Bulletin 50, décembre 2011
« Le Tribunal Russell sur la Palestine exhorte la société civile mondiale (y compris tous les groupes et individus qui travaillent de leur mieux en Israël et en territoire palestinien occupé pour lutter contre le système de domination raciale qui y règne) à reproduire l’esprit de solidarité qui a contribué à mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud, notamment en conscientisant les parlements nationaux par rapport aux conclusions de ce Tribunal et en soutenant la campagne de Boycott, de Désinvestissement et de Sanctions (BDS)».
Voilà une des recommandations issues de la troisième session du Tribunal Russell sur la Palestine tenue ces 5, 6 et 7 novembre à Cape Town en Afrique du Sud. Vingt ans après la chute du régime d’apartheid sud-africain, les mêmes outils de lutte sont remis à l’honneur contre Israël, lui aussi coupable du crime d’apartheid. Six ans après son lancement, la campagne BDS continue d’être le moyen le plus efficace de lutte contre la politique d’occupation des territoires palestiniens de l’Etat d’Israël.
Lancée en juillet 2005, un an après l’avis émis par la Cour internationale de Justice établissant l’illégalité du mur construit par Israël en Cisjordanie, la campagne BDS s’est depuis lors développée à l’échelle de la planète et engrange de nombreux succès dans la lutte contre l’occupation israélienne et ses soutiens internationaux.
Boycott
Parmi ces succès, un des plus récents, mais des plus exemplaires, fut la fermeture du magasin Ahava de Londres. Les manifestations organisées régulièrement (une à deux fois par mois) devant le magasin de la marque, installé Monmouth Street, ont fini par le déserter de ses clients, l’obligeant finalement à fermer. De nombreux militants ont été inculpés, mais les charges à leur encontre ont dû chaque fois être abandonnées, autant de procès assurant une publicité bienvenue à la campagne. (LondonBDS.org, 21/9/2011). En quelques mots, assiduité, persévérance, inventivité et médiatisation ont permis le succès de la campagne.
Le boycott culturel porte lui aussi ses fruits et le nombre d’artistes internationaux refusant de se produire en Israël est de plus en plus grand. Cette année, la chanteuse française Vanessa Paradis a ainsi décidé d’annuler son voyage en Israël en réponse à des appels de militants français de la campagne BDS. Quant au boycott académique, la coopération entre l’UE et Israël exige des actions ciblées contre les nombreux programmes de coopération entre les universités belges telles l’ULB ou les FNDP à Namur et les universités israéliennes (cf. article sur la coopération scientifique entre l’UE et Israël dans ce même bulletin).
D’autres campagnes ont porté leurs fruits mais se retrouvent aujourd’hui gelées compte tenu des difficultés financières rencontrées, du fait de la crise, par les entreprises ciblées.
Ainsi la compagnie israélienne d’exportation Agrexco a été déclarée en faillite le 30 août dernier par le tribunal de Tel Aviv qui en a ordonné la liquidation des actifs (Coalitioncontreagrexco.net, sept. 2011). Et même si cette faillite n’est pas due à la campagne BDS, on ne peut que s’en réjouir. Néanmoins, il est certain que les exportations de fruits et légumes cultivés dans les colonies, au mépris du droit international, continueront sous un autre nom ou via une autre société telle Mehadrin. C’est pourquoi la campagne européenne contre Agrexco reste vigilante et a organisé une mobilisation générale le 26 novembre dernier.
Désinvestissements
Pour rappel, la campagne contre Dexia vise, elle, à obtenir de l’ex-groupe franco-belge le désinvestissement de sa filière israélienne. Dexia Israël a pour objectif le financement des communautés, dont les colonies israéliennes installées en Cisjordanie. La campagne contre Dexia avait remporté une victoire en mai dernier lorsque le groupe avait annoncé, lors de son assemblée générale, la revente de sa filiale israélienne avant l’été. Nous voilà en décembre, et rien n’en a été fait. Alors que la banque traverse une crise sans précédent, Dexia Israël fait encore partie des actifs de Dexia Crédit Local (DCL) (BDSMovement.net, 26/10/2011). Cependant, selon le magazine d’affaires israélien Globes, il semblerait que Dexia Israël ait été sciemment attribuée à la branche française du groupe à cause du « boycott et pressions des organisations pro-palestiniennes en Belgique » (Globes, 10/10/2011).
