable », a-t-il dit.
- Un rapport parlementaire français accusant Israël d ‘«apartheid» dans sa politique d’allocation des ressources en eau entre les colons israéliens et les Palestiniens en Cisjordanie.
- Un rapport interne de l’UE critiquant vivement la politique israélienne dans la zone C, c’est-à-dire dans les 62% de la Cisjordanie sous contrôle israélien, disant que celle-ci mettait en péril les perspectives d’une solution à deux Etats.
Le rapport de l’UE sur Jérusalem pointe une « recrudescence de la planification des colonies » en 2011, surtout sur le flanc sud de la ville, qui comprend « la première grande nouvelle colonie israélienne à Jérusalem » depuis 15 ans, à Givat Hamatos.
Il a également cité l’expansion prévue de Gilo, une colonie située aux abords de Jérusalem près de Bethléem, qui « a attiré d’importantes préoccupations et condamnations internationales » puisque la décision a été prise quelques jours après un appel lancé à Israël et aux Palestiniens par le Quartet pour le Moyen-Orient de s’abstenir de toute provocation.
Le rapport souligne un plan de longue date pour une autre nouvelle colonie pour environ 14500 colons sur une zone ouverte à l’est de Jérusalem connue sous le nom E1. Les travaux d’infrastructure ont été stoppés en 2004 suite à des objections des Etats-Unis, mais le rapport affirme qu’il ya de fortes indications que le plan sera mis en œuvre – y compris le retrait forcé imminent de 2300 Arabes bédouins de la région.
«Les gouvernements israéliens successifs ont poursuivi une politique de transfert de population juive dans le tPo [le territoire palestinien occupé] en violation de la Quatrième Convention de Genève et du droit international humanitaire”, indique le rapport. L’UE déclare que Jérusalem-Est est un territoire occupé et a été illégalement annexé.
Il affirme qu’Israël «perpétue activement son annexion en sapant systématiquement la présence palestinienne dans la ville» en imposant des règlements d’urbanisme dans les quartiers palestiniens, par des démolitions de maisons, par des expulsions, par une activité archéologique dans le «bassin historique” autour de la Vieille Ville, par la révocation des droits de résidence des Palestiniens, par les routes de contournement séparées pour les Israéliens et les Palestiniens et par la construction de la barrière de séparation.
Le rapport affirme qu’Israël utilise différentes méthodes pour gagner le contrôle des terres et des biens palestiniens, y compris la récente désignation de terres privées pour un nouveau parc national au Mont Scopus. Le plan mettrait un terme à toute expansion des quartiers palestiniens.
Les difficultés d’obtention de permis de construire, ou les obstacles à l’expansion, forcent des familles palestiniennes à choisir entre quitter Jérusalem ou construire illégalement et en risquant des ordres de démolition, dit le rapport.
«Si les tendances actuelles se maintiennent, la perspective de Jérusalem comme future capitale de deux Etats devient de plus en plus improbable et impraticable, sapant la solution à deux Etats ».
Le rapport détaille les inégalités dans le financement public de l’éducation et des transports entre les zones juives et palestiniennes de Jérusalem. Moins de la moitié des enfants palestiniens à Jérusalem-Est sont dans les écoles municipales en raison d’une grave pénurie de salles de classe. Les Palestiniens représentent 37% de la population de la ville, mais seulement 10% du budget des transports municipaux est dépensé pour les zones palestiniennes. La pauvreté dans les quartiers palestiniens est beaucoup plus élevée que dans d’autres secteurs de la ville.
Yigal Palmor, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, a rejeté le rapport comme «un désagréable bruit de fond».
Il a dit: “Dans une tentative désespérée pour attirer l’attention, ils suggèrent un boycott tous azimuts, ce qui est irréalisable pour des raisons juridiques, techniques et politiques. Il y a une raison pour laquelle ces rapports trouvent leur chemin vers le plus proche tiroir..”
Par Harriet Sherwood, à Jérusalem.
Source : The Guardian, 18 janvier 2012.
Trad. : NJO.