Sanctions
Le troisième volet de la campagne concerne les sanctions. La principale avancée dans ce domaine a été l’établissement du rapport Goldstone de la commission du même nom mise en place par les Nations Unies afin d’établir les faits sur le « conflit » à Gaza. Malheureusement, malgré le fait que les nombreuses violations du droit international et du droit humanitaire perpétrées par l’armée israélienne ont été établies par le rapport et malgré l’approbation de ce dernier en novembre 2009 par l’AG des Nations Unies, aucune sanction n’a été prise par la communauté internationale à l’encontre d’Israël. Les Etats restent encore très frileux sur ce point, d’où l’importance de pressions citoyennes accentuées sur nos gouvernements. Seul un tribunal militaire anglais a lancé en décembre 2009 un mandat d’arrêt contre l’ex-ministre des Affaires étrangères israélienne Tzipi Livni, alors en visite en Angleterre, pour son rôle dans l’opération Plomb Durci un an auparavant. Susceptible d’être traduite en justice, elle avait dû quitter précipitamment le territoire britannique. Désormais, tous les hauts responsables israéliens sont obligés de demander préalablement une expertise sur le système légal du pays où ils doivent se rendre afin d’éviter ce genre de risque, ce qui peut être considéré comme une retombée victorieuse de la campagne BDS.
Ne pas relâcher la pression
Il y a tout juste un an, l’Association belgo-palestinienne lançait sa campagne « Israël occupe la Palestine, je boycotte ». La campagne, menée durant toute l’année par les militants de l’ABP, a été également relayée par d’autres associations. De nombreuses cartes ont été envoyées à notre ministre des Affaires étrangères, ainsi qu’à la Haute Représentante de l’UE pour les Affaires extérieures, Catherine Ashton. Le troisième volet de cartes sera remis aux patrons des supermarchés Delhaize, Colruyt, Carrefour et autres afin de leur signifier le mécontentement d’une partie de leurs clients quant à la mise en vente de produits israéliens dans leurs rayons.
Dans le même esprit, mais en en réévaluant également la stratégie dans un souci d’efficacité, la campagne se poursuivra cette année, mais s’articulera autour de plusieurs dates, chacune destinée à promouvoir le boycott d’un produit spécifique. Ainsi, le 22 octobre a été l’occasion de pointer du doigt en premier lieu l’origine des herbes aromatiques prédécoupées vendues dans nos supermarchés – Delhaize, Carrefour, Colruyt et Makro.
Les prochains rendez-vous seront centrés sur divers autres produits israéliens vendus dans nos grandes surfaces. Le 17 décembre, à l’occasion des fêtes, nous nous focaliserons sur les produits israéliens susceptibles de s’inviter sous nos sapins. Le 11 février et à l’occasion de la Saint-Valentin, nous veillerons à ne pas flirter avec l’occupation israélienne! Nous ferons campagne, à cette occasion, contre les fleurs exportées par Israël sur nos marchés. Le 28 avril, et puisque nous retrouverons les fêtes en plein air, nous nous préoccuperons des pommes de terre israéliennes parfois transformées en frites pas si belges que ça ! Nous en profiterons pour organiser un concours de cartoonists autour du thème des frites belges et israéliennes afin de créer et de promouvoir un visuel attrayant pour la campagne. Enfin, le 16 juin avec le retour de la chaleur, nous terminerons en fraîcheur par un produit phare de cette industrie israélienne qui s’exporte, les fameux gazéificateurs Soda Club.
Nous vous attendons nombreuses et nombreux lors de nos prochains rendez-vous